Intervention de Yves Censi

Séance en hémicycle du 13 février 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Censi :

Si les banques françaises ont tant grandi ces dernières années, c'est d'abord parce qu'elles travaillent désormais sur un continent et non plus sur un pays. Votre intention de séparer les activités bancaires est louable, mais vous vous arrêtez au milieu du gué en renvoyant au décret le soin de fixer un seuil hypothétique.

Avec le texte que vous nous présentez aujourd'hui, nous sommes vraiment très loin du discours du Bourget, c'est même une coquille vide. Cela dit, la nature ayant horreur du vide, votre majorité n'a pas tardé à colmater – bien maladroitement – les brèches que vous aviez laissé ouvertes. Vous voulez être précurseur, le premier à faire appliquer un texte de loi sur la réforme bancaire, avant tout le monde, avant les États-Unis, mais votre projet ne va pas changer grand-chose. Il est en réalité bien en deçà de ce qui est proposé ailleurs, cumulant malheureusement les faiblesses de tous les projets existants à l'étranger sans hériter d'aucune de leurs forces.

Ainsi, vous voulez séparer les activités de détail et les activités de marché, mais c'est une séparation a minima, truffée d'exceptions, qui portera sur à peine 1 % des activités bancaires. Est-ce cela que vous appelez un projet ambitieux ?

Vous voulez empêcher le risque systémique induit par la faillite d'une banque, mais votre texte ne scinde pas financièrement les entités bancaires et laisse entier le problème de leur solidarité de destin en cas de faillite puisqu'il les garde toutes deux au sein d'une même holding. Or la faillite d'une filiale «marchés» peut fort bien entraîner celle du groupe tout entier. Cette loi ne permettra donc pas de limiter le risque systémique, c'est-à-dire la contagion, que les grandes banques font planer sur l'ensemble de leur secteur et, partant, sur l'économie. Il n'évitera pas la répétition d'une crise financière comme celle de 2008.

Votre projet de loi est moins contraignant que les préconisations figurant dans le rapport Liikanen, il est aussi moins exigeant que la Volker Rule qui prévaut aux États-Unis ou que la réforme Vickers en Grande-Bretagne : en ce qui concerne la séparation de l'activité de marché, le projet français diverge clairement de leurs orientations. Quant au régime de résolution, il est également en deçà des préconisations des rapports Liikanen et Vickers. Le texte prétend en effet offrir une protection aux contribuables et aux déposants, mais il n'en est rien : en cas de défaut d'une banque dont le volume des fonds propres serait insuffisant pour absorber le volume des pertes, l'Autorité de régulation ne pourrait imputer le montant des pertes que sur une partie seulement des détenteurs de capitaux obligataires et, in fine, le fardeau retomberait sur le contribuable, car que représenteraient les quelques milliards du fonds de garantie des dépôts et de résolution à l'aune des 8 000 milliards du bilan des banques françaises ?

L'enjeu, rappelons-le, est de réduire les risques de faillites bancaires et de circonscrire les hypothèses où les budgets publics seraient sollicités pour les assumer.

Toute la difficulté consiste à élaborer une réforme suffisamment forte pour juguler les risques et l'impact de futures crises bancaires sur les finances publiques mais préservant la capacité de financement des banques et leur soutien à la croissance économique.

C'est là que le bât blesse. L'objectif est d'avoir des banques compétitives qui financent l'économie sans entraîner de risque systémique. Nous devons les inciter à accompagner davantage les entreprises et ne pas créer un choc de compétitivité négatif pour elles. Il ne faudrait pas que les entreprises en France se tournent vers les banques étrangères au motif que celles-ci bénéficient de normes moins strictes.

Or à l'heure où nos banques doivent s'adapter à une série de réglementations lourdes, notamment Bâle III, ce texte risque de leur apporter un certain nombre de contraintes supplémentaires.

Certains amendements ont d'ores et déjà été adoptés en ce sens, notamment l'obligation de transparence à laquelle vous voulez soumettre les banques françaises sur leurs activités à l'étranger. Le fait d'être les seules à devoir livrer à la concurrence des informations sur leurs forces et leurs faiblesses aura pour effet principal de les fragiliser.

Au cours des débats, une grande partie de votre majorité va s'employer à durcir le texte adopté en commission.

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