Intervention de Gérard Sebaoun

Séance en hémicycle du 19 mars 2013 à 21h30
Débat sur le rapport d'information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Sebaoun :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, je survolerai à grands traits la question de la santé en prison, abordée actuellement par la mission d'information sur la santé mentale de l'Assemblée et qui sera bientôt au programme de travail du groupe d'études que préside notre collègue Joaquim Pueyo.

Deux idées simples en préambule. La première : ne pas rendre malade une personne entrant en prison en bonne santé. La seconde : faire de la prison un lieu où les soins, le dépistage et la prévention prennent tout leur sens.

La situation pénitentiaire de notre pays a été dépeinte sans concessions dans plusieurs rapports parlementaires, et la France a même été montrée du doigt par le Comité du Conseil de l'Europe pour la prévention de la torture sur les lieux de détention.

Pourtant, s'agissant de la santé les choses avancent ; lentement certes, mais elles avancent. La loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a intégré les personnes détenues dans le droit commun, avec l'affiliation au régime général d'assurance maladie et l'accès aux soins.

La création des unités de consultation et de soins ambulatoires, les UCSA, dans les établissements pénitentiaires a constitué un progrès pour l'accès aux soins médicaux et infirmiers et le respect du secret médical. On peut encore progresser sur la permanence des soins en cas d'urgence nocturne ou le week-end, la prise en charge des malades mentaux, le dépistage et la prévention ou le suivi médico-social à la sortie.

Depuis 2000, les détenus nécessitant une hospitalisation médico-chirurgicale supérieure à quarante-huit heures sont hospitalisés dans des unités hospitalières sécurisées interrégionales. Je n'ai pas le temps de développer, même si ces unités ont fait l'objet de certaines critiques.

En 2010, la précédente majorité a ouvert les premières unités hospitalières spécialement aménagées permettant la prise en charge des malades détenus, avec ou sans leur consentement. L'effort se poursuit, et le taux d'occupation de ces UHSA est élevé : il atteint 95 % au Vinatier à Lyon. La première tranche de 440 places devrait être terminée en 2014, et il convient désormais d'évaluer ces unités.

Aujourd'hui, la personne qui entre en maison d'arrêt est un homme dans 95 % des cas ; il est jeune et doit exécuter une peine de quelques mois. Il est considéré en « bonne santé » dans 77 % des cas, selon des enquêtes déjà anciennes de la DREES et du Haut Comité de santé publique en 2003, et dans un état de santé qualifié de mauvais dans seulement 1,6 % des cas.

La précarité et les addictions majorent cependant les risques et augmentent la vulnérabilité. On parle de « choc carcéral » pour les primo-arrivants et du risque suicidaire qui s'y rattache. Le taux de suicide en prison est cinq à six fois supérieur à celui de la population générale du même âge. Il faut tout de même reconnaître que l'on ne constate pas cependant d'évolution parallèle mécanique entre surpopulation carcérale et suicide. Enfin, je n'oublie pas, s'agissant du suicide, les personnels pénitentiaires, eux aussi confrontés à un surrisque suicidaire du fait de l'extrême pénibilité de leur travail.

Les maisons d'arrêt surpeuplées ont des effets négatifs sur les conditions de vie des détenus et donc sur leur santé. On peut citer la vétusté des locaux, des sanitaires et des douches, en dénonçant les restrictions d'accès interne à celles-ci, contraires à toutes les règles d'hygiène, ou encore la promiscuité, la surconsommation de tabac et de psychotropes, l'usage de stupéfiants, voire les pratiques sexuelles à risque.

En détention, la prévention du risque infectieux est nécessaire pour lutter notamment contre le sida ou les hépatites. Or cette prévention n'est pas chose aisée, qu'elle passe par la distribution de préservatifs ou par la prise en charge des toxicomanes. Selon l'Institut de veille sanitaire, la prévalence du VIH est en prison trois fois supérieure à la moyenne, celle du virus de l'hépatite C quatre à cinq fois supérieure.

Les personnels pénitentiaires gèrent difficilement les détenus présentant des troubles du comportement, voire des troubles psychiatriques avérés. Les UHSA ont vocation à répondre à l'hospitalisation sécurisée des malades. Dans le même temps, il convient de s'interroger sur le rapport la Cour des comptes de décembre 2011 sur l'organisation des soins psychiatriques. La sous-utilisation des personnels psychiatriques en consultation serait liée à une organisation défaillante. Elle attendrait 54 % dans le Limousin et 28 % dans le Nord-Pas-de-Calais.

Dernier point important de ce survol, mais qui n'a rien d'anecdotique : le mauvais état de la dentition de plus d'un entrant sur deux en détention. C'est un véritable enjeu de santé et un marqueur social qui a fait l'objet d'une recommandation du contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport 2012. Il y rappelle d'ailleurs les instructions sur ce sujet du ministère de la santé d'août 2011, en s'appuyant sur une étude de la direction générale de la santé qui révèle que cet examen n'est, hélas ! réalisé qu'une fois sur deux à l'arrivée du détenu.

Je conclurai en m'inspirant du serment d'Hippocrate qui impose aux soignants de ne pas nuire pour mieux soigner : mettre un terme à la surpopulation carcérale interroge notre responsabilité collective de respecter la dignité des personnes afin de mieux servir la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

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