Intervention de Alain Bocquet

Séance en hémicycle du 8 avril 2013 à 15h00
Sécurisation de l'emploi — Article 16

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Bocquet :

Cet article est scandaleux. En effet, il réduit carrément les délais de prescription de toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail.

Il ne s'agit pas d'une mesure qui viserait à empêcher, de manière voilée, que les salariés se présentent devant un juge pour faire valoir leurs droits : il est tout simplement décidé de les en empêcher, en enfermant l'action en justice dans de très courts laps de temps ! Vous proposez de revenir à la bonne vieille méthode appliquée entre 1910 et 1971, qui consiste à abréger les délais en matière d'action prud'homale – ce qui est bien entendu une revendication patronale depuis de nombreuses années.

Or, dans un contrat à exécution successive comme le contrat de travail, des délais aussi courts produisent des effets disproportionnés : tous les trois ans, l'employeur est amnistié de ses manquements si le salarié n'a pas saisi le juge. À l'évidence, notre proposition de loi d'amnistie syndicale n'a pas été accueillie avec la même bienveillance… C'est d'autant plus grave qu'on sait parfaitement que les salariés en emploi saisissent très rarement le juge contre leur employeur. Ce n'est qu'une fois le contrat de travail rompu qu'ils se risquent à saisir les tribunaux.

Ce dispositif nous fait glisser vers un droit du travail dont les violations ne seront pas sanctionnées faute de temps et de moyens juridiques pour que les salariés lésés saisissent les juridictions compétentes. C'est bien l'effectivité des règles de droit qui est en jeu.

Je ne résiste pas à l'envie de vous répéter les propos d'un éminent militant du parti socialiste, dans un entretien à la presse régionale : « Même Fillon n'avait pas fait ça ! Les PSA, les Goodyear, les Mittal et tous les autres ne pourront même plus se défendre comme aujourd'hui. Avec ce texte, le patron pourra faire son plan social lui-même, en définir les modalités, les délais, et il lui suffira de trouver un syndicat même pas majoritaire pour le signer et l'entériner. Oui, l'entériner ! Comme le fera le DIRECCTE, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, cette espèce de sous-préfet qu'ils installent à la direction du travail. Et pour contester ce plan, il faudra aller devant le tribunal administratif, et non plus devant la chambre sociale. Ça prendra trois ans. En trois ans, tout le monde sera dehors et plus personne n'y pensera ! »

Il ajoute encore : « C'est une honte, cet accord ! Aucun gouvernement de gauche n'avait encore attaqué à ce point le code du travail. Je sais ce que je dis : j'ai été inspecteur du travail pendant près de trente ans ». Il s'agit de Gérard Filoche !

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