Intervention de Jean-François Lamour

Séance en hémicycle du 12 février 2013 à 21h45
Séparation et régulation des activités bancaires — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Lamour :

L'abandon discret de la taxe à 75 % a suivi, taxe que le Gouvernement a glissée sous le boisseau en croisant les doigts pour qu'on n'en parle plus.

Le Gouvernement a ensuite reculé pour la barémisation, face à la fronde des entrepreneurs.

Enfin, le budget pluriannuel de l'Union européenne a été adopté après qu'un axe anglo-allemand s'est dessiné pour contrer les prétentions françaises, ce qu'il faut bien appeler un camouflet pour le Président de la République.

Ce projet de loi est donc devenu le réceptacle de toutes ces frustrations accumulées au cours des neuf derniers mois. Notre assemblée se trouve ainsi saisie d'une quantité d'amendements déposés par les écologistes, les communistes et la gauche du parti socialiste, qui vont tous dans le sens d'un durcissement du texte.

Certains ont été déjà adoptés en commission ; d'autres viendront sans doute en séance puisque plusieurs membres de la majorité ont affirmé qu'ils les maintiendraient.

Je souhaite insister sur les trois points qui, selon le groupe UMP, seront le plus préjudiciables au système bancaire, sans même parler des tentatives, qui pourraient intervenir au cours de nos débats, d'introduire une séparation stricte.

Madame la rapporteure, vous êtes l'auteure d'un amendement adopté en commission qui permet au ministre de définir un seuil exprimé en proportion du produit net bancaire au-delà duquel le market making sera filialisé.

Sur le principe, la disposition paraît d'effet assez limité. Mais qu'adviendra-t-il de ce seuil laissé à la discrétion du Gouvernement ? À moins que vous ne sortiez de votre silence pour nous préciser, monsieur le ministre, la portée de l'arrêté qui devrait être pris, ce point est laissé dans le flou le plus complet alors même qu'il modifie substantiellement l'article 1er.

En l'état, ce seul amendement est rédhibitoire. En effet, la tenue de marché ne peut être dissociée des opérations d'émission d'actions et d'obligations qui financent l'économie. De surcroît, le seuil n'est pas différencié selon les établissements, comme le faisait remarquer à juste titre le président de la commission des finances.

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement écologiste prévoyant des obligations pour les établissements de crédit, l'objectif affiché étant d'assurer la transparence des activités bancaires dans les paradis fiscaux.

Nous convenons tous dans cet hémicycle de la nécessité de lutter contre les paradis fiscaux, mais encore faut-il s'accorder sur les termes ! L'amendement en question doit faire expressément référence aux paradis fiscaux, comme le préconise un amendement du président Carrez. Sans cela, la loi porterait atteinte à la compétitivité des banques en les obligeant à rendre publiques des informations importantes sur leur activité.

J'ajoute qu'il est assez paradoxal que Bercy admette, comme le rappelle Karine Berger à la page 36 de son rapport, les raisons qui peuvent conduire les banques à ne pas communiquer certaines informations, notamment sur les activités de tenue de marché, tout en laissant la porte ouverte à un tel amendement.

Enfin, monsieur le ministre, votre projet prévoit de plafonner les commissions pour les clients les plus fragiles, ce qui nous semble souhaitable et équilibré. Il se trouve que des membres de votre majorité souhaitent élargir le champ de ce plafonnement. Vous avez laissé la discussion ouverte, tandis que la rapporteure a accepté ce midi même un amendement allant dans ce sens.

Nous réitérons donc notre mise en garde : nous ne soutiendrons pas cet élargissement qui aurait pour effet de dégrader les résultats du secteur. Or, vous l'avez rappelé vous-même avec raison, monsieur le ministre, le secteur bancaire français consent plus de 800 milliards d'euros de crédit aux entreprises et emploie 400 000 salariés.

Sur ces sujets, et sans doute sur d'autres, vous êtes prêt à aller plus loin que le texte originel, voire à acter certaines évolutions demandées par votre majorité. Nous ne pouvons l'accepter.

Le texte qui nous a été présenté constituait en effet une base équilibrée – quoique critiquable quant à son principal dispositif – pour traiter de l'influence des activités de marché sur l'économie réelle.

Nous ne nions pas que la crise financière rende indispensables une réflexion et une démarche législative visant à préserver les activités de financement de l'économie des activités de marché excessives ou nuisibles. C'est la raison pour laquelle nous abordions ce texte dans un esprit constructif.

Nous ne sommes pas hostiles par principe à ce projet de loi. S'il était demeuré en l'état, nous ne nous y serions probablement pas opposés, tout au moins l'aurions-nous examiné point par point. Il comportait pour nos réseaux bancaires des obligations et des contraintes, sinon opportunes, probablement nécessaires à terme, mais néanmoins lourdes à mettre en oeuvre.

Or la capacité des banques à se refinancer est l'un des moteurs de l'investissement et de la croissance. En d'autres termes, imposer des contraintes inadaptées aux réseaux bancaires français reviendrait d'une façon ou d'une autre à porter atteinte au financement de l'économie.

Monsieur le ministre, il ne faut pas perdre de vue que c'est l'économie – au-delà de l'économie française, l'ensemble des économies occidentales, à des degrés différents – qui est malade. Vous pouvez bien continuer à vous agiter contre la finance ; il s'agit d'une cible immobile, voire d'un bon moyen de diversion. Mais elle cessera d'être néfaste lorsque notre économie sera à nouveau en bonne santé, c'est-à-dire compétitive, innovante, créatrice de richesses et d'emplois.

Et ce n'est pas avec des budgets comme celui que vous venez de nous faire voter, qui bouleverse la fiscalité des entreprises les plus dynamiques, fait exploser la dépense et flamber les impôts, que vous allez créer les conditions de la croissance dans notre pays.

Le premier président de la Cour des Comptes vient d'ailleurs de vous rappeler à l'ordre pour votre gestion des deniers publics, comme nous ne cessons de le faire depuis que vous êtes au pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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