Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 10 avril 2013 à 15h00
Élection des conseillers départementaux des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modification du calendrier électoral — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après cette nouvelle lecture du projet de loi sur la réforme des modes de scrutins locaux, nous demeurons dans l'expectative. Nous estimons qu'il était possible de faire mieux pour la représentation de la pluralité politique.

Commençons par le seuil d'accès au second tour de l'élection départementale. Dans le texte initial du projet de loi, ce seuil avait été fixé à 10 % des inscrits, comme cela avait toujours été le cas jusqu'en 2008. M. le ministre qualifia d'ailleurs ce seuil d'historique. Il s'agit du même seuil que pour les autres élections locales. Mais face à l'émotion de la droite qui avait modifié ce seuil sous la précédente législature, il a été décidé en deuxième lecture de revenir en arrière, créant ainsi autant de seuils qu'il y a d'élections. La logique bipartisane a fonctionné à plein sur ce point, et nous ne pouvons que le regretter pour la lisibilité des élections et la représentation de la pluralité politique.

Celle-ci a également été mise à mal par l'adoption hier d'amendements prévoyant le relèvement du seuil à partir duquel le scrutin de liste proportionnel s'appliquera aux communes. D'un seuil de 500 habitants, adopté à trois reprises par notre commission des lois et soutenue par l'Association des maires ruraux de France, nous passons désormais à un seuil de 1 000 habitants. Ce seuil exclura 74 % des communes du scrutin de liste, c'est-à-dire plus de 20 000 d'entre elles. Ce sont autant de communes dans lesquelles l'opposition n'aura pas de représentation structurée. La pratique du tir aux pigeons, souvent faite au détriment des élus les plus actifs, aura encore de beaux jours devant elle.

Ce sont également autant de communes dans lesquelles il n'y aura pas de représentation paritaire dans les conseils communaux. Les débats ont montré une certaine condescendance vis-à-vis du milieu rural. Vous le savez comme moi : il y a autant de femmes que d'hommes dans le milieu rural. Alors pourquoi les femmes ne seraient-elles pas prêtes à y entrer en politique ? Les chiffres montrent d'ailleurs que les femmes s'investissent davantage dans la vie de la communauté en milieu rural, que la vitalité et l'ouverture d'esprit des ruraux n'ont rien à envier à celles des urbains, contrairement à une idée reçue, y compris sur les bancs de cette assemblée.

Mais sur le fond, vous le savez, nos réticences concernaient le scrutin binominal, qui est, en fait, un scrutin majoritaire. Reconnaissons que ce scrutin a le mérite de faire un grand pas en faveur de la parité lorsque l'on sait la place qui est aujourd'hui faite aux femmes dans les assemblées départementales. Mais nous étions favorables au scrutin de liste proportionnel. Nous avons le regret de constater que notre proposition, partagée par deux autres groupes sur ces bancs et par un certain nombre de députés, n'a pas été retenue. Ce mode de scrutin nous aurait évité le douloureux redécoupage des cantons, douloureux quoique nécessaire, tant les disparités en termes de population sont, dans certains cas, criantes. Pourquoi l'élection départementale serait-elle la seule à ignorer la proportionnelle, alors qu'elle sera partiellement introduite pour les prochaines élections législatives ?

En ce qui concerne l'intercommunalité, saluons l'avancée consistant en l'adoption d'un dispositif de fléchage au moyen d'une liste intercommunale séparée de la liste communale. Mais, par cohérence, nous aurions dû aller plus loin dans cette logique visant à faire clairement émerger l'échelon intercommunal en donnant la possibilité d'avoir un ordonnancement différent.

Il nous paraît en effet essentiel de faire émerger au plus tôt le couple intercommunalité-région afin de conjuguer cohérence et efficacité de l'action territoriale. Bien loin de précéder l'effacement des communes, il nous semble au contraire que cela les renforcerait en leur permettant de mettre en commun leurs forces, d'établir des synergies et de développer des projets collectifs à l'échelle du territoire.

Les communes rurales et les territoires ruraux ont besoin d'intercommunalités fortes pour faire face au poids des nouvelles métropoles, qu'il ne nous est d'ailleurs pas permis de remettre en cause au nom de la sacro-sainte compétition des villes mondialisées.

Ce darwinisme territorial nous inquiète. Nous craignons que ces compétitions ne conduisent finalement à une négation de l'aménagement du territoire, auquel nous sommes évidemment très attachés et sur lequel s'est construite la trame urbaine de nombreuses régions. C'est le fameux polycentrisme urbain, différent de la métropolisation.

Enfin, nous regrettons une nouvelle fois le fait que notre assemblée n'ait pas jugé utile d'interdire la présentation de binômes familiaux, bien que cela n'eût pas tout réglé. Compte tenu de la crise morale que nous traversons, je ne comprends toujours pas pourquoi nous n'avons pas adopté cette mesure pourtant simple.

Malgré les avancées que présente ce texte par rapport à ce qui existe actuellement, compte tenu du retour au scrutin majoritaire pour le scrutