Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 19 mars 2013 à 21h30
Débat sur le rapport d'information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Madame la garde des sceaux, un peu d'histoire. Le 14 juillet 1789, la Bastille tombe, détruite par le peuple de Paris. Qu'y trouve-t-on ? Certes M. de Launay qui y perdra la vie, mais simplement sept prisonniers dont trois fils indignes et prodigues. Le XIXe siècle, au contraire, sera celui de l'incarcération et du bagne. Et le XXe sera le siècle de la réflexion. Nous sommes au terme de cette réflexion, nous demandant, avec Mme Lazerges, si une peine de prison n'est pas une peine perdue.

Au 1er décembre 2012, en effet, la France comptait 67 674 détenus alors même qu'elle ne dispose que de 57 408 places de prison, soit un taux moyen d'occupation de 133 % pour les seules maisons d'arrêt. Cette situation n'est pas nouvelle : ceux qui ont siégé dans cette assemblée entre 1997 et 2002 l'ont connue. Vous étiez là, madame la garde des sceaux. Nous avions, à l'époque, pris un certain nombre de mesures pour restreindre, avec succès, le recours à la détention et à l'incarcération. Au cours de ces vingt ou trente dernières années, cette période a été la seule où une baisse très importante du nombre de personnes en prison a été enregistrée.

Nous félicitons aujourd'hui notre collègue Dominique Raimbourg pour l'exceptionnelle qualité de son travail, qui a permis la rédaction de ce rapport d'information enrichi de soixante-seize propositions souvent audacieuses, toujours judicieuses.

Les radicaux sont des humanistes. Leur foi en l'homme est inébranlable. Ils sont persuadés que la prison n'a de sens que si elle permet la réinsertion et – pourquoi pas ? – la rédemption des individus. Ils rappellent par ailleurs avec force que, même en prison, l'homme garde toute sa dignité, et que nous autres, hommes et femmes politiques, pouvons avoir honte de l'état des prisons françaises. La récidive est d'autant plus forte que l'insalubrité est prégnante et que l'hygiène la plus élémentaire n'est pas respectée, car sans respect de la dignité, il n'y a pas de réinsertion possible.

Madame le garde des sceaux, il n'est pas loin le jour où le juge administratif français, lassé du non-respect par l'État – c'est-à-dire par l'administration pénitentiaire – des règles essentielles en matière de droits de l'homme, ordonnera sous astreinte – comme il en a la faculté – la remise en liberté de centaines, voire de milliers de personnes, et la fermeture pendant un certain délai des établissements pénitentiaires. Je vous garantis que c'est ce qu'il fera ! Voilà ce qui nous attend.

Les juges connaissent en effet toutes les propositions qui ont déjà été faites dans le passé pour améliorer la situation des détenus alors même que des principes de base comme le droit à une cellule individuelle ne sont pas respectés. Les tribunaux administratifs condamnent de manière systématique l'État, à commencer par ceux que je connais bien, les tribunaux de Rouen et de Caen en particulier. Pourquoi le condamnent-ils ? Parce qu'un certain nombre de principes de base ne sont pas respectés, au premier rang desquels celui du droit à une cellule individuelle.

Nous devons rappeler avec force un certain nombre de choses qui font frémir. Le taux des suicides en prison est inadmissible : il est la conséquence de la surpopulation carcérale, tant il est vrai que l'encellulement des individus avec des personnages peu recommandables entraîne dès les premiers jours de prison des gestes de désespoir. Notre collègue Joaquim Pueyo connaît parfaitement bien cette question. Il serait très intéressant de l'entendre à ce sujet.

Nous savons également que les soins, notamment dans le domaine psychiatrique, restent très insuffisants. Madame la garde des sceaux, je suis persuadé, pour avoir travaillé pendant deux années sur la loi relative à la présomption d'innocence, qu'il convient, dans l'analyse du problème de la surpopulation carcérale, de distinguer les maisons d'arrêt des maisons centrales. Il faut donc rappeler avec force que les présumés innocents ne doivent pas aller en prison.

En 1998 et 1999, nous avons fait évoluer la loi en fonction des quantums de peine, mais par la suite le législateur a aggravé la plupart des peines. C'est une réalité ! En ce qui concerne ce problème des quantums, il faut donc tout reprendre en rappelant un certain nombre de principes et d'abord le fait que les infractions commises par les non récidivistes ne doivent pas permettre la détention lorsqu'elles ne constituent pas des crimes.

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