Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 20 mars 2013 à 15h00
Motion de censure

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Car enfin, revenons-en aux fondamentaux : à quoi sert une motion de censure ? Une motion de censure vise à sanctionner une politique qui, arrivée à un terme donné, n'aurait pas porté ses fruits. Or chacun a parfaitement conscience que ce n'est pas en dix mois que l'on peut juger d'une politique et de ses résultats. Même François Fillon l'a dit avant-hier.

Une motion de censure a pour but d'engager une majorité alternative dans une politique alternative, susceptible d'être plus efficace, et que les Français appelleraient de leurs voeux. Mais à part des déclarations à l'emporte-pièce, des appels répétés aux économies, appels d'autant plus vains qu'ils ne sont jamais accompagnés de propositions concrètes, on ne trouve pas, dans vos propos, la moindre trace d'une politique alternative !

Quand, au cours des débats qui se sont succédé, votre groupe a-t-il émis la moindre proposition ? On a pu le constater lors des débats budgétaires, à propos du mariage pour tous, ou encore la semaine dernière lors du débat sur l'école : l'UMP ne connaît pas d'autre pratique que l'opposition systématique et stérile aux projets de la majorité.

On aurait presque envie de s'arrêter là, tant le caractère artificiel de votre démarche saute aux yeux. Pour le groupe écologiste, les choses sont claires : nous voterons contre cette motion de censure.

Monsieur Copé, ce n'est pas un scoop : nous sommes en désaccord complet avec vos orientations. Quand je vous ai entendu, j'ai eu l'impression que finalement, ce que vous proposiez aux Français, c'était Sarkozy, en pire. Nous autres, députés écologistes, non seulement nous souhaitons que le Gouvernement poursuive son action, mais nous affirmons qu'il n'y aurait rien de pire que de céder à la tentation de la pause dans les réformes.

Comme tous les députés, nous sommes quotidiennement au contact des Françaises et des Français, et nous percevons leurs attentes, et même leurs impatiences. Les Françaises et les Français sont lucides. Ils savent que la situation économique et financière de l'ensemble des pays européens est extrêmement dégradée. Ils perçoivent, et ils le déplorent, que l'Europe tarde toujours à agir et que les égoïsmes des États triomphent trop souvent, alors même que l'Europe serait le niveau pertinent pour répondre à la crise.

Les Français savent que notre pays a accumulé un retard considérable au cours des dernières années dans la lutte contre l'endettement, dans la définition d'une stratégie industrielle susceptible de préparer le rebond économique, dans l'adaptation des services publics aux besoins de la société, dans la prise en compte de la diversité des modes de vie de la société française, ainsi que dans la mise en oeuvre de la transition écologique de nos modes de production et de consommation.

À ces retards dans maints domaines s'ajoutent les nombreux blocages d'ordre institutionnel, administratif et organisationnel que connaît notre société. Le Président de la République a eu raison de les souligner récemment et il s'emploie désormais à les supprimer.

Chaque fois que le Gouvernement s'engagera pour faire sauter les blocages de la société, chaque fois qu'il s'engagera dans la voie du soutien à l'innovation, comme on vient de le faire avec la loi sur l'école, dans la voie de la décentralisation ou de la négociation entre partenaires sociaux, il aura tout notre soutien. C'est ainsi que nous remettrons le pays en mouvement. C'est ainsi que les Français verront nos perspectives d'action.

La situation laissée par dix années de gouvernements de droite est très difficile. Nous sommes lucides sur la situation, ainsi que sur l'exigence forte que les Françaises et les Français expriment à l'égard de la majorité. Quand la situation est complexe, comme elle l'est aujourd'hui partout en Europe, la principale difficulté, c'est d'être simple, pour identifier des objectifs, sans pour autant être simpliste dans l'élaboration des solutions.

Puisque cette motion de censure prétend se concentrer sur la politique budgétaire et financière, parlons-en. La politique de redressement budgétaire a été engagée avec force dès après les dernières élections législatives. Ce n'est pas un but en soi ; c'est une nécessité qui doit être l'occasion de réformer notre fiscalité pour la rendre socialement plus juste et écologiquement plus efficace.

Nous avons commencé à le faire en alignant la fiscalité du capital sur celle du travail. Nous devons maintenant le faire en réformant l'impôt sur le revenu, fusionné avec la CSG et prélevé à la source, comme nous nous y étions engagés. C'est ce que nous attendons du nouveau ministre du budget et c'est la condition sine qua non pour rendre le redressement acceptable, notamment pour les Français aux revenus modestes et pour les classes moyennes.

Rendre la fiscalité intelligente, c'est taxer enfin les activités et les produits anti-écologiques pour récompenser les comportements positifs et pour financer les investissements utiles à la transition écologique. Cette mutation sera le moteur du rebond de l'activité économique et de la création d'emplois nouveaux. En Allemagne, près de 400 000 emplois ont été créés grâce au virage pris il y a treize ans dans le secteur de l'énergie. Le plan d'isolation des logements doit, lui aussi, être un élément majeur de notre politique économique et sociale. Il est créateur d'emplois et de pouvoir d'achat et contribue à la politique de lutte contre le changement climatique.

Ajoutons que de manière générale, comme le rappelle souvent la ministre de l'égalité des territoires et du logement, un logement construit équivaut presque à deux emplois créés. C'est pourquoi nous attendons beaucoup du discours du Président de la République demain sur ce sujet.

Monsieur le Premier ministre, vous aurez compris que nous souhaitons ardemment que le Gouvernement poursuive et intensifie son action dans le domaine de la transition énergétique. Là encore, rien ne serait pire que la tentation de la pause. Je le dis d'autant plus tranquillement que je sais que ce n'est ni votre tempérament, ni votre ligne de conduite depuis que vous guidez l'action du Gouvernement.

La loi de programmation sur la transition énergétique et le volet de la loi de finances portant sur la fiscalité écologique sont deux rendez-vous majeurs de 2013. Vous pouvez compter sur la présence des députés écologistes à vos côtés pour les réussir.

Concernant la réduction des déficits, vous connaissez notre soutien à une stratégie durable et adaptée à la conjoncture. La trajectoire est bonne, la pente ne doit pas être trop rude car le remède pourrait être pire que le mal. Tout comme il a fallu augmenter les recettes, il faut réduire un certain nombre de dépenses. Mais nous savons que vous êtes attachés comme nous au fait que l'État et les collectivités locales puissent assumer le financement des services publics essentiels à la vie quotidienne.

Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, sur les questions budgétaires et fiscales qui sont aujourd'hui en débat, les écologistes sont au rendez-vous de l'action solidaire de la majorité. Nous y sommes avec une ambition réformatrice intacte pour la justice sociale et l'écologie. Les premiers pas ont été faits vers plus de justice, reste à faire le choix en matière d'efficacité par l'écologie. Nous travaillons là-dessus, nous sommes mobilisés sur ces objectifs, sans nous laisser distraire par les opérations politiciennes telles que cette motion de censure, à laquelle nous nous opposons totalement. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

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