Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 20 mars 2013 à 15h00
Motion de censure

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

En effet, on ne peut oublier certaines données que le nouveau Gouvernement a trouvées et qui ne résultaient pas de son fait, mais de la gestion précédente : le « paquet fiscal » de 2007, qui a pesé sur les finances publiques ; une progression massive du chômage, avec un million de demandeurs d'emploi de plus en cinq ans ; un déficit public qui s'élevait à 5,2 % du PIB ; enfin une flambée de la dette publique, qui s'est accrue de 600 milliards d'euros en cinq ans.

Votre motion de censure pourrait se remémorer davantage ce proche passé. Et un peu plus de mémoire appellerait un peu plus de mesure.

En tout cas, dans cette situation, le redressement des comptes publics était indispensable. Ce redressement des comptes s'effectue, au moins sur le plan structurel, c'est-à-dire au plan du déficit calculé indépendamment de l'effet de la conjoncture économique. Le premier président de la Cour des comptes, monsieur Migaud, a déclaré en février dernier devant notre Assemblée : « l'effort structurel de réduction du déficit en 2012 a été très significatif » et « les mesures annoncées pour 2013 représentent un effort considérable, et même sans précédent. » Cette situation est d'ailleurs constatée par la Commission européenne qui a reconnu les efforts budgétaires et les réformes structurelles déjà réalisés par notre pays.

Au budget 2013, l'augmentation des prélèvements obligatoires fournit les deux tiers de cet effort de redressement, et les économies sur les dépenses publiques un tiers seulement. Cette répartition n'est sans doute pas la plus opportune. Lors des débats budgétaires de l'été 2012, notre groupe avait recommandé que la baisse de la dépense soit prioritaire par rapport à l'effort fiscal. D'ailleurs les pistes d'économies ne manquaient pas, notamment du côté des agences publiques de l'État.

Aujourd'hui chacun l'admet : la réduction de la dépense doit être primordiale. Le rapport 2013 de la Cour des comptes le souligne dans les termes suivants : « La priorité absolue est désormais d'intensifier l'effort de maîtrise de la dépense dans l'ensemble des administrations publiques. »

Il faut d'ailleurs reconnaître les efforts significatifs déjà réalisés. En 2012 et pour la première fois, la dépense publique a diminué, alors qu'elle avait augmenté en moyenne de 5 à 6 milliards d'euros par an les années précédentes. Il en ira de même en 2013 et 2014, avec des économies importantes et des réformes structurelles.

Dans cette perspective, la MAP, la « modernisation de l'action publique », a été lancée en décembre dernier. Il ne s'agit pas d'appliquer des normes automatiques ou forfaitaires, comme cela a été fait naguère, mais d'évaluer avec précision quarante politiques publiques en 2013 pour veiller à la fois à leur qualité et à leur coût.

Bien sûr, le retour à la croissance conditionne tout le reste. Pour donner un nouvel élan à notre économie, il faut créer et mobiliser tous les instruments nécessaires. C'est le sens du pacte national élaboré par Louis Gallois, et c'est l'objet du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi qui a été spécialement conçu pour aider les entreprises à embaucher, à investir et à innover. Par ailleurs, la Banque publique d'investissement, installée en février dernier, soutient les projets innovants des PME et des entreprises de taille intermédiaire.

L'action pour la croissance et l'emploi est bien évidemment la priorité essentielle car le chômage constitue toujours une épreuve, et parfois une épreuve collective, notamment quand il frappe les jeunes en grand nombre. Le travail étant le principal facteur d'intégration à la vie sociale, les jeunes sans emploi peuvent avoir le sentiment d'une société qui refuse de les accueillir, qui les laisse en marge ou à l'écart. C'est la raison de la création des contrats de génération et des emplois d'avenir : pour faciliter l'accès des jeunes à la vie professionnelle.

Monsieur le Premier ministre, la situation est difficile et les citoyens attendent et espèrent le changement. Mais depuis dix mois, avec le soutien de la majorité, beaucoup a déjà été réalisé ou entrepris.

Plusieurs mesures nouvelles sont intervenues qui concernent très concrètement la vie quotidienne de nos concitoyens, souvent parmi les moins favorisés, telles que l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire ; l'attribution de moyens nouveaux à l'éducation, qui avait été longtemps délaissée ; une loi en cours d'adoption pour refonder l'école de la République ; la mobilisation du foncier public en faveur du logement ; l'encadrement des loyers à la relocation ; la loi bancaire pour mieux protéger l'épargne des Français ; et bien d'autres mesures encore.

Cette démarche de réformes a un premier mérite : le respect de la démocratie. Car, avant d'être ainsi adoptées, toutes ces mesures avaient été proposées et exposées aux Français, de manière précise, pendant les campagnes présidentielle et législatives du printemps 2012. Pierre Mendès France – que nous vous remercions d'avoir cité – considérait l'élection comme un contrat passé entre les élus et les citoyens ; un contrat clair et formel, qui devait être respecté et appliqué scrupuleusement. Or la démocratie, c'est la loyauté du débat public. C'est la fidélité aux engagements pris devant le suffrage universel et ratifiés par les électeurs. Bref, vous avez été élu sur un programme, et vous l'appliquez.

Mais en même temps, vous vous attachez à gouverner pour tous, sans distinction ni différence entre vos concitoyens. Vous ne pratiquez pas le clivage, voire la stratégie de la tension, comme certains l'ont fait naguère. Vous recherchez, au contraire, le consensus et le dialogue. L'objectif est de construire une société apaisée, une société de concorde.

Monsieur le Premier ministre, vous connaissez notre majorité. Elle n'est pas uniforme, elle n'est pas monolithique ou monocolore, elle est pluraliste et diverse. Elle se compose de plusieurs groupes, dont chacun a son histoire, sa tradition particulière, son identité spécifique, et entend les maintenir. Ce pluralisme n'est pas un défaut, mais un atout, car il favorise le débat au sein même de la majorité pour parvenir ensemble aux meilleures décisions possibles.

Dès lors, depuis juin dernier, comme les autres groupes, le groupe RRDP a eu l'occasion d'exprimer des différences, des divergences, voire des désaccords sur tel ou tel point, même si cela n'a pas empêché la solidarité sur les grands choix. Bien sûr, nous ne sommes pas d'accord sur tout, ni avec la totalité de vos décisions, mais nous sommes d'accord sur beaucoup, notamment sur l'essentiel.

Nous vous répétons donc notre confiance dans votre action, dans votre volonté de réforme, dans votre fidélité aux valeurs républicaines, celles qui ont fait l'histoire mais qui feront aussi l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

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