Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 8 avril 2013 à 9h30
Sécurisation de l'emploi — Article 13, amendement 4749

Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Le rapporteur donne chaque fois d'excellents arguments mais, sur ce point précis, je souhaite prendre la parole. Mes explications vaudront aussi pour les autres amendements portant sur ce sujet.

Vous disiez, monsieur le député, qu'il ne faut pas qu'il y ait une réparation a posteriori, mais que se passe-t-il aujourd'hui ? La réparation, si réparation il y a, intervient des années plus tard, à l'occasion d'un recours individuel devant le juge prud'homal puis la cour d'appel.

Changeons-nous cela ? Oui, profondément, et c'est un progrès. Vous pouvez estimer que nous n'allons pas suffisamment loin, mais nous progressons. Comment donc ? Justement par ce mécanisme que vous connaissez bien. Il s'agit de faire en sorte que ces questions soient abordées et traitées a priori, le plus tôt possible, bien avant d'entrer dans une procédure à caractère juridictionnel : l'inverse de ce qui se fait aujourd'hui.

Il faut que l'entreprise et le salarié connaissent le plus tôt possible les conditions, et que celles-ci soient les plus favorables possible au salarié pris individuellement, aux salariés dans leur ensemble ainsi qu'au territoire concerné par la fin de telle ou telle activité, la fermeture de tel ou tel site et la perte d'emplois qui s'ensuit. Il ne s'agit plus d'un contrôle exercé a posteriori, mais une action menée a priori, le plus tôt possible. Là réside le progrès fondamental.

Deuxièmement, c'est par ce même mécanisme que nous allons lutter contre les licenciements boursiers. Nous répondons à une demande pressante : qu'il ne puisse y avoir de licenciements considérés comme illégitimes, anormaux en regard de la situation du groupe et des motifs invoqués à l'appui du plan de licenciements.

Prenons un exemple. Un groupe décide de fermer une activité qui ne perd pas d'argent – cela arrive, et des noms vous viennent à l'esprit. Pourquoi donc ? Parce qu'il considère que la délocaliser dans un autre pays, où les coûts de production sont plus faibles, lui permettra de gagner encore plus d'argent. C'est cela, un licenciement boursier : c'est un licenciement qui permet de gagner encore plus d'argent. Il ne s'agit pas – même si cela peut aussi être douloureux – de la suppression d'une activité qui n'est pas rentable, ou qui risquerait de ne plus l'être si l'entreprise ne prenait pas de mesures. La logique est différente : « Avec cette activité, je gagne de l'argent, mais je veux en gagner encore plus. »

Que fera l'administration ? Elle examinera l'ensemble. Comprenant que l'entreprise, qui gagne déjà de l'argent, veut en gagner encore plus, elle augmentera le coût global de l'opération pour l'entreprise, par exemple celui de l'accompagnement de chacun des salariés, jusqu'à ce que tous, l'un après l'autre, aient retrouvé un emploi et que personne ne se retrouve à Pôle emploi. De même, il s'agira d'augmenter les coûts qui incombent à l'entreprise dans le cadre d'une réindustrialisation du territoire concerné, de l'implantation d'une autre activité qui permette de sauver les emplois supprimés.

Que se passera-t-il ? Le coût de la délocalisation pour l'entreprise finira par être supérieur à ce qu'elle y gagnerait. Elle renoncera alors, à cause de ce mécanisme, à délocaliser, car tel ne sera plus son intérêt économique : du fait même des conditions que l'administration pourra, grâce aux dispositions que nous examinons, imposer, la délocalisation ne sera plus rentable. N'est-ce pas un progrès ? C'est un progrès absolument considérable !

Voilà qui nous donne la capacité de lutter, de manière pertinente et intelligente, contre ce que nous appelons, les uns et les autres, des licenciements boursiers. Je veux bien que l'on me dise que ce serait encore mieux s'il y avait telle ou telle chose de plus dans la loi, mais c'est un progrès considérable pour les salariés, pour la nation, pour nous tous. Je ne comprends pas que l'on puisse dire qu'il s'agit d'une régression, tant ces dispositions vont dans le sens du progrès et de l'intérêt des salariés.

Je tenais à m'exprimer pour que chacun ait bien cela à l'esprit. C'était d'ailleurs au coeur des engagements du Président de la République : « Je renchérirai le coût des licenciements boursiers. » C'est ce que nous faisons : nous renchérissons ce coût jusqu'à faire en sorte que les licenciements boursiers n'aient plus lieu.

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