Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 6 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Article 10, amendement 2306

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Le dispositif prévu à l'article 10 est éminemment inquiétant ; nous sommes à un tournant, s'agissant du droit des salariés dans notre pays.

D'une part, sur la base d'un accord-cadre résultant d'une négociation triennale, l'employeur pourra passer outre l'absence de clause de mobilité dans les contrats de travail pour imposer aux salariés un changement d'affectation géographique ou fonctionnelle.

Le lieu d'exécution du contrat et les fonctions occupées par le salarié, qui sont dans la majorité des cas des éléments essentiels, contractualisés, pourront donc être remis en cause à tout moment, ce qui aboutit à fragiliser le contrat de travail au profit d'un accord d'entreprise. Rappelons que ce type d'accord collectif, à la différence des accords de maintien de l'emploi, n'a pas à être majoritaire. Comme le prévoit l'article L. 2232-12 du code du travail, la signature de syndicats représentant au moins 30 % des salariés suffit, en l'absence d'opposition.

D'autre part, le salarié refusant de voir modifier son contrat pourra être licencié pour motif économique individuel. Le juge n'aura pas à se prononcer sur le bien-fondé de ce licenciement individuel, présumé reposer sur un motif économique, contrairement aux dispositions de la convention n° 158 de l'OIT, dont l'article 8 prévoit qu'un travailleur « qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement injustifiée aura le droit de recourir contre cette mesure devant un organisme impartial tel qu'un tribunal », et dont l'article 9 prévoit surtout que ces organismes impartiaux « devront être habilités à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié ».

Ce contournement du juge est d'une extrême gravité. En lui interdisant de se prononcer sur la qualification du licenciement, ce dispositif l'empêche de vérifier la validité et l'équilibre interne de l'accord sur la base duquel la mobilité est imposée.

L'article 10 constitue, avec la rupture conventionnelle et les plans de départ volontaire, l'un des moyens permettant de contourner la procédure de licenciement collectif pour motif économique. Nous en demandons donc la suppression, laquelle ferait honneur à la gauche.

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