Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 12 février 2013 à 21h45
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

M. Hollande avait promis de séparer strictement les activités de dépôt des activités de banque d'affaires et de spéculation qui y sont liées, et voici que votre montagne accouche d'une toute petite souris.

Vous-même, monsieur le ministre, vous vous présentez dans les colonnes d'un journal du soir daté d'hier en avocat zélé et défenseur de la banque française et de ses 400 000 emplois. Je vous cite : « Si j'avais été convaincu qu'il fallait un Glass-Steagall Act français, je l'aurais fait ». Mais vous ajoutez de façon surprenante et au mépris des faits : « La crise l'a démontré, la séparation n'est pas une garantie contre une intervention de l'État auprès des banques ». Et de conclure : « Aucune formation politique, aucun syndicat ne la voulait. J'assume ce choix ».

Vous ajoutez en reprenant l'argumentaire des milieux bancaires français : « Nous avons un modèle bancaire qui combine banque de dépôt et banque d'investissement, qui a mieux résisté que d'autres. Pourquoi l'affaiblir en créant des banques de dépôt privées d'accès aux financements de marchés, et des banques d'affaires moins compétitives, de taille réduite ? »

Je vais vous faire une confidence, monsieur le ministre : lorsque j'étais à Bercy, au milieu de cette crise, à un poste certes moins éminent que le vôtre, j'avais proposé au Gouvernement et au Président de la République de l'époque d'introduire dans notre droit une loi Glass-Steagall à la française. Immédiatement, je me suis vu opposer par les milieux concernés l'argumentaire que vous développez aujourd'hui.

Et l'argument est, en effet, en partie fondé : oui, les banques françaises ont mieux résisté que les autres. Mais elles n'en ont pas moins bénéficié d'une injection massive de plus de 26 milliards d'euros d'argent public au plus fort de la crise, précisément parce que le risque systémique était là, chez nous aussi, et que le président Sarkozy n'avait qu'une idée : stopper la contagion et sauver les épargnants français.

Oui, ces banques existent au premier rang à l'international parce qu'elles mêlent les deux métiers et qu'une séparation absolue renforcerait sans doute les banques d'affaires américaines, alors même que ni les États-Unis sous Obama avec la loi Dodd-Franck, ni les Allemands n'ont procédé à pareille réforme.

Mais oui également, et c'est sur ce point que je ne partage pas votre avis, ni celui d'un certain nombre de mes éminents collègues de l'UMP, seule la séparation totale entre les activités de dépôt et les activités de marché, par essence spéculatives, est susceptible de protéger la collectivité et l'économie française du risque systémique qu'engendrent les pratiques actuelles de la finance internationale. Sans cette séparation, c'est le contribuable qui, en définitive, vient au secours des banques, selon la formule des Américains : « Main Street vient au secours de Wall Street ». C'est parce que ce système tend à privatiser les profits et à nationaliser les pertes que Roosevelt avait fait adopter la loi Glass-Steagall en 1933, qui devait ensuite être annulée sous Ronald Reagan.

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