Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 8 avril 2013 à 15h00
Sécurisation de l'emploi — Article 16, amendement 3534

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Les alinéas 1 à 7 de l'article 16 visent à modifier l'article L. 1235-1 du code du travail. Ces alinéas prévoient qu'en cas de litige entre l'employeur et un salarié afférant au licenciement de ce dernier, un accord pourra être conclu entre les parties à l'occasion de la conciliation. Ce dispositif, apparemment redondant avec les dispositions de l'actuel article L. 1411-1 du code du travail, est en réalité sans équivalent dans le domaine judiciaire en ce qu'il prédéfinit les termes et conditions de l'accord susceptible d'intervenir.

Certes, a priori, il n'a vocation à jouer qu'au stade du bureau de conciliation, le salarié ayant toujours la possibilité de refuser l'application du barème et de choisir de porter son affaire devant le bureau de jugement. Il est cependant évident que le barème à venir deviendra la référence, implicite mais incontournable, pour les bureaux de jugement, lorsqu'il s'agira de déterminer le montant des dommages et intérêts à accorder aux salariés abusivement licenciés. La tendance naturelle des conseillers réunis pour délibérer de l'affaire sera évidemment de se référer au barème pour évaluer le montant des dommages et intérêts.

Par cet effet de contamination, le barème amplifiera l'évolution déjà amorcée des procédures qui passent devant le bureau de jugement, lesquelles tendent à déboucher sur une tarification forfaitisée de l'indemnisation du licenciement abusif. Cette évolution est fortement souhaitée par les employeurs car elle leur assure une grande prévisibilité du risque contentieux.

Pourtant, il n'est pas admissible que l'objectif de sécurisation des entreprises prévale sur le principe général du droit des obligations, largement consacré par la jurisprudence européenne, qui exige la réparation intégrale et adéquate du préjudice résultant d'un fait fautif et s'oppose donc, en cas de licenciement injustifié, à la forfaitisation du montant des dommages et intérêts.

Outre cette grave dérive, le dispositif institué par l'article 16 pose aux moins deux sérieuses difficultés juridiques. D'abord, il porte atteinte aux missions du juge conciliateur. Ensuite, il comporte un critère inadapté d'appréciation du préjudice.

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