Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Séance en hémicycle du 31 juillet 2012 à 15h00
Harcèlement sexuel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, à l'instant où il nous revient d'adopter définitivement ce texte de loi, il faut nous féliciter du travail effectué par les députés et leurs rapporteurs, au sein de la commission des lois, des commissions saisies pour avis, de la délégation aux droits des femmes, mais aussi par nos collègues sénateurs et par le Gouvernement.

La vocation de ce projet de loi n'était pas, nous le savons bien, d'élaborer un édifice législatif nouveau résultant d'un long et patient travail d'analyse, de concertation et de confrontation, que des rapports, des missions d'évaluation, de contrôle ou d'information auraient précédé et étayé. Non, la vocation de ce projet de loi était de combler le vide juridique provoqué par la décision du Conseil constitutionnel de censurer les dispositions du code pénal réprimant le harcèlement sexuel.

Nous avions l'impérieuse exigence de rétablir, le plus vite et le plus efficacement possible, la justice pénale au coeur de la lutte contre ce fléau insupportable que constitue le harcèlement sexuel, dont nos débats ont montré tous les dégâts humains, familiaux, professionnels, personnels et sociaux qu'il engendrait ; fléau insupportable parce qu'il traduit des archaïsmes sexistes, inégalitaires, discriminants parmi les plus odieux ; fléau insupportable qui, sous l'ancienne législation, demeurait souvent largement impuni parce que trop difficile à concevoir, à évoquer, à invoquer, à prouver. À faire juger donc !

Nous devions à toutes ces victimes qui attendaient la reconnaissance de ce qu'elles ont subi de rétablir l'offre de justice qui, soudainement, leur faisait défaut. Et nous l'avons fait. Mieux d'ailleurs, me semble-t-il, que les délais dont nous disposions pouvaient le faire craindre. Car nous sommes allés au-delà de l'interpellation constitutionnelle et des impératifs qu'elle nous fixait, vers une définition singulièrement améliorée du harcèlement sexuel, précisée et élargie aux situations et aux agissements répréhensibles qui n'entraient pas jusqu'alors dans l'incrimination, alors même qu'ils y avaient raisonnablement leur place.

Nos débats ont également permis d'éclairer les modalités selon lesquelles les juridictions, qu'elles soient pénales, civiles ou prud'homales, auront désormais à connaître de ces situations.

Oui, nous devions cette législation reconstituée à ces victimes. Mais nous devions aussi cette législation reconstituée aux victimes qui n'obtiendront jamais reconnaissance judiciaire des faits et agissements coupables qu'elles auront subis, à toutes celles qui n'ont pas voulu, pas pu, pas su aller au-delà de leur souffrance et de leur drame. Nous leur devions, comme une forme de déclaration pleinement et unanimement portée par la représentation nationale, affirmant que ce combat appartient au grand combat du progrès que la décennie doit nous apporter.

Nous la devions, enfin, à l'idéal de justice qui, au-delà de l'éducation, de la prévention, de la construction de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, nous impose d'établir la loi pénale pour permettre de poursuivre et de réprimer tous les manquements à la règle et aux valeurs communes, ce que notre rapporteure Pascale Crozon a exprimé en déclarant que l'État de droit était de retour.

J'ai eu l'occasion, au cours de la discussion générale précédant l'examen du texte, de rappeler que la QPC constituait un vrai progrès. Sans nul doute nous faudra-t-il, comme l'a suggéré le président de notre commission des lois, réfléchir aux modalités d'application de ce dispositif. On mesure bien que la censure constitutionnelle, abrupte et qui nous prive de tout délai pour modifier la loi, pose un grave problème, notamment dans le domaine pénal.

Nous avions l'obligation de relever ce défi, comme l'a rappelé notre collègue Guy Geoffroy, et nous l'avons bien relevé. Dans ces circonstances, nous avons bien légiféré, et nous devons nous féliciter d'avoir ainsi réagi devant l'obstacle du Conseil constitutionnel.

« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », affirmait Montesquieu. Or cette loi est extrêmement utile. C'est une loi claire, simple, compréhensible, la plus précise possible au jour d'aujourd'hui. Je pense qu'elle rendra service à la société et à nos concitoyens. Au nom du groupe socialiste, je confirme que nous nous joindrons à l'unanimité et que nous voterons ce dispositif législatif, dont je vous remercie d'avoir rendu possible l'élaboration. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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