Intervention de Valérie Corre

Séance en hémicycle du 12 mars 2013 à 15h00
Refondation de l'école de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Corre :

Alors que nous examinons le projet de loi pour la refondation de l'école, je veux vous dire la fierté qui est la mienne. C'est en effet un honneur, dans une vie de citoyenne, dans une vie de républicaine, de pouvoir compter parmi les députés qui auront travaillé, puis adopté, un texte qui marquera un tournant dans l'histoire de notre école et, je le crois, de notre nation. Cette loi tourne une page douloureuse, celle d'une décennie de destruction méthodique de l'école : les suppressions de postes, le manque de respect pour le métier d'enseignant, la destruction de sa formation, l'abandon des élèves les plus en difficulté. Cette loi tourne même plusieurs pages puisqu'elle engage au préalable des chantiers qui auraient dû, depuis bien longtemps, faire l'objet de l'attention des gouvernements précédents ; je pense notamment à la question des rythmes scolaires.

Il était nécessaire, en effet, de revoir l'aménagement du temps scolaire, aujourd'hui inadapté à la réussite des élèves. Tous les spécialistes des rythmes scolaires ont montré, l'académie de médecine en tête, que le temps utile d'apprentissage pour un enfant à l'école primaire est limité à quatre ou cinq heures par jour.

Le temps d'enseignement actuel, à savoir six heures et parfois même six heures trente en raison de l'aide personnalisée, est inadapté ; il est source de fatigue donc d'échec.

La semaine de quatre jours et demi permettra d'alléger la journée des enfants, de lier davantage les différents temps de la journée et de créer de meilleures conditions d'apprentissage. C'est une réforme importante pour le bien-être de nos élèves, mais aussi, et on ne le dit pas assez souvent, pour leur capacité à lire, écrire et compter. Ce chemin, nous devons l'accomplir et le plus vite sera le mieux.

Mais il nous faut également insister sur l'impérieuse nécessité de revoir le rythme de l'année – que vous avez déjà évoqué, monsieur le ministre – si nous voulons vraiment respecter le rythme des enfants et leur rythme d'apprentissage.

Mais cette loi ne fait pas que tourner des pages, elle ouvre en réalité un nouveau chapitre du grand livre de l'histoire des relations entre l'école et la République : le refus d'imposer des ruptures brutales à nos enfants.

La première rupture est celle qui existe entre les cycles scolaires, en particulier entre l'école primaire et le collège. Passer d'un cycle à l'autre, d'un établissement à l'autre, est souvent un moment difficile pour les enfants, surtout pour les plus fragiles. L'entrée au collège est certainement la rupture la plus violente et c'est souvent à ce moment-là que certains enfants décrochent définitivement.

Il s'agit donc de combler, doucement mais sûrement, la fracture entre ces deux cycles. Le projet de loi entame donc à juste titre une redéfinition du système des cycles d'enseignement et instaure une liaison plus forte entre le CM2 et le collège. Le nouveau conseil école-collège qui sera créé dans les établissements scolaires permettra une transition plus souple.

Ce nouveau chapitre est aussi celui du refus de la rupture entre le monde de l'école et le monde professionnel. L'école doit relever tous les défis. Elle doit, en chaque enfant, tout à la fois préparer le citoyen et l'être humain mais aussi le futur travailleur. Vous l'avez dit monsieur le ministre, l'insertion professionnelle réussie pour tous les élèves est un véritable objectif pour l'école.

Par ailleurs, ce nouveau chapitre que nous écrivons aujourd'hui, est celui du refus de la rupture d'égalité des chances entre les territoires de France, c'est-à-dire entre les territoires urbains et ruraux et entre les centres villes et les banlieues. Il est aussi le refus de la rupture entre les enfants d'une même classe, où certains étaient abandonnés faute de moyens ou de formation.

Nous savons tous que c'est à l'école primaire que les inégalités des apprentissages se forment. La priorité donnée au primaire traduit la volonté ferme de lutter efficacement contre les déterminismes sociaux et territoriaux et de renouer avec notre promesse républicaine. Une école plus inclusive pour tous, voici l'ambition de cette loi.

Nous luttons aussi contre la rupture des valeurs que l'on n'ose plus défendre dans l'école alors qu'elles sont menacées comme jamais. C'est le rôle de l'école que d'affirmer et de transmettre les valeurs qui nous rassemblent et qui forment ce que l'on appelle le vivre ensemble.

Ce chapitre nouveau est également celui du refus de la rupture entre une école du livre et une société toujours plus numérique, même s'il ne s'agit bien évidemment pas de sacrifier l'une à l'autre. Alors que nous utilisons de plus en plus, dans la vie de tous les jours, les outils numériques, l'école, les enseignants et les apprentissages ne peuvent rester éloignés de ces outils quotidiens et de plus en plus familiers des enfants.

Le projet signe enfin le refus de la rupture entre les différents acteurs et partenaires éducatifs que sont les enseignants, les familles, les associations, les collectivités territoriales et l'État. C'est tout l'enjeu du projet éducatif territorial, dans le sens où il permet à tous de travailler ensemble afin de penser enfin la journée de l'enfant dans sa globalité.

Permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui de la place des parents dans l'école. La réussite scolaire des enfants est liée à l'existence d'une continuité éducative entre l'école et la famille, laquelle se matérialise par une participation accrue des parents dans la vie scolaire de leurs enfants et une meilleure connaissance des situations familiales par les professeurs.

Un échange régulier et confiant entre les enseignants et les parents est dans l'intérêt de tous, surtout celui des enfants. À cet égard, je me réjouis que les amendements que j'ai déposés pour renforcer la continuité éducative entre les parents et les enseignants aient été adoptés en commission. Je porterais encore dans le débat à venir des propositions nouvelles à ce sujet, en particulier sur le statut possible des parents élus, afin de leur permettre de s'impliquer encore plus facilement dans nos écoles.

L'école a trop longtemps souffert de ces multiples ruptures. Elle ne doit pas souffrir, et je le dis ici, devant l'ensemble de la représentation nationale, de ruptures politiciennes, de postures, d'intérêts particuliers.

Cette loi est l'occasion d'un rassemblement inédit de la nation, de toutes les républicaines et de tous les républicains, autour de l'école, autour de notre école, autour de nos enfants. Il est de notre responsabilité collective d'être au rendez-vous de l'histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, Écologiste et GDR.)

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