Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 20 mars 2013 à 8h30
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

La situation est différente dans l'Adrar des Ifoghas, où prévaut le djihadisme international, et à Gao, où l'on trouve un mélange de djihadisme et de mafia, avec une importante quantité d'argent servant à acheter des armes et des combattants.

Nous avons relativement peu de prisonniers dans la mesure où les djihadistes combattent jusqu'au bout. Aujourd'hui au nombre de neuf, ils ont été transférés aux autorités maliennes. À cet égard, j'ai signé un accord avec le gouvernement malien la semaine dernière pour avoir toutes les garanties juridiques sur le traitement des prisonniers – auquel nous veillons particulièrement.

Quant au Français prisonnier dans l'Adrar, il a été transféré à la justice française par les autorités maliennes.

Les armements découverts ont trois origines principales : certains ont été pris aux Maliens lors de l'offensive des djihadistes sur Tombouctou et Gao ; d'autres sont provenus par différents canaux de la Libye de Khadafi ; d'autres, enfin, ont été acquis sur le marché noir – il y a une zone de trafics allant de la Guinée-Bissau jusqu'à la Somalie, qui longe le Nord du Mali, le Niger et la Libye, avec une place de Gao particulièrement active. Certains, dans cette ville, qu'ils soient Touaregs, arabes ou autres, vivent depuis longtemps de ces trafics et le fait de les interrompre réduit les liquidités et les financements d'une partie de la population, ce qui explique certaines complicités. L'ensemble du matériel récupéré fait en tout cas l'objet d'un travail d'identification de notre part.

En ce qui concerne les blindés, monsieur Myard, l'AMX 10 auquel vous faites allusion a pris feu et ses quatre occupants ont été brûlés : il ne s'agit donc pas d'une question de blindage. C'est d'ailleurs la première fois que nous enregistrons une perte importante au Mali liée à un IED, dont la technique provient d'Afghanistan.

S'agissant des forces africaines, celles du Tchad sont remarquables, aguerries et organisées, même si la gestion tactique de leur mouvement au départ peut être discutée : cela les a conduits dans les premiers combats à des pertes substantielles – ils ont connu 22 morts dans la seule journée du 23 février. Depuis, leur organisation s'est améliorée et leur intervention est mieux coordonnée avec la nôtre. Les forces du Burkina Faso ne sont pas non plus négligeables, à la fois dans leur composition et leur structure. Quant aux autres forces de la MISMA, elles sont de qualité variable. Mais, lorsque la MINUMA sera constituée, je souhaite que nous ayons d'autres partenaires, qu'ils soient africains ou européens : les Mauritaniens ont ainsi fait part de leur intention de nous rejoindre.

En ce qui concerne les exactions, nos forces ont un mandat précis. D'abord, elles ont pour mission de s'interposer lorsqu'elles en constatent – à condition que la situation militaire le permette : nous n'avons pas à prendre des risques excessifs. Deuxièmement, elles doivent immédiatement faire rapport de tout constat en la matière aux autorités maliennes et à la Croix rouge internationale – cela est déjà arrivé. Enfin, nous coopérons pleinement avec la Cour pénale internationale, qui a placé le Mali sous observation.

Nous avons d'ailleurs régulièrement fait connaître notre volonté aux autorités maliennes dans ce domaine, que ce soit par la voix du Président de la République ou du Premier ministre, mais, dans la pratique, la situation est plus compliquée. Nous avons aussi demandé le déploiement d'observateurs des droits de l'homme de l'Union africaine et de l'ONU : il y en a déjà une dizaine sur place.

Cela étant, le meilleur moyen d'éviter les exactions est d'engager le processus de pacification et de réconciliation. La MINUMA devrait pouvoir sécuriser le territoire, mais il faudra disposer d'une autorité politique malienne. Tout ce qui peut y contribuer sera positif, y compris la réunion de Lyon avec les collectivités locales que j'évoquais. L'élection présidentielle constitue à cet égard un point incontournable, avant le renouvellement de l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne les financements, le nôtre s'élève à l'heure actuelle à 140 millions d'euros, dont 83 millions portent sur la logistique. Je rappelle que la ligne budgétaire du ministère de la défense sur les opérations extérieures (OPEX) est de 630 millions d'euros, qui doivent financer à la fois l'intervention au Mali et le retrait d'Afghanistan, qui se poursuit.

Quant au financement de la MINUMA, il sera assuré par les Nations unies – la MISMA bénéficiant du financement transitoire indiqué par la conférence des donateurs d'Addis-Abeba.

Monsieur Chauveau, les normes de logement des formateurs européens à Koulikoro ne sont évidemment pas conformes à celles qu'ils connaissent généralement sur notre continent, notamment en Europe du Nord, mais des travaux de rénovation sont en cours.

S'agissant de la conférence d'Oslo, les membres permanents du Conseil de sécurité ont décidé de ne pas s'y rendre : la France a donc suivi cette position.

Monsieur Rochebloine, nous sommes avant tout confrontés à des IED.

À Gao, la veille de ma venue, il y a eu un combat important, mettant une de nos unités en prise avec un groupe de membres du MUJAO très organisé et armé : 52 d'entre eux ont été neutralisés contre aucune perte du côté français. Cela donne une idée de l'ampleur des affrontements.

J'ai cru entendre que des médias avaient émis des réserves sur la communication des armées : nous avons décidé que l'état-major des armées ferait un point de communication tous les deux jours sur la situation des opérations et que nous accompagnerions sur place, par rotation, dans des conditions de sécurité, deux ou trois d'entre eux sur la zone d'intervention. Il n'est pas possible d'en emmener davantage dans la mesure où il faut les transporter – ce qui se fait au détriment de l'eau – et les sécuriser : or on ne peut demander à nos soldats à la fois de combattre et de protéger des journalistes. D'autant que les groupes djihadistes cherchent à enlever ceux-ci pour disposer d'otages supplémentaires.

Quant aux relations avec l'Algérie, elles sont confiantes : les échanges se poursuivent et nos intérêts, dans l'état actuel des choses, sont communs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion