Intervention de Joaquim Pueyo

Séance en hémicycle du 19 mars 2013 à 21h30
Débat sur le rapport d'information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au-delà des moyens de lutte contre la surpopulation carcérale, ce débat interroge aussi le sens de la peine d'emprisonnement. Si l'incarcération doit avoir pour objectif d'infliger une sanction, elle doit également prévenir le risque de récidive.

Rapporteur du comité de jurisprudence criminelle, le député Louis-Michel Le Pelletier de Saint-Fargeau se demandait déjà, le 30 mai 1791 : « Ne saurait-on concevoir un système pénal qui opérât ce double effet, et de punir le coupable, et de le rendre meilleur ? ».

L'enfermement est utile, sur un temps donné. Le problème consiste à savoir comment préparer la sortie des détenus. La plupart des personnes qui entrent dans les maisons d'arrêt y restent moins d'un an, et souvent moins de six mois. Mais nombre d'entre elles en sortent dans des conditions qui ne favorisent ni leur réinsertion, ni l'absence de récidive.

Une peine de prison ne peut être efficace que si un sens lui est donné, grâce à la prise en charge, qui doit être individualisée, grâce au respect des règlements, qui doivent être appliqués avec discernement mais fermeté, grâce au projet d'exécution de la peine, qui permet au personnel de développer la socialisation, de préparer la sortie et de favoriser la réinsertion.

Or la surpopulation carcérale, que l'on retrouve exclusivement dans les maisons d'arrêt, impliquant bien souvent promiscuité et violence, va à l'encontre de ces exigences. Lorsque plusieurs détenus occupent une cellule individuelle, les problèmes de cohabitation surgissent, la violence, les rackets, le caïdat font leur apparition, les viols, même, surviennent. Les victimes sont souvent les personnes les plus vulnérables. Au fil des mois, les relations humaines et la dignité se fragilisent.

Par ailleurs, le taux d'occupation excessif entraîne des conditions de travail et d'intervention très difficiles pour les personnels pénitentiaires, au premier rang desquels les surveillants. Il ne permet pas une surveillance fine des personnes détenues et crée plus facilement des tensions et des violences.

Que peuvent faire les surveillants lorsqu'ils se trouvent face à trois détenus dans une cellule ? Pas un jour ne se passe sans qu'ils se fassent insulter, menacer et même agresser. Dans de telles conditions, leur travail, fait d'observation, de conseils, de surveillance, d'encadrement et d'aide à la socialisation, a moins d'impact.

Cette situation ne peut plus perdurer car elle est contraire aux règles pénitentiaires européennes, qui doivent être la doctrine de l'administration pénitentiaire.

La surpopulation pénale est un obstacle majeur à l'efficacité de la peine. Pour résorber la pression de la surpopulation carcérale, deux axes me semblent devoir être privilégiés : la modernisation du parc immobilier pénitentiaire et la mise en oeuvre renforcée d'une politique d'aménagement des peines.

La construction de nouveaux établissements permettra en partie l'encellulement individuel. C'est dans cette perspective que vous avez annoncée, madame la garde des sceaux, votre volonté de porter à 63 500 le nombre de places de prison à la fin de l'année 2018, contre environ 57 400 actuellement. Cependant, il faudrait privilégier dans ces constructions nouvelles les centres pour peines aménagées, qui comprennent des places de semi-liberté et des quartiers réservés aux courtes peines. Il est manifeste que le nombre de places de semi-liberté n'est pas à la hauteur des enjeux d'une politique portant sur les modalités d'aménagement des peines.

Par ailleurs, je salue la décision que vous venez de prendre, madame la garde des sceaux, quant à la rénovation des établissements pénitentiaires vétustes, un travail initié par Élisabeth Guigou dans les prisons de la Santé, de Fresnes et de Fleury-Mérogis. Il faut beaucoup de temps pour rénover de tels établissements.

Au-delà de la construction de nouvelles places de prison, il est nécessaire, pour lutter efficacement contre le risque de récidive, de mieux préparer la sortie des personnes détenues. Aussi, madame la garde des sceaux, faudrait-il généraliser les projets d'insertion. Ceux-ci pourraient commencer en prison et trouver leur terme à l'extérieur, dans le cadre d'une libération conditionnelle, d'une mesure de semi-liberté, d'un placement extérieur, ou d'un travail d'intérêt général. Cela donnerait du sens à la peine de prison et aux aménagements de peine.

Personne ne prétend que le développement de ces dispositifs fera disparaître la récidive ; en revanche, tout démontre qu'il sera de nature à la réduire.

Le rapport de Dominique Raimbourg est de qualité : il analyse la situation et propose des solutions. Celles-ci ne sont peut-être pas réalisables du jour au lendemain, mais les questions posées sont les bonnes.

Madame la garde des sceaux, prévenir la surpopulation carcérale participe du double objectif d'une peine respectueuse des droits et des devoirs des détenus et d'une peine efficace pour lutter contre la récidive. Pourriez-vous nous préciser quels sont les principaux leviers qui peuvent être mobilisés et les dispositifs que vous comptez mettre en oeuvre pour résorber le nombre de sorties sèches, propices à la récidive, sans encadrement ni contrôle ni prise en charge individualisée ?

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