Intervention de Yannick Favennec

Séance en hémicycle du 28 février 2013 à 21h30
Instrument de réciprocité sur les marchés publics — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, dans un contexte d'atonie de la croissance française et européenne, les défis de la compétitivité de notre économie et du dynamisme de notre commerce extérieur constituent les principaux leviers qui permettront à notre pays de dégager les marges de manoeuvre indispensables à son redressement.

Vous le savez, dans le domaine de la compétitivité, le groupe UDI attendait des réponses beaucoup plus puissantes de la part du Gouvernement. Nous considérons par ailleurs que plusieurs mesures récentes que vous avez prises auront un impact négatif sur nos perspectives de croissance et sur notre balance commerciale.

Je pense à l'explosion de la fiscalité des entreprises, à hauteur de 14 milliards d'euros pour la seule année 2013, ou encore à la suppression de la TVA compétitivité qui aurait permis d'alléger leurs charges de 13 milliards d'euros. Je pense aussi au relèvement du taux intermédiaire de TVA de 7 % à 10 %, qui ne sera appliqué qu'au 1er janvier 2014, mais dont les effets se font déjà dramatiquement sentir dans des secteurs aussi importants que le bâtiment et la construction.

À travers la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, vous n'avez pas pris la mesure de l'urgence de la situation : vous ne proposez rien pour l'année 2013, puisque les entreprises ne seront remboursées qu'à partir de 2014, sur la base de leur imposition 2013.

Nous déplorons que, malgré l'explosion du chômage et la situation critique de la compétitivité de la France, le Gouvernement préfère attendre 2014 pour aider, timidement, nos entreprises, à hauteur de 10 milliards d'euros en 2015, puis 5 milliards d'euros en 2016.

Si ces éléments liminaires peuvent vous sembler éloignés du sujet qui nous occupe ce soir – la réciprocité sur les marchés publics européens –, je crois nécessaire de rappeler ces éléments de contexte qui auront indéniablement un impact direct sur notre commerce extérieur et notre capacité à conquérir des marchés publics à l'international.

Avec la compétitivité, le commerce extérieur constitue l'autre enjeu majeur qui conditionnera notre capacité à nous extraire de la crise qui frappe notre économie depuis maintenant presque cinq ans.

En 2012, le déficit du commerce extérieur de la France s'est élevé à 67 milliards d'euros, en recul de 7 milliards par rapport à 2011. Le déficit hors énergie s'est réduit de moitié, passant de 29 à 15 milliards d'euros. Nous ne devons malheureusement pas nous réjouir trop vite de cette relative embellie car l'année 2013 s'annonce particulièrement difficile ; Bruxelles nous l'a récemment rappelé avec force en estimant la croissance à hauteur de 0,1 %, bien en deçà des prévisions du Gouvernement.

Plusieurs raisons expliquent les difficultés de notre pays à l'export. Je viens d'évoquer le problème de la compétitivité et du coût du travail, mais la question du « juste échange » entre l'Europe et ses principaux partenaires commerciaux constitue également un enjeu central.

Fondement essentiel du système commercial international, ancrée dans les accords de l'OMC sans être pour autant un principe de droit international, la réciprocité est aujourd'hui devenue incontournable dans les débats sur la politique commerciale européenne. Elle se décline en même temps qu'un voeu de moindre naïveté dans les relations économiques internationales.

La part relative de l'Union dans le PIB mondial est en recul tandis que la performance des pays émergents en termes de croissance a été sans précédent ces dernières années. Alors que l'Union réalisait 25 % du PIB mondial en l'an 2000, au moment du lancement de la Stratégie de Lisbonne, elle ne représentera plus que 18 % du PIB mondial en 2020 selon les estimations actuelles.

Même s'il est difficile pour l'Union européenne de s'engager dans des voies plus protectionnistes, elle doit se donner les moyens d'une libéralisation choisie. Or elle n'a jamais vraiment fait du concept de réciprocité un véritable leitmotiv dans le cadre de l'ouverture des marchés, puisqu'elle se révèle beaucoup plus ouverte que ses partenaires commerciaux.

L'Europe a mis longtemps à prendre conscience du caractère déséquilibré des relations commerciales avec ses partenaires extérieurs, à tel point que la Commission a souvent été assimilée à la « Belle au bois dormant ».

