Intervention de Gérard Rameix

Réunion du 24 juillet 2012 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérard Rameix :

Les questions de Mme Berger – du moins les trois premières – concernent plus l'actuel Médiateur du crédit que l'éventuel futur président de l'AMF. À ma connaissance, en effet, ce dernier n'a pas compétence dans les matières évoquées, sauf peut-être lorsqu'il collabore avec l'Autorité de contrôle prudentiel. Je peux toutefois vous donner mon avis personnel.

Même si je ne verrais pas d'inconvénient majeur à ce que la structure des banques soit modifiée selon le principe ayant inspiré le Glass-Steagall Act, une telle mesure n'est pas la panacée. Son adoption en 2005 n'aurait probablement pas permis de changer la destinée d'aucune banque. Elle pourrait toutefois s'avérer utile afin de rétablir la confiance du public, même s'il reste à en définir les modalités. Je suis donc favorable à cette idée, mais sans enthousiasme.

De même, je suis plutôt d'accord avec l'idée d'élaborer les stress tests à partir de scénarios de crise. Mais, ces exercices étant publics, tester des hypothèses catastrophiques reviendrait à les valider aux yeux de l'opinion. Ils pourraient donc avoir des effets autoréalisateurs.

Ma position sur Bâle III, que j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'exprimer, est plutôt à contre-courant. La crise que nous vivons aujourd'hui tient, pour une part, à l'insuffisance de la régulation prudentielle à la suite de l'éclatement de la bulle financière. Les régulateurs le savent bien, et c'est pour cette raison qu'ils ont considérablement durci les règles. Cependant, je pense qu'ils ont été trop loin. Bien sûr, il est vertueux de ne pas prêter plus que ce que l'on a en dépôt, mais on ne peut pas, alors, demander aux banques de faciliter le financement de l'économie. Aujourd'hui, l'encours de leurs prêts dépasse celui de leurs dépôts ; elles vont donc moins prêter.

Une solution serait de permettre à d'autres acteurs de prendre le relais des banques pour financer l'économie. Ou alors, il faudrait revoir certains dispositifs financiers comme les OPCVM monétaires, dont les épargnants pourraient se détourner si les banques étaient en mesure de proposer les mêmes taux d'intérêts qu'eux : cela permettrait d'augmenter le montant des dépôts. Quoi qu'il en soit, le ratio imposé par Bâle III place les banques françaises dans une situation d'infériorité structurelle, et c'est pourquoi je ne peux que me montrer critique à son sujet.

En ce qui concerne la rémunération des traders, il convient d'adopter une vue internationale. Les traders ne sont pas très nombreux en France ; à quoi servirait-il de les discipliner si les banques finissent par les transférer à Londres ?

À propos des ventes à découvert, je ne suis pas naïf. Simplement, elles existent depuis qu'existe la bourse. Quant aux CDS, il s'agit d'une autre technique, même si elle revient à peu près au même pour une des parties contractantes.

Les CDS n'existaient pas lors de mon arrivée à la COB. Lorsqu'ils sont apparus, la Banque de France a considéré que la vente de cette protection contre le risque de crédit relevait du métier bancaire, et qu'elle ne pouvait être laissée à des OPCVM ou à des fonds. Mais son attitude a évolué par la suite, à l'instar de celle des autres banques centrales. L'idée était que plus on disperserait le risque par le biais des CDS, plus on renforcerait la solidité du système financier international. C'était une erreur, et on peut en effet estimer qu'il y a aujourd'hui trop de CDS. Il conviendrait dans un premier temps de les faire passer par un mécanisme de compensation. Leur limitation relève, elle, du régulateur prudentiel ; le régulateur des marchés ne peut, à lui tout seul, les interdire.

Au sein du collège financier de la COB, un expert financier de renom avait soulevé, déjà, le problème posé par les terms sheets : il aurait souhaité introduire un critère d'intelligibilité et ne pas autoriser les produits accompagnés de documents illisibles. Cependant, une telle notion me paraissait difficile à mettre en oeuvre sur le plan juridique.

Lorsque les salles de marché ont intérêt à se défaire de certains risques, elles élaborent des produits financiers spécifiques susceptibles d'être vendus aux épargnants. Or le régulateur ne peut les interdire sans une bonne raison. Peut-on aller jusqu'à invoquer leur complexité excessive ? La COB l'a fait parfois – trop rarement, sans doute –, mais c'est difficile, car l'émetteur peut toujours expliquer le mécanisme sur lequel se fonde le produit. Il me semble toutefois que l'AMF tend à se montrer plus sévère sur ce plan.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion