Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du 25 mars 2013 à 16h00
Réforme de la biologie médicale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui amenés à légiférer sur un texte qui a suivi un long cheminement depuis quatre ans : rappelons le travail formidable accompli par Michel Ballereau sur un sujet éminemment technique et qui a abouti à l'ordonnance qu'il nous est proposé de ratifier ; quant à la contribution de Valérie Boyer et de Jean-Luc Préel, elle a été évoquée par les uns et par les autres. D'entrée de jeu, je souhaite vous dire que le groupe UDI est favorable à cette ratification. Il aurait fallu évidemment le faire plus tôt. Néanmoins nous avons déposé un certain nombre d'amendements.

La biologie médicale, Arnaud Robinet l'a dit à l'instant, est une discipline nouvelle, elle n'a pas quarante ans : il y a eu la loi de 1975, l'ordonnance de 2010, et cette proposition de loi en 2013. Il faut bien comprendre que la biologie représente maintenant 70 % du diagnostic. Elle est donc devenue indispensable pour poser le diagnostic mais également pour suivre les traitements. L'étendue des connaissances nécessaires en biologie médicale a augmenté de façon considérable depuis vingt ans. Les besoins en termes de fiabilité sont sans commune mesure avec la situation antérieure : à l'époque, la biologie médicale consistait en des examens complémentaires ; maintenant, c'est une spécialité médicale à part entière. Ce constat est le fondement de cette ordonnance, devenue proposition de loi au fil du temps.

J'en viens à l'évaluation. Beaucoup a été dit sur l'accréditation et, à nos yeux, un vrai regard des professionnels sur cette profession médicale est indispensable, c'est par les pairs que l'on doit savoir si les pratiques sont de bonnes pratiques. C'est pourquoi a été instituée la procédure de l'accréditation au niveau européen. Je note que c'est la seule discipline médicale qui suive un tel processus d'accréditation. On devrait réfléchir une seconde à ce que cela demande aux professionnels, même s'il y a certes le COFRAC – qui mériterait à mes yeux de devenir un établissement public.

Madame la ministre, nous avons vécu ces dernières années des accidents importants dans le domaine de la santé, je pense aux irradiés d'Épinal, et ce qui s'est passé plus récemment pour des médicaments explique que l'accréditation soit un passage indispensable pour cette discipline médicale à part entière. L'État serait coupable de ne pas faire évoluer l'évaluation des pratiques médicales car celle-ci va être une exigence des prochaines années. « Diplôme un jour, diplôme toujours », une telle idée ne peut plus exister.

Certaines évolutions étaient nécessaires. S'agissant de l'accréditation, la souplesse mise en place permet de trouver une graduation au fil du temps. Si l'objectif d'une application à 100 % en 2020 de l'obligation d'accréditation peut paraître un délai un peu court, cela montre qu'on est obligé de viser l'objectif des 100 % même si certains examens innovants, sous le contrôle des chercheurs, devenus accessibles aux praticiens et aux biologistes, devraient y échapper tant qu'ils ne sont pas entrés dans la pratique courante.

Mais, madame la ministre, il me paraît important que ces examens ne basculent pas toujours hors nomenclature comme c'est trop souvent le cas pour les nouveaux outils de diagnostic.

Cette accréditation, nous la devons à nos concitoyens pour qu'ils soient le plus sûrs possible du diagnostic posé, la biologie médicale étant devenue l'élément décisif d'aide au médecin dans sa pratique quotidienne.

Comment se fait-il que l'on laisse le flou s'installer en ce qui concerne les anatomopathologistes ? En commission, on nous a dit qu'il y aurait un jour une accréditation. Que se passera-t-il, madame la ministre, au premier accident qui surviendra, par exemple, sur le diagnostic du papillomavirus ? Celui-ci pourra être fait dans un laboratoire d'anatomopathologie non accrédité et dans un laboratoire de biologie médicale. Qui pourra expliquer que le même examen pourra être fait dans des conditions différentes ? Cela n'est pas tolérable et c'est pour corriger cela que j'ai déposé un amendement, notamment avec Jean-Sébastien Vialatte.

La proposition de loi prévoit le retour au tarif réglementé, ce qui a été salué par de nombreux collègues comme une avancée importante. Comment une spécialité médicale à part entière pourrait-elle être monnayable ? Comment pourrait-on en négocier les tarifs ? C'est la négation de toute médicalisation d'une spécialité. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour qu'établissements publics et établissements privés ne puissent plus faire ces ristournes, ce qui est aussi un gage de qualité.

Pourquoi les hôpitaux auraient-ils pu continuer à faire des ristournes sous prétexte qu'ils allaient faire quelques dizaines de millions d'euros d'économies ? Les hôpitaux sont tout à fait à même de s'organiser, de se structurer, d'apporter la qualité, une biologie véritablement médicalisée qui ne soit pas une prestation de service, mais une vraie discipline médicale.

Venons-en à ce fameux article 6 dont on se demande ce qu'il fait dans la proposition de loi et qui provoque le déchaînement des lobbies : les téléphones ont beaucoup sonné aux cours des dernières heures. Ces mêmes lobbies nous ont expliqué que, s'il n'y avait pas une voie de qualification en biologie pour les hospitalo-universitaires des autres spécialités, nous allions assister à la mort de la biologie hospitalo-universitaire. C'est aussi ce que vient d'affirmer Arnaud Robinet qui n'est d'ailleurs pas majoritaire au sein du groupe UMP.

De qui se moque-t-on ? Compte tenu de cette souplesse que nous réclamons, nous pouvons comprendre que certains aient la tentation d'aller vers la biologie médicale mais ils doivent au moins avoir le diplôme d'études spécialisées de biologie médicale, créé par une loi de 1990.

Madame la ministre, un agrégé de sciences économiques pourrait-il prendre le poste d'un agrégé de droit ? Certainement pas. Le corps est tellement complexe et il y a tant de spécialités médicales ! Un généraliste, même s'il est omnipraticien, ne peut pas tout connaître de la dermatologie, de la gynécologie, de la rhumatologie. Je ne comprends donc pas cette volonté de créer une passerelle.

En entendant Arnaud Robinet je me demandais : pourquoi ne pas faire l'inverse ? La biologie médicale étant le parent pauvre, il y a des postes vacants qui sont convoités par certains mandarins. Dans ces conditions, faisons une validation des acquis de l'expérience qui permette de faire une communication de part et d'autre. Approfondissons plutôt cette idée.

Au moment où nous rendons encore plus médicale cette discipline de biologie médicale, comment pourrait-on comprendre que l'on démonétise ce diplôme ? Ce serait envoyer aux jeunes un message très négatif.

Vous parliez d'accès aux soins, madame la ministre. C'est vrai qu'avec cette proposition de loi nous sommes au coeur de l'accès au soin, de la proximité, de la possibilité pour nos concitoyens de se faire soigner. Croyez-vous que nous allons encourager les jeunes à passer leur internat et à embrasser la biologie médicale, sachant qu'à un moment ou un autre un poste fort convoité dans un CHU pourra leur passer sous le nez au bénéfice d'un médecin d'une autre spécialité ? Certainement pas ! Prenons garde à l'attractivité de ces professions.

L'objet de cet amendement est de permettre à ces praticiens issus de disciplines mixtes – on y met ce qu'on veut – et exerçant en CHU, médecins ou pharmaciens non titulaires du diplôme, d'exercer cette biologie hospitalière spécialisée. Cela revient à autoriser n'importe qui car toutes les disciplines médicales sont plus ou moins mixtes. Mais être généticien, ce n'est pas tout à fait la même chose que faire du diagnostic dans un laboratoire de génétique. De même, le praticien hématologue ne fait pas la même chose que celui qui travaille en laboratoire d'hématologie et y réalise des diagnostics, des ponctions et des biopsies.

Dans sa sagesse, le Parlement a déjà débouté par trois fois ce type de disposition. En faudra-t-il une quatrième pour qu'enfin cette biologie médicale soit consacrée comme une vraie spécialité ?

Enfin, je voudrais dire deux mots sur les établissements français du sang qui ont connu beaucoup d'évolutions au fil du temps. Madame la rapporteure, je souhaite de tout coeur que vous parveniez à me convaincre au cours de la discussion, mais je ne comprends vraiment pas vos amendements successifs.

L'ordonnance Ballereau offre la possibilité d'accorder une dérogation territoriale s'il est prouvé que l'accès aux soins pose des difficultés. C'est la même chose pour les EFS. Et à présent, on va un peu plus loin. Après l'épisode de la commission des affaires sociales du Sénat en matière de dérogation, nous avons tous les éléments permettant la qualification biologique du don. Ensuite, le Gouvernement a voulu aller un peu plus loin et inclure l'hématologie, l'immuno-hématologie. Si vous faites tout cela, vous allez transiger une fois de plus sur l'accréditation, ce champ qui avait été donné de trois territoires de santé. Rappelons que l'article L. 6222-5 du code de la santé publique explique déjà la nature des dérogations possibles.

Attention aux examens de transfusion sanguine, aux qualifications biologiques du don. Ce sont des actes d'hématologie, d'immuno-hématologie qui exigent plus que tous les autres encore de la rigueur. Cette mesure ouvrirait une faille préjudiciable.

Si l'on maintient ces exceptions injustifiées, nous allons donner un peu de revenus à l'EFS, disons-le, mais l'Union européenne verra une faille : nous aurons donné une dérogation pour de grands laboratoires qui vont s'infiltrer. Que se passera-t-il ? Tout ce que l'on avait pu obtenir de l'Union européenne, en décembre 2009, c'est-à-dire obtenir que la biologie soit un peu à part en France, comme vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, deviendra caduc.

Nous approuverons ce texte important, car il y a une grande insécurité juridique. Il en va de l'avenir de cette profession, de l'avenir des jeunes, de la sécurité des patients qui ont le droit de savoir quels sont les soins pratiqués. Cela étant, ce texte mérite encore quelques amendements sur lesquels, j'en suis persuadé, nous essayerons de dégager la majorité la plus large sur tous ces bancs.

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