Intervention de Jean-Luc Laurent

Séance en hémicycle du 13 février 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Laurent :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi est important et même capital.

La question bancaire a quelquefois fait les gros titres au cours des dernières années – les scandales, les affaires – mais ils n'ont jamais été au niveau des enjeux, à la hauteur de la révolution silencieuse amorcée dans les années 1980 par la gauche et qui a conduit à la « modernisation » du secteur bancaire. Je mets des guillemets à ce mot car, en fait, je pense libéralisation et branchement sur la finance globalisée.

Cette modernisation a été opérée non sans succès car non seulement la France exporte ses traders mathématiciens, excellemment formés dans les écoles de la République, mais elle dispose aussi de champions bancaires dans un secteur qui se plaît à se qualifier d'industrie financière et qui aime à rappeler lourdement les centaines de milliers d'emplois qu'il représente. Les banquiers qui s'expriment ainsi n'ont peur ni de l'usurpation ni du chantage à l'emploi.

Monsieur le ministre, vous présentez souvent votre projet de loi comme une réponse à la crise financière de 2008, ce qui est vrai pour le volet résolution des crises. Mais la question de la séparation mérite d'être posée indépendamment de la crise de 2008 car, depuis trente ans, le secteur bancaire et financier a connu une croissance, une inflation qui mérite qu'on s'interroge sur son utilité sociale ou sur sa déconnexion.

En France, le secteur présente la caractéristique d'être particulièrement concentré, avec de grosses banques à tout faire qui mélangent allègrement métier bancaire et métier de la finance au bénéfice du second. C'est à trente années de révolution silencieuse que la séparation doit répondre, tant pour ne plus offrir le parapluie public à des activités spéculatives que pour réorienter les banques vers le financement de l'économie. La question de la séparation, de sa réalité et de son effectivité, est coeur de nos débats parlementaires.

Certains ont déjà condamné ce projet, le jugeant insuffisant et inoffensif. Là où vous voyez des ciseaux, monsieur le ministre, beaucoup ne voient qu'un couteau sans manche auquel on aurait ôté la lame. Je ne partage pas du tout cet avis.

Des choix différents, plus radicaux, auraient pu être faits. Pour autant, je ne partage pas le jugement expéditif de ceux qui trouvent le projet de loi inoffensif. Nos collègues de la commission des finances et la rapporteure l'ont d'ailleurs fait progresser sur la nature des activités à filialiser, la réalité du cantonnement, les paradis fiscaux et la protection des clients des banques. Il reste des marges de progression que beaucoup d'amendements de la majorité vous invitent à explorer. J'espère que vous y serez attentifs afin de renforcer davantage encore la régulation.

J'attends aussi de nos débats qu'ils tracent une perspective, monsieur le ministre. Ce texte intervient vite, moins de 300 jours après l'élection. Les banques n'en voulaient pas et il faut saluer la volonté du Gouvernement d'avoir avancé, mais il n'a de sens que s'il s'agit d'une première étape sur le chemin.

Dès lors, deux questions se posent.

La première concerne la nature et la taille des activités cantonnées. M. Oudéa, devant la commission des finances, a quelque peu troublé les esprits en évoquant des chiffres dérisoires. Nombreux seront les collègues pour proposer d'allonger la liste et de faire grossir le chiffre au-delà de 1 % des actifs bancaires.

La seconde question porte sur la vente des filiales, le véritable découpage, la Séparation avec un grand S qui n'est pas inscrite dans le texte. De ce fait, la loi me semble mal nommée et nous y reviendrons. Cependant, la loi doit permettre de fixer un objectif et d'enclencher un processus pour la législature.

L'année 2013 sera socialement et économiquement difficile et je comprends parfaitement qu'elle ne se prête pas à une restructuration radicale du paysage bancaire français. Nous sommes capables d'attendre encore un peu, 2014 ou 2015. Mais j'ai la certitude que c'est le chemin que nous devons prendre.

En créant un pôle public autour de la BPI l'année dernière, en votant le cantonnement cette année, la majorité entend jeter les bases d'une réforme bancaire ambitieuse. Il est bon que chacun en ait conscience dans les banques mais également au coeur de la forteresse Bercy. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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