Intervention de Marie-Louise Fort

Séance en hémicycle du 28 février 2013 à 21h30
Instrument de réciprocité sur les marchés publics

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort, rapporteure de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les présidents des commissions, chers collègues, je souhaite tout d'abord vous rappeler que le principe de réciprocité est porté par la France depuis quelques années déjà au sein des institutions européennes. Il n'y a sur ce point aucun clivage politique et le dispositif proposé s'inscrit dans la continuité de la vision soutenue par la France. Michel Barnier a été ainsi très actif pour convaincre le commissaire au commerce extérieur, Karel De Gucht, qui était réservé au début, du bien-fondé de l'instrument de réciprocité sur les marchés publics. Il déclarait : « Si nous sommes repliés derrière nos frontières, nous sommes chacun et tous foutus. Il ne s'agit pas de fermer nos marchés ou de se replier. Il y a des milliers d'emplois en France qui dépendent de l'exportation. Il s'agit d'obtenir que les autres ouvrent réciproquement leurs marchés ».

Comme vous madame la ministre, Mme Lagarde, alors ministre de l'économie, avait plaidé pour « plus de fermeté et de réciprocité en matière commerciale au bénéfice de l'Union européenne ».

Je me permets de rappeler que, dans le rapport que nous avions présenté avec Jérôme Lambert sur les rapports entre l'Union européenne et la Chine sous la précédente législature, nous avions appelé la Commission à prendre une initiative de réciprocité pour les marchés publics.

L'enjeu économique des marchés publics est très lourd, de l'ordre de 1 000 milliards d'euros par an et dans des secteurs – transports publics, industries aérospatiales, équipements médicaux – où l'Europe peut faire valoir de réels avantages comparatifs.

Les marchés européens sont les plus ouverts et les plus transparents du monde. Cette ouverture résulte à la fois de l'adhésion de l'Europe à l'Accord plurilatéral sur les marchés publics et de ses engagements bilatéraux. Par ailleurs, l'Europe n'a adopté aucune règle restreignant l'accès de ses marchés publics. Le taux d'ouverture potentiel des marchés européens est d'environ 90 %. Nos partenaires commerciaux n'ont de ce fait aucune incitation à ouvrir leurs marchés et, émergents ou non, ils pratiquent des régimes discriminatoires. Les marchés chinois et indien sont complètement hermétiques. Le Buy american act protège une grande part des marchés publics américains. Le Japon entoure ses marchés publics de normes de sécurité et le gouvernement central canadien se retranche derrière les compétences de ses provinces.

Pour le moment, la perte d'opportunité en terme d'exportations représente environ 12 milliards d'euros mais ce montant sera d'autant plus important que les émergents vont se développer et auront des besoins de commandes publiques croissants. Parallèlement, si les pays tiers n'ont pour l'heure obtenu des marchés publics européens qu'à concurrence de 10 à 15 milliards d'euros, l'Europe a intérêt à ménager l'avenir, comme le montre l'affaire des autoroutes polonaises, qui ont été dans un premier temps confiées à une société chinoise présentant une offre à bas coût.

Cette proposition n'est en aucun cas protectionniste. Elle affirme le principe de l'ouverture des marchés publics européens tout en prévoyant la possibilité d'exclure de la procédure d'appel d'offres les offres de pays dont les marchés sont fermés aux entreprises européennes. Ce projet renforce également la surveillance des offres anormalement basses.

Ce dispositif s'appuiera sur deux piliers. Le premier permettra à un État membre d'exclure d'une offre de marchés publics une société non européenne originaire d'un pays dont les marchés sont fermés. En application du deuxième pilier, la Commission européenne pourra adopter, après enquête et négociations, des mesures restrictives quand elle aura constaté un manque de réciprocité substantielle de la part d'un partenaire commercial.

Une telle mesure permettra notamment à l'Europe de disposer d'un levier dans les négociations bilatérales. Ma collègue Seybah Dagoma a rappelé les difficultés sur lesquelles ont buté les négociations sur le projet d'accord de libre-échange avec le Canada. Cet instrument sera particulièrement bienvenu au moment où vont s'engager des négociations en vue de la conclusion d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis.

Pour l'heure, on peut regretter que les vingt-sept États membres ne soient pas unis. Si l'Europe a reçu le prix Nobel de la paix, il serait peut-être temps qu'elle postule pour le prix Nobel d'économie. (Sourires.) Vous nous le rappeliez il y a peu de temps, madame la ministre : seuls dix États membres soutiennent le projet. Autour de la France, on trouve l'Italie, la Pologne, la Hongrie, le Portugal et la Grèce. Les pays dont le commerce extérieur est solide, comme l'Allemagne, ne voient pas l'intérêt de ce projet et craignent sans doute des mesures de représailles. Les entreprises allemandes constituent un frein à l'adoption du dispositif.

Madame la ministre, je souhaite vous poser quelques questions. Tout d'abord, j'aimerais connaître votre sentiment sur les propos tenus par Pascal Lamy, le directeur général de l'OMC.

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