Non seulement l'Union européenne se rend compte, depuis peu, que son marché est extrêmement ouvert et que ses partenaires commerciaux n'ont plus grand intérêt à négocier avec elle de nouveaux accords de libre-échange, mais encore elle prend conscience du fait que certains de ses principaux partenaires ne jouent pas le jeu d'une concurrence loyale et ne respectent pas leurs engagements internationaux. Cette prise de conscience a été renforcée par la crise et les difficultés à trouver des leviers de croissance, notamment sur les marchés étrangers.

L'Europe a alors constaté que la valeur des marchés publics octroyés à des entreprises de pays tiers représentait des sommes bien plus élevées en Europe qu'à l'étranger : entre 85 % et 90 % des marchés publics sont potentiellement ouverts en Europe, pour un montant estimé à 352 milliards d'euros. À l'inverse, les marchés publics des États-Unis sont ouverts à 32 %, ceux du Japon à 28 % et ceux du Canada à 16 % ; et je ne parle pas du cas de la Chine qui réserve ses marchés aux seuls soumissionnaires chinois.

Face à cette asymétrie qui pénalise lourdement nos entreprises françaises et européennes, le Conseil européen du 23 octobre 2011 a demandé à la Commission européenne de présenter une proposition d'instrument de l'Union européenne visant à ouvrir les marchés publics, en précisant que l'Europe continuera à favoriser des échanges commerciaux libres, équitables et ouverts tout en défendant avec force ses intérêts dans un esprit de réciprocité et de bénéfice mutuel.

La Commission européenne a ainsi présenté un projet de règlement instaurant le principe de réciprocité dans l'ouverture des marchés publics au sein de l'Union européenne. Ce projet de règlement du 21 mars 2012 consiste en une redéfinition du périmètre d'ouverture des engagements plurilatéraux et bilatéraux de l'Europe : pour les entreprises d'un pays dont les marchés publics sont fermés, l'ouverture des marchés publics européens serait conditionnelle.

Au groupe UDI, nous avons toujours défendu l'idée d'une Europe lucide, une Europe vigilante, mais surtout une Europe exigeante vis-à-vis de ses partenaires.

En ce sens, nous considérons que d'une façon générale, fermeté, respect et moindre naïveté doivent présider à la mise en oeuvre de la réciprocité des échanges commerciaux en général, et en matière de marchés publics en particulier, à l'heure où ces derniers représentent près de 1 000 milliards d'euros dans le commerce international. Cela nécessite une volonté politique sans faille de la part de l'Union européenne et de ses membres, au premier rang desquels la France doit jouer un rôle majeur.

Le groupe UDI ne peut donc qu'apporter son soutien à cette proposition de résolution européenne, et saluer le travail réalisé par nos collègues Marie-Louise Fort et Seybah Dagoma.

Il nous semble effectivement essentiel que le Parlement français rassemblé envoie un message unanime de soutien à la démarche initiée par la Commission européenne, afin que le pragmatisme prenne le pas sur la naïveté dans les échanges entre l'Europe et le reste du monde. L'adoption de cette résolution sera indéniablement un acte symbolique et politique fort envoyé aux autorités européennes.

Nous nous félicitons d'ailleurs que, sur proposition du président Brottes et de la commission des affaires économiques dans son ensemble, nous ayons pu muscler les termes de cette proposition de résolution dont la première version nous semblait peut-être un peu tendre.

Néanmoins, cette mobilisation doit trouver son prolongement dès demain, et jusqu'au vote du projet de règlement par le Parlement européen en 2014. Elle nécessite une détermination sans faille du gouvernement français pour convaincre nos quinze partenaires, dont le Royaume-Uni et l'Allemagne – excusez du peu – qui, malheureusement, jugent ce projet trop protectionniste. Le groupe UDI soutient donc le Gouvernement et l'appelle à faire preuve d'une grande force de conviction à l'égard de nos partenaires aujourd'hui réticents.

Vous le voyez, madame la ministre, sur des sujets qui sont au coeur des préoccupations de nos compatriotes, comme l'emploi, nous sommes capables de transcender les clivages traditionnels. Nous souhaiterions qu'en cette période de ralentissement de l'activité économique, le Gouvernement inscrive à l'ordre du jour des travaux du Parlement plus de projets de loi qui poursuivent cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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