Intervention de Georges Fenech

Réunion du 5 juillet 2012 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech :

En vous écoutant, madame la ministre, j'ai eu l'impression qu'après l'ombre, la lumière enfin était venue. Avant vous, tout était mauvais et il faudrait donc jeter le bébé avec l'eau du bain. Vous avez été particulièrement sévère à l'égard de la majorité précédente. Lois « réactives », justice « peu efficace », insécurité juridique, tribunaux asphyxiés, politique du « tout-carcéral » : rien de ce qui s'est fait avant vous ne trouve grâce à vos yeux. Pas un mot sur l'amélioration des droits de la défense permise par la réforme de la garde à vue, non plus que sur la question prioritaire de constitutionnalité, qui constitue pourtant une grande avancée.

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a déclaré que les attentes des Français en matière de sécurité n'avaient « jamais été aussi fortes » et que « la montée de la violence appelle une réponse ferme de la puissance publique ». Cette préoccupation est d'autant plus légitime que la sécurité est la première des libertés garanties par notre Constitution. Or, il ne semble pas, à l'annonce de vos premiers projets de réforme pénale, qu'on s'apprête à répondre à cette exigence.

Vous souhaitez supprimer les peines plancher applicables aux récidivistes, instituées lors de la précédente législature. Je ne peux que le déplorer. Entre août 2007 et décembre 2011, 36 944 peines plancher ont été prononcées, principalement pour des vols, des violences et des trafics de stupéfiants. Cela n'est pas étranger à la baisse, durable et constante, de la délinquance depuis 2002 : – 16 % selon l'Observatoire national de la délinquance (Interruptions de plusieurs commissaires socialistes). Vous êtes – à juste titre – hostile à l'automaticité des peines et favorable au contraire à leur individualisation. Voilà ce qui vous pousse sans doute à demander la suppression des peines plancher. Mais c'est oublier que le juge a toujours la possibilité, par ordonnance spécialement motivée, de prononcer une peine inférieure. Pourquoi, sinon par pure idéologie, supprimer un dispositif qui marche et ne contrevient pas, le Conseil constitutionnel l'a dit, aux grands principes généraux de notre droit ? Pourquoi donner un si mauvais signal aux délinquants récidivistes ?

Le Premier ministre a déploré dans son discours de politique générale que les prisons soient surpeuplées. Vous le déplorez également. Pourquoi dès lors renoncer à la création de 20 000 places, programmée par votre prédécesseur pour désengorger nos prisons et permettre que les détenus puissent y être accueillis dans des conditions dignes, alors qu'aujourd'hui nos établissements ne répondent pas aux standards internationaux ? Sans doute êtes-vous favorable aux peines alternatives. Nous aussi et j'ai moi-même été rapporteur du projet de loi ayant institué le bracelet électronique, m'inscrivant d'ailleurs dans les pas de l'action de l'un de vos prédécesseurs, Mme Guigou. Je salue la présence à vos côtés de son ancien directeur de cabinet, M. Vigouroux, marque d'une certaine continuité dans une politique qui, hélas, ne répond pas à l'attente des Français.

Des peines alternatives à la prison, oui, mais quand celles-ci ne suffisent pas, face à des délinquants multirécidivistes, la privation de liberté demeure la seule solution pour protéger nos concitoyens.

Dans le même esprit, vous avez annoncé votre intention d'abroger la loi relative à la rétention de sûreté, dont j'ai également eu l'honneur d'être le rapporteur. La rétention de sûreté existe dans d'autres grandes démocraties, comme l'Allemagne, le Canada, les Pays-Bas. Approuvée par le Conseil constitutionnel, elle vise à protéger la société de criminels particulièrement dangereux. Notre droit permet de limiter la liberté des alcooliques dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui. Et voilà que vous, vous voudriez remettre en liberté des psychopathes pervers au risque qu'ils fassent de nouvelles victimes ! Je le regrette. Les Français apprécieront votre position. Pourquoi abroger ce texte qui correspondait à une attente réelle de nos concitoyens ?

Vous avez également, madame la ministre, non sans un certain angélisme, dit publiquement votre volonté de voir se développer les rencontres entre les victimes et leurs agresseurs. C'est oublier que la sanction ne vise pas seulement à réparer le préjudice subi par la victime mais qu'elle a pour fondement la réparation du trouble occasionné pour la société. Je ne vois vraiment pas en quoi ce rapprochement entre victimes et agresseurs pourrait améliorer notre système judiciaire.

Enfin, vous avez indiqué que vous n'adresseriez pas d'instructions individuelles aux parquets, ce dont je me réjouis. Mais expliquez-nous alors pourquoi vous continuez à vous faire adresser sous forme de « remontées d'information » des informations individuelles extraites des dossiers. Soit on va à l'indépendance des parquets, mot que vous n'avez pas prononcé, soit on continue avec un système qui n'est pas totalement satisfaisant.

En quelques mots, quelle est votre politique pénale, laquelle devra nécessairement combiner répression et prévention ? Continuerez-vous à détricoter tout ce qui a été fait avant vous ? Comment pensez-vous parvenir à faire chuter la délinquance ? Enfin, êtes-vous, oui ou non, favorable à l'indépendance des parquets ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion