Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 12 avril 2017 à 11h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Le mot « historique » a été employé pour qualifier l'introduction du prélèvement à la source. Je rappelle que, depuis cinquante ans, la droite a fait trois tentatives infructueuses pour le mettre en place : M. Jacques Chirac, secrétaire d'État à l'économie et aux finances s'y était essayé à la fin des années soixante, avant M. Valéry Giscard d'Estaing, ministre de l'économie et des finances au début des années soixante-dix, puis, plus récemment, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie entre 2005 et 2007. Le jour où nous passerons au prélèvement à la source, et je pense que c'est pour l'année prochaine, sera donc bien un jour « historique » à l'échelle de ce demi-siècle.

La trajectoire pluriannuelle de finances publiques que vous proposez est à la fois sérieuse et intéressante. Dans un contexte où l'écart de production reste extrêmement élevé – et à mon sens, le ministère des finances a raison de l'estimer à 3 points de PIB –, elle montre que la règle édictée par la Commission imposant aux États membres concernés un effort annuel de réduction de 0,5 point de PIB du déficit structurel oblige à mener une politique économique qui n'est pas optimale. Je ne reproche pas au Gouvernement d'avoir appliqué la règle européenne, mais elle produit des résultats étonnants. Nous observons à la fois une très faible croissance – alors qu'avec un fort écart de production, une politique budgétaire neutre, voire expansionniste, relancerait la machine bien au-delà de la croissance potentielle –, et un déficit conjoncturel extrêmement élevé qui ne se réduit pas.

Afin d'atteindre un solde structurel nul, on conduit finalement une politique sous-optimale qui bride la croissance, ce que j'appelle une politique d'austérité. La croissance est freinée par rapport à ce qui serait nécessaire pour consommer l'écart de production et approcher la production potentielle. La réduction du déficit est inférieure à ce qu'elle devrait être, en raison d'un fort déficit conjoncturel, soit 1,3 point de PIB en 2020. Quant à l'inflation, elle est trop faible par rapport au niveau auquel elle s'établirait si l'on menait une politique budgétaire plus souple. En conséquence, la dette ne se réduit pas autant que cela serait possible sans une croissance et une inflation faibles. On sait que lorsque la dette approche des 100 % du PIB, sa réduction passe par la croissance nominale du PIB : avec 2 % de croissance en volume et 2 % d'inflation, la dette se réduit dès que le déficit passe sous les 4 % de PIB.

Une politique beaucoup plus pertinente pourrait être menée si nous pratiquions une politique budgétaire bien plus souple sans nous imposer de revenir à un déficit structurel nul qui n'a vraiment aucun sens au regard de la réalité macroéconomique de notre pays – même s'il est inscrit dans les traités. En faisant ce choix, je crois que nous obtiendrions la même réduction des déficits, et que nous aurions aussi, grâce à une réduction du déficit conjoncturel, une croissance plus forte, une inflation plus raisonnable, et une dette qui poursuivrait sa décrue. Cela donne envie de faire une autre politique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion