Intervention de Thierry Robert

Séance en hémicycle du 12 février 2013 à 21h45
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Robert :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes invités ce soir à examiner le projet de loi de régulation et de séparation des activités bancaires. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera bien évidemment en faveur de ce texte.

Alors que la crise qui frappe l'économie réelle est d'une immense gravité, la France se dote enfin d'outils pour prévenir les crises financières ; car c'est bien une crise financière qui est à l'origine des difficultés économiques que subissent aujourd'hui bon nombre de nos concitoyens.

Il n'est pas admissible qu'une prise de risque inconsidérée sur les marchés financiers mette à mal les finances publiques des États. Il n'est pas tolérable non plus que la folie spéculative ébranle l'ensemble de l'économie mondiale.

Pour lutter contre les excès de la finance, deux pays hautement symboliques ont d'ores et déjà appliqué des mesures préventives. Les Américains ont édicté la règle Volcker, qui limite l'exercice d'activités spéculatives jugées incompatibles avec le profil de risque d'une banque d'abord dédiée à ses clients. Nos voisins britanniques, quant à eux, devraient bientôt voter les recommandations issues du rapport Vickers, qui sanctuarisent la collecte de dépôts et l'octroi de crédit ; cette mesure ne sera cependant effective qu'en 2019.

Plus de quatre ans après la débâcle financière de 2008, le gouvernement français a pris la décision de séparer les banques et de mieux réguler leurs activités. Les députés du groupe RRDP soutiennent cette démarche, qui avait été clairement mise en avant par le candidat Hollande.

Les débats, au sein de la majorité, ne portent pas sur le principe mais sur les modalités. Le sujet est très complexe, car l'activité bancaire demeure un pilier de l'économie française. Son poids dans notre économie invite à ne pas sous-estimer les conséquences que des mesures législatives et réglementaires peuvent avoir en termes d'activité et d'emploi. Toutefois, avec quatre banques systémiques mondiales, la France se doit d'être ambitieuse.

Dès lors, les débats auraient pu se focaliser sur la protection de l'économie dans son ensemble. Lors de l'examen en commission des finances, le texte a été amélioré. Mais je me demande toujours s'il n'aurait pas mieux valu séparer, par une cloison étanche, la banque de dépôt et la banque de marché. La banque de dépôt doit être protégée des risques systémiques et pouvoir prendre des risques limités : cela suppose de ne pas l'exposer à des activités de marché extrêmement volatiles.

Pour diverses raisons, le modèle de la stricte séparation, que les États-Unis ont longtemps pratiquée, n'a pas été retenu. On lui a préféré une séparation entre activités utiles à l'économie et activités spéculatives. Soit, mais, dans ce cas, ne serait-il pas souhaitable d'intégrer dans les filiales les activités de marché qui, malgré leurs bienfaits pour l'économie, peuvent aussi être utiles à la spéculation ?

Des amendements déposés par les députés de notre groupe vont dans ce sens : l'un d'eux vise à cantonner la « tenue de marché » dans les filiales. Malgré l'introduction, dans le texte de la commission, d'indicateurs servant à mieux identifier les activités de tenue de marché utiles à l'économie, on peut craindre que des activités spéculatives soient exercées sous couvert de tenue de marché. Dans le cas où la tenue de marché serait maintenue aux côtés de la banque de dépôt, un autre amendement vise à ce que le législateur exprime clairement, sans s'en remettre à une décision ultérieure de l'exécutif, la nécessité d'instaurer un seuil au-delà duquel les opérations doivent être intégrées dans les filiales.

Enfin, il est absolument nécessaire d'affirmer que les banques qui ne respecteront pas la séparation se verront sanctionnées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l'ACPR.

Une fois cette séparation réalisée, il aurait été décevant que le projet de loi ne s'attaque pas à l'une des causes des déséquilibres financiers mondiaux, les paradis fiscaux. Les banques devront, dès cette année, indiquer dans une annexe à leurs comptes annuels, la nature des activités qu'elles exercent dans tous les pays du monde où elles sont implantées : une telle mesure mettra ainsi en lumière les activités des banques dans les paradis fiscaux. Trois amendements ont été déposés par les députés de notre groupe, afin d'élargir les informations que les banques devront publier.

Le projet de loi permet également de renforcer les pouvoirs du Conseil de stabilité financière, même si la composition de ce dernier peut encore être améliorée. En commission des finances, le rôle du Parlement dans la désignation des personnalités qualifiées a été accru, mais on ne s'attaque pas ici à l'une des causes des crises financières : l'entre-soi financier.

Comme l'a démontré la débâcle de 2008, les crises financières résultent tout autant des excès des établissements financiers, que de l'absence de décisions par les institutions. Il est même des cas où les institutions peuvent avoir intérêt à faire perdurer des déséquilibres : le soutien au crédit hypothécaire aux États-Unis l'a prouvé.

Afin de lutter contre cet entre-soi financier, il est nécessaire d'élargir la composition des cercles décisionnels, notamment aux représentants de l'économie réelle. C'est pourquoi un amendement de notre groupe propose que le président du Conseil économique, social et environnemental soit membre de droit du Conseil de stabilité financière. Pour ma part, je proposerai que les trois personnalités qualifiées au sein de ce conseil aient la possibilité de formuler des propositions sur les exigences en fonds propres auprès des banques et les critères d'octroi de crédit, afin de s'assurer que les pouvoirs contraignants du Conseil de stabilité financière ne dépendent pas seulement de la Banque de France.

Enfin, les dispositions relatives à la protection du consommateur bancaire relèvent du bon sens. On ne saurait tolérer plus longtemps que les consommateurs n'aient pas la possibilité de mettre en concurrence plusieurs assurances pour les crédits contractés. Même si les causes du surendettement ne sont pas traitées dans ce projet de loi, la procédure de surendettement sera simplifiée, ce qui sera bénéfique à la fois pour l'État et pour les personnes surendettées.

Le plafonnement des commissions d'intervention pour les populations fragiles est une autre mesure relative à la protection du consommateur bancaire. Cette mesure est tout à fait souhaitable, et nous proposons d'aller encore plus loin. Tout d'abord, nous souhaiterions que le plafond global des commissions d'intervention, fixé par un décret du Conseil d'État, ne soit pas restreint aux seules populations fragiles. En effet, il ne faut pas oublier les classes moyennes, qui ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts au quotidien.

Ensuite, nous proposons que les commissions d'intervention soient intégrées dans le calcul du taux annuel effectif global. Cette disposition vise à faire cesser les pratiques de certains groupes bancaires qui prélèvent illégalement des commissions d'intervention en plus des intérêts débiteurs que sont les agios.

Enfin, il est nécessaire que soit appliqué le principe d'égalité territoriale dans l'accès au crédit et la tarification des services bancaires sur tous les territoires où exercent les banques et établissements de crédit. Ce principe devrait être effectif aussi bien dans les territoires de la France d'outre-mer que de la France métropolitaine. Il est injuste que des services proposés par un même groupe bancaire puissent être gratuits pour les particuliers de l'hexagone et tarifés pour ceux des outre-mer.

On le voit, cette réforme bancaire comprend de nombreux dispositifs autour de la régulation des activités bancaires, de la résolution des crises et de la protection du consommateur.

On peut regretter que le projet n'aille pas assez loin. Mais on ne saurait reprocher au Gouvernement de proposer des mesures qui n'avaient pas encore été mises en oeuvre jusqu'aujourd'hui.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutiennent le projet de loi du Gouvernement amendé par les commissaires. En espérant que nos propositions seront entendues et reçues avec bienveillance. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

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