Intervention de Laurent Baumel

Séance en hémicycle du 12 février 2013 à 21h45
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Baumel :

La gauche réformiste que vous incarnez assume la nécessité, dans les réformes qu'elle mène, de considérer l'impact de ses décisions sur les conditions de viabilité des activités économiques.

Dans l'affaire qui nous occupe ce soir, il est normal que le Gouvernement ait eu le souci de ne pas choisir des options de séparation qui auraient pu dissuader les banques françaises de poursuivre certaines activités pourtant utiles à notre économie.

Je pense qu'il faut avoir l'honnêteté de le rappeler, à l'égard de critiques qui appréhendent parfois la loi bancaire comme une opération punitive contre un secteur dont les comportements justifient certes de très nombreuses critiques, mais dont notre économie a tout de même besoin.

Attentive aux conditions de création de richesses, la gauche réformiste que vous incarnez est aussi consciente des lacunes et des graves dégâts causés par le marché lui-même. Elle défend l'idée que l'État peut et doit corriger le libre jeu du marché, intervenir au nom de l'égalité, de la protection des travailleurs, mais aussi parfois de l'efficacité économique elle-même. Elle estime que l'État, appuyé sur la légitimité du suffrage universel, a le droit et le devoir d'imposer aux milieux économiques des restrictions qui ne rencontrent pas leur assentiment.

La loi bancaire que vous présentez aujourd'hui est, de ce point de vue, une grand loi de régulation. À l'issue de son vote, peu de secteurs de l'économie seront autant encadrés que le secteur bancaire. La réorganisation des structures imposée par la loi, qui peut intervenir à tout moment grâce à la paire de ciseaux confiée par le législateur au ministre de l'économie, l'interdiction pure et simple pour la filiale des activités de trading à haute fréquence et de spéculation sur les matières premières agricoles, les pouvoirs d'intervention puissants et dérogatoires conférés aux autorités de régulation pour traiter les banques défaillantes, mais aussi le plafonnement des commissions d'intervention perçues par les banques sur les ménages en difficulté sont autant d'outils et de leviers nouveaux qui marquent une rupture avec le laissez-faire des années antérieures et témoignent, après la création de la Banque publique d'investissement, du retour pratique de l'État stratège et protecteur au poste de commande.

Réforme majeure du quinquennat, cette loi bancaire l'est encore parce qu'elle met la France en position d'avant-garde au sein de l'Union européenne. On a beaucoup glosé, ici ou là, sur les mérites de votre réforme comparée aux voies choisies par les États-Unis ou le Royaume-Uni. Ceux-là mêmes qui stigmatisent, parfois avec raison, les dérives du monde anglo-saxon ont voulu cette fois nous le donner en modèle de régulation véritable. Nous avons été nombreux à noter que, étrangement, les réformes dont on nous vante la supériorité théorique ne sont pas près de voir le jour, tandis que nous votons ici et maintenant un acte concret qui met la France en avance d'une case dans le processus européen tout en étant compatible avec les options envisagées à ce niveau.

Nous sommes aussi, bien sûr, avant-gardistes dans la lutte contre les paradis fiscaux – et nous retrouvons là un peu de cette France révolutionnaire que nous aimons et que M. Lamour semble aimer moins que nous. La France est désormais le premier pays au monde à faire obligation à ses banques de publier un état de leurs activités, de leur chiffre d'affaires et de leurs effectifs par pays. Cette obligation de transparence résulte d'amendements identiques présentés par les écologistes et les socialistes en commission des finances, et acceptés par le Gouvernement.

Réforme majeure du quinquennat, cette loi bancaire l'est aussi – vous me permettrez de conclure par ce point, monsieur le ministre – parce qu'elle illustre précisément une coopération législative réussie entre l'exécutif et le Parlement. Dès votre audition devant la commission des finances, vous avez indiqué que la loi présentée en conseil des ministres était le fruit d'un travail gouvernemental important, mais par nature inachevé. Vous avez invité le Parlement à améliorer le texte en faisant usage de son droit d'amendement. Je peux témoigner que le groupe SRC, attentif aux imprécisions ou aux lacunes du texte initial, mais aussi à l'écoute des réflexions émanant de la société civile et des citoyens, s'est pleinement saisi de cette invitation.

Sans bousculer l'architecture générale de votre texte et sans trahir le soutien ni la confiance que nous vous devons, nous lui avons apporté, avec votre accord et dès le stade de l'examen en commission, des améliorations substantielles. Outre le sujet des paradis fiscaux, qui constitue un combat ancien des députés socialistes français, je pense évidemment aux amendements venus très utilement préciser la nature de la tenue de marché susceptible de rester dans la maison mère, et qui prévoient de filialiser cette activité si elle devait dépasser un seuil critique dans l'ensemble des activités de la banque.

Ce travail de coopération législative pourra se poursuivre – j'en suis sûr – à l'occasion de la discussion en séance publique sur un autre sujet essentiel aux yeux des députés du groupe SRC : nous souhaitons en effet pouvoir renforcer le plafonnement des frais bancaires, et étendre celui-ci à tous les publics.

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