Intervention de Hervé Morin

Séance en hémicycle du 6 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Article 10, amendement 5616

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Morin :

Monsieur le ministre, l'article 10 instaure une vraie novation, et je suis d'accord sur ce point avec le président du groupe GDR : il fait primer l'intérêt général – en l'espèce, l'accord entre partenaires sociaux – sur l'intérêt individuel. C'est bien de cela qu'il s'agit. Je regrette toutefois que vous ayez décidé, pour tenter de satisfaire votre majorité, de nous « enfumer », comme l'a dit M. Chassaigne, ou d'embellir les dispositions de l'article.

Je ferai à cet égard deux observations.

Premièrement, vous n'avez pas répondu à Francis Vercamer, qui soulignait qu'il pourrait désormais y avoir plusieurs licenciements pour motif économique du fait qu'un certain nombre de salariés refusent l'accord de mobilité. Personne ne sait aujourd'hui s'ils seront considérés et qualifiés par la chambre sociale de la Cour de cassation comme des licenciements collectifs de moins de dix salariés dans une même période de trente jours ou comme des licenciements collectifs de dix salariés ou plus. On crée donc une première incertitude juridique.

Deuxièmement, je comprends bien pourquoi la majorité affirme que le licenciement économique apporte plus de protection que le licenciement individuel – je me souviens de la teneur des débats que nous avons eus en commission sur le sujet. L'intérêt de l'accord signé par les partenaires sociaux résidait dans l'ajout au licenciement individuel d'un certain nombre de protections accordées en général dans le cadre des licenciements économiques : le reclassement, etc. Avec votre amendement, qui tente de rendre la mariée un peu plus belle, vous allez compliquer les choses de façon considérable.

Je relisais un certain nombre de dispositions du code du travail. On peut considérer que vous proposez un licenciement sui generis, situé à mi-chemin entre le licenciement individuel et le licenciement économique. Mais je vous rappelle que, dès lors que la rupture du contrat de travail est considérée comme un licenciement économique, l'article L. 1233-4 – je m'appuierai sur un seul exemple afin de ne pas être trop long – dispose que « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés ». En d'autres termes, on risque d'introduire des obligations supplémentaires qui vont progressivement vider de leur sens les dispositions de cet article 10.

Autre obligation liée au licenciement économique, prévue par l'article L. 1233-4-1 : « Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire ». Il existe aussi toute une série de dispositions liées à la consultation des salariés.

On va donc se retrouver avec un article 10 qui rendra obligatoire une phase de concertation, comme le prévoit le troisième alinéa de votre amendement, mais qui induira également l'application de l'ensemble des dispositifs et des procédures liés au licenciement économique. En voulant rendre la mariée plus belle, vous viderez de son sens une disposition qui était intéressante, car elle faisait primer l'intérêt général sur les intérêts individuels.

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