Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 3 avril 2013 à 15h00
Sécurisation de l'emploi — Article 1er

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Je me contenterai d'apporter quelques observations complémentaires, puisque beaucoup a été dit.

J'ai entendu, sur l'ensemble des bancs de cette assemblée, s'exprimer une inquiétude : pourquoi commencer par généraliser la complémentaire santé pour les salariés, donc les mieux protégés, et non par ceux qui se trouvent dans des situations de plus grande fragilité, que leur précarité tienne à la crise économique ou à une mise à la retraite ? Il est indéniable que le passage à la retraite se traduit par une hausse très significative du coût de la complémentaire santé, que l'on peut estimer à une fois et demie à trois fois le coût auparavant payé par le salarié. Cela dépend évidemment de l'entreprise dans laquelle les retraités travaillaient, de la prise en charge dont ils bénéficiaient et de l'existence d'une couverture collective comme c'est déjà le cas, aujourd'hui, dans un certain nombre de branches, ou d'une couverture strictement individuelle. Pourquoi le Gouvernement souhaite-t-il commencer par la généralisation de la complémentaire santé des salariés ? Cette question peut légitimement être posée. L'accord transposé, aujourd'hui, dans la loi ne concerne pas notre système de santé. Les choses doivent être claires sur ce point. Il n'y a pas, dans l'article 1er du projet qui vous est proposé, une construction, une reconstruction ou un aménagement global de notre système de santé qu'il s'agisse des relations entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires ou de la conception de l'organisation des dispositifs complémentaires. C'est bien pour cette raison que ce texte représente une brique dans la construction de l'édifice plus général que doit être l'accès généralisé de nos concitoyens à une complémentaire santé de qualité.

En quoi cet accord représente-t-il une avancée ? Comme l'a indiqué le ministre du travail, davantage de personnes auront droit à une couverture complémentaire alors qu'elles n'en bénéficiaient pas ou qu'elles avaient une couverture individuelle. De plus, la mutualisation des risques, et j'insiste sur ce point, permettra d'apporter des garanties de meilleure qualité. Certains ont souhaité que la couverture de nos concitoyens soit prise en charge par l'assurance maladie obligatoire. À la grande différence des assurances complémentaires, l'assurance maladie obligatoire n'établit aucune discrimination selon les risques. Elle n'introduit aucune concurrence. Le fait que l'on soit jeune ou moins jeune, que l'on ait été malade ou pas n'entre pas en ligne de compte pour la couverture apportée à un moment donné à un Français. On apprécie tout au long de sa vie la mutualisation des risques. À l'inverse, les couvertures complémentaires sont, elles, dans une logique de marché, donc d'individualisation des risques. Plus on élargit la base sur laquelle s'applique la couverture complémentaire, mieux on est à même de proposer une couverture de qualité. Ainsi, plus on généralise la couverture complémentaire, plus on se rapproche d'un dispositif de mutualisation positif.

La généralisation de la couverture complémentaire dans le secteur de l'entreprise ne compliquera-t-elle pas la généralisation ultérieure à l'ensemble de nos concitoyens ? Plusieurs intervenants ont posé la question. Je leur répondrai que cela constituera incontestablement un cadre nouveau dont nous devrons tenir compte. Nous ne pourrons pas faire comme si cette généralisation dans le milieu du travail n'avait pas eu lieu. Pour autant, cela interdira-t-il ou rendra-t-il plus difficile de proposer une meilleure complémentaire aux étudiants, aux retraités et aux chômeurs de longue durée ? Je ne le crois pas. Cela supposera toutefois que de nouvelles règles de mutualisation puissent être discutées, que soient précisées les règles de l'octroi des avantages fiscaux et sociaux pour les différents contrats existants et que soit de nouveau défini le contenu des contrats responsables. Comme je l'ai précédemment souligné, c'est le sens de la mission que j'ai confiée au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie qui doit apporter des réponses à ces questions.

Des questions précises ont été posées sur le régime d'Alsace-Moselle. Bien évidemment, le régime particulier sera maintenu et des adaptations nécessaires seront apportées, qui lui permettront de continuer à fonctionner conformément à ses principes fondateurs. Un très bon amendement de M. Liebgott, auquel le Gouvernement donne, par avance, un avis favorable, vise à le conforter.

Enfin, M. Chassaigne s'est interrogé sur le niveau de la couverture complémentaire minimale qui sera défini par le texte par rapport à celui de la CMUC. La CMUC, contrairement à ce qu'imaginent certains, n'est pas une couverture complémentaire au rabais. C'est une excellente couverture complémentaire, notamment parce que les professionnels de santé ne peuvent pas appliquer de dépassements d'honoraires à ses bénéficiaires. Dans l'accord ayant résulté de la conférence de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, le seuil du plafond pour en bénéficier a été relevé, et ce sont 700 000 personnes supplémentaires qui peuvent désormais compter soit sur la CMUC soit sur l'aide à la complémentaire santé. C'est donc une avancée très significative qui a déjà été franchie.

Je serai évidemment très attentive à ce que, dans la poursuite du dialogue avec les partenaires sociaux et les différents représentants du monde des complémentaires santé, nous puissions construire un système garantissant à chacun une complémentaire santé de qualité à un coût accessible, ce qui, encore une fois, passera par la redéfinition des contrats responsables et des avantages sociaux et fiscaux qui y sont attachés. Ce travail, déjà engagé, pourra aboutir dans des délais proches. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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