Intervention de Jean-Pierre Decool

Séance en hémicycle du 19 février 2013 à 15h00
Élection des conseillers départementaux des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modification du calendrier électoral — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Decool :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral, après son rejet par nos collègues sénateurs qui ont une nouvelle fois prouvé leur grande sagesse.

Ce texte est certes important, mais nos concitoyens souffrent et attendent des mesures fortes pour l'emploi. N'est-ce pas là, après le mariage pour tous, un nouvel écran de fumée ?

Qui plus est, engager des réformes sur les collectivités territoriales et leur mode électoral est difficile. Cela aurait évidemment nécessité beaucoup plus de temps, de concertation et un indispensable esprit de consensus.

J'avoue ne pas comprendre la précipitation du Gouvernement à examiner un texte aussi lourd de conséquences pour les élus départementaux ou municipaux – que certains d'entre nous sommes encore – mais également pour tous nos concitoyens.

Une grande partie du débat qui s'ouvre concerne le futur conseil départemental. S'agissant de sa dénomination comme de son renouvellement intégral tous les six ans, je suis personnellement tout à fait favorable aux propositions du Gouvernement, preuve de l'ouverture d'esprit qui m'anime. Compte tenu des délais nécessaires pour mener à bien bon nombre de projets, la durée de six ans, qui est aussi celle des mandats municipaux, me paraît cohérente et apporte donc indéniablement à nos concitoyens de la lisibilité.

Par contre, quel ne fut pas mon étonnement en voyant votre proposition, exagérément innovante, d'instaurer un scrutin binominal, soit l'élection de deux élus de sexe différent dans un canton agrandi ! Qui sait si les deux candidats du binôme ne seront pas issus de la même localité ? Je vous proposerai donc un amendement créant deux sections cantonales afin de garantir l'enracinement des candidats sur leur territoire et d'éviter la concurrence entre les deux élus du binôme.

Le conseiller territorial avait au moins le mérite de la simplification : un référent territorial unique était institué. En faisant la promotion d'un ticket homme-femme à l'échelle d'un canton agrandi, le Gouvernement nous propose une véritable usine à gaz cantonale, bien peu compréhensible pour nos concitoyens. Les électeurs sont attachés à la proximité et à une identification de leurs élus, qui sont effectivement plus fortes dans les territoires à faible densité de population où le conseiller général est en réalité le médiateur du quotidien des élus locaux et surtout des habitants d'un canton.

Nouvelle preuve de votre méconnaissance des réalités et des usages, vous allez mettre fin au rôle historique joué par de nombreux chefs lieux de cantons qui bénéficient souvent d'une brigade de gendarmerie, d'une recette-perception des impôts, d'un bureau de poste et de nombreux services publics. Cette réorganisation électorale provoquera des séquelles dramatiques en milieu rural et une casse des services publics.

Avec le scrutin binominal, vous ne favorisez pas la parité, vous l'imposez brutalement et à quel prix ! Ce système instaurera des cantons d'une taille qui méconnaît tant la réalité du terrain que l'intérêt des populations.

Ce projet de loi donne une prime sans précédent à la représentation des agglomérations au détriment de notre ruralité, de la diversité de nos campagnes et de la richesse de nos territoires. Cette réforme mettra à mal les zones rurales en confisquant la volonté de proximité de leurs habitants.

Ouvrons une petite parenthèse. Hier, vous demandiez à ce que les circonscriptions législatives soient composées de cantons entiers, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Aujourd'hui, bien étrangement, vous vous affranchissez de toute contrainte, en ne daignant pas prendre en compte les limites actuelles des circonscriptions cantonales ou législatives, et en refusant de vous soumettre à une commission indépendante.

Qui plus est, vous proposez, sans avancer aucune argumentation, un retour inexplicable au seuil de 10 % pour qu'un candidat ou un binôme puisse être présent au second tour. Vous reprenez ainsi la vieille tactique mitterrandienne visant à favoriser les triangulaires.

Fidèle à mes convictions gaullistes, j'estime qu'il aurait été préférable de favoriser l'élection à la majorité absolue, en permettant à deux candidatures seulement, ou plutôt deux binômes, de se maintenir au second tour.

Nos concitoyens ne seront pas dupes longtemps : l'objectif caché de cette réforme est purement électoraliste...

Pour les conseils municipaux, en cherchant à favoriser la parité et à simplifier le régime électoral des communes de moins de 3 500 habitants, vous proposez de rendre obligatoire le scrutin de liste dès 500 habitants. Cela signifie que dorénavant, dans ces communes, il ne sera plus possible de panacher ou de présenter des listes incomplètes et qu'il conviendra d'alterner hommes et femmes.

Le seuil de 500 habitants est bien trop bas et ne répond pas aux attentes de la plupart des élus attachés au mode de scrutin actuel. Ce nouveau seuil entraînera une politisation indéniable de la vie locale, qui est profondément regrettable.

Il n'est pas certain non plus que cela soit de nature à renforcer la démocratie locale. C'est pourtant l'objectif premier que doit rechercher tout processus de décentralisation.

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