Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 3 avril 2013 à 15h00
Sécurisation de l'emploi — Discussion générale

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Sans cette régulation globale, les valeurs de solidarité resteront lettre morte. À nos yeux, plusieurs principes devront prévaloir dans la mise en oeuvre des complémentaires santé, y compris celles à destination des salariés.

Notre première priorité, c'est que le patient bénéficie du meilleur prix pour sa couverture complémentaire, et que le « reste à charge » qu'il lui appartiendra de régler soit le plus bas possible. Dans cette perspective, il est important de maintenir la possibilité de prévoir des clauses de désignation, lesquelles, je le sais, donnent lieu à un grand débat qui va sans aucun doute se poursuivre dans cet hémicycle.

Aujourd'hui, 80 % des branches ayant déjà signé un accord de frais de santé ont recours à une telle clause. Mais la généralisation de la couverture santé suppose que l'on puisse proposer une couverture sans sélection du risque. Du point de vue de la régulation du système de santé, l'objectif n'est pas simplement de proposer un contrat à tout le monde, mais de faire en sorte que le contrat proposé à l'ensemble des salariés ne fasse pas de distinction entre les risques auxquels sont exposés les uns ou les autres, les jeunes et les moins jeunes, les hommes et les femmes, ceux qui ont été malades au cours de leur vie et ceux qui ne l'ont pas été. Or pour permettre une telle absence de sélection des risques, pour aboutir à une mutualisation la plus large possible, la clause de désignation constitue un atout tout à fait appréciable : elle permet que la population assurée soit plus large que si l'on en reste au niveau d'une seule entreprise. Or plus la population assurée est large, moins la sélection des risques risque de se produire.

Les clauses de désignation offrent aussi une meilleure capacité de négociation des contrats. Elles sont donc un atout majeur, notamment pour les petites entreprises : on estime que la généralisation de ces clauses permettrait une diminution comprise entre 10 % et 15 % du coût des contrats pour l'ensemble des salariés.

Toutefois, pour produire leurs effets, les clauses de désignation nécessitent un cadre plus régulé s'agissant de la nature de leur régulation. À cet égard, l'Autorité de la concurrence a émis voilà quelques jours un avis d'autant plus scruté qu'il fut particulièrement sollicité : s'il ne conclut pas à l'illicéité des clauses de désignation – pas plus que ne le font les jurisprudences interne et communautaire qui ont validé le principe même de ces clauses –, il souligne en revanche que les exigences de la mise en concurrence doivent être renforcées. C'est tout le sens du texte qui vous est proposé : renforcer les exigences de la mise en concurrence, mais sans renoncer – c'est la position de la ministre des affaires sociales et de la santé – aux exigences de la régulation car c'est elle qui permettra de garantir à la fois l'extension de la couverture complémentaire et l'extension d'une couverture complémentaire de qualité, à un coût acceptable et accessible pour l'ensemble des Français.

Le projet de loi prévoit donc de renforcer les obligations de transparence qui s'appliqueront en cas de clause de désignation. En tant que ministre, je suis donc très favorable aux amendements déposés par le rapporteur, Jean-Marc Germain, et par le groupe socialiste, notamment par Fanélie Carrey-Conte, qui visent à améliorer ce texte en renforçant encore ces obligations.

Cet accord ne doit en aucun cas occulter notre objectif ultime : la généralisation de l'accès à une couverture complémentaire de qualité pour l'ensemble de nos concitoyens.

Le travail pour y parvenir a déjà été lancé. Toutes les étapes de ce processus doivent évidemment être mises en cohérence. La généralisation de la complémentaire « santé » suppose que nous nous posions un certain nombre de questions : quels leviers utiliser pour permettre aux personnes qui, aujourd'hui, n'ont pas de complémentaire santé, d'accéder à cette couverture ? Quelle place donner aux organismes complémentaires dans le fonctionnement du système de santé pour améliorer l'accès aux soins ? Comment favoriser l'accès à des contrats de qualité pour les personnes à faibles ressources ? Comment préserver et développer les mécanismes de solidarité au sein de la couverture complémentaire ? Sur quels types de couvertures est-il en conséquence pertinent de concentrer les aides publiques – qui, par définition, ne sont pas extensibles à l'infini ? Telles sont quelques-unes des questions qu'il nous faudra aborder dans le cadre de ce chantier, questions, je tiens à le préciser que j'ai d'ores et déjà posé au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, qui rendra ses propositions d'ici l'été 2013. Une nouvelle étape de l'objectif de généralisation annoncé par le Président de la République s'ouvrira alors.

Comme celui-ci l'a souligné, le risque serait de souscrire sans limites et sans régulation aux dérives du marché. La santé, il faut le rappeler, n'est pas un bien comme les autres : dans ce champ, l'intervention de l'État est absolument indispensable. Le laisser-faire n'a pas sa place car il implique la sélection des risques entre les malades et les bien-portants, la différenciation des niveaux de couverture apportés à nos concitoyens en fonction de leurs revenus, de leur patrimoine génétique ou de leur histoire personnelle.

Toutes les propositions et les réflexions qui nous permettront d'avancer rapidement dans la voie de la généralisation seront utiles, en faisant en sorte que l'étape que nous allons franchir aujourd'hui, je l'espère, soit une étape positive, dynamique, qui nous permette d'apporter de nouveaux droits à l'ensemble de nos concitoyens et pas simplement aux salariés de petites ou de grandes entreprises, mais aussi aux retraités, aux jeunes ou aux chômeurs de longue durée. Si nous sommes à même d'aller au-delà, de nous servir de cette étape comme d'un tremplin vers la généralisation de la couverture santé, alors nous pourrons dire que, d'ici à quelques années, notre système de santé aura connu une étape nouvelle, décisive, dans la réduction des inégalités, encore trop fortes, qui subsistent dans notre pays en matière d'accès aux soins.

Je souhaite donc que la discussion qui s'engage nous permette, tout en précisant les conditions dans lesquelles vont s'appliquer les dispositions proposées aux entreprises, de réfléchir aux mécanismes de régulation qui faciliteront l'étape suivante, c'est-à-dire celle de la généralisation d'une couverture complémentaire « santé » à l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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