Intervention de Serge Bardy

Séance en hémicycle du 19 mars 2013 à 21h30
Débat sur le rapport d'information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Bardy :

J'ai d'ailleurs fait usage récemment de ce droit de visite en me rendant à la maison d'arrêt d'Angers, afin de rencontrer le personnel pénitentiaire et les détenus, et de prendre connaissance des conditions de détention dans lesquelles sont placés les détenus qu'accueille ce centre.

J'aurais pu ce soir vous parler des questions que m'inspirent cette visite et la lecture de ce rapport. Je m'appliquerai cependant à concentrer mon intervention sur un thème qui m'est apparu à la fois riche de sens et de perspectives, au vu notamment des expérimentations qui pourraient être mises en oeuvre pour moderniser nos prisons et les rendre davantage vivables pour les personnes incarcérées : la démocratie en prison.

Spontanément, on pense qu'il s'agit d'un oxymore. Dans une même phrase, ces deux mots se télescopent, l'un renvoyant à la version enchantée du système dans lequel nous vivons, et l'autre à notre pire cauchemar : la privation de liberté, l'enfermement et son cortège de représentations violentes. Pourtant, je souhaite vous parler de cet oxymore que vivent au quotidien les détenus et leurs familles et qui régit les maisons d'arrêt et établissements pour peine qui, au nombre de 191, maillent notre territoire.

Ce souci de l'exigence démocratique en prison est d'ailleurs celui des trois premières propositions que formule ce rapport et qui sont regroupées dans une catégorie intitulée « Favoriser l'évolution du regard de la société sur la justice pénale ». À mon avis, ce titre retranscrit de façon fidèle le défi premier du système carcéral contemporain : tenter de rénover dans la pratique le pont entre démocratie et univers carcéral. Ce pont, nous réussirons à le construire en renforçant la démocratie et les pratiques démocratiques dans l'univers carcéral.

Trois propositions supplémentaires sont formulées dans cet excellent rapport et nous donnent à réfléchir sur les méthodes de mise en oeuvre de cette exigence démocratique.

La première, d'ordre général, met l'accent sur la nécessité d'instaurer un débat annuel sur la politique pénale au Parlement. Cette proposition permettrait de s'affranchir du seul débat budgétaire portant sur les crédits affectés à la justice, et de réfléchir ensemble et de façon régulière sur les véritables orientations de fond que nous souhaiterions donner au système carcéral.

La deuxième proposition porte, quant à elle, sur la place à donner aux citoyens dans le fonctionnement de la justice. Les expérimentations décidées par la précédente majorité concernant la mise en place de citoyens assesseurs auprès des cours d'appel de Dijon et de Toulouse ne nous ont pas séduits – c'est notamment la raison pour laquelle, madame la garde des sceaux, vous avez abrogé leur extension.

Cependant, il nous semble nécessaire, voire indispensable, d'associer les citoyens au fonctionnement des centres pénitentiaires. Il s'agit de casser le mur qui s'est érigé entre citoyens et prisonniers, et de réhabiliter ce lien entre deux univers que tout oppose. Cette proposition s'inspire à la fois, sur le principe, des conseils de surveillance mis en place dans les établissements publics de santé et du Conseil d'évaluation des établissements pénitentiaires.

La troisième proposition que formule ce rapport pose le principe d'accorder aux détenus un droit d'expression collective, principe qui est d'ailleurs une exigence si l'on s'en tient à la règle 50 des règles pénitentiaires européennes, rappelée à juste titre dans le rapport.

Voilà en quelques minutes les réflexions qui m'ont été inspirées par l'excellent rapport de Dominique Raimbourg. J'en suis persuadé, faire avancer la démocratie en prison et insérer pleinement les prisons dans notre réflexion démocratique pourrait constituer une avancée majeure pour notre système carcéral. Si la prison est le lieu de privation de la liberté et d'accomplissement d'une peine, elle ne doit pas pour autant être un no man's land démocratique qui rendrait au final d'autant plus difficile, voire impossible la réintégration des personnes ayant purgé leur peine. La démocratie ne devrait en effet pas trouver de rempart infranchissable à la porte des maisons d'arrêt et autres lieux de détention. Je sais pouvoir compter sur vous, madame la garde des sceaux, pour oeuvrer en ce sens et nous indiquer les orientations que vous comptez prendre pour remédier à ce déficit démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

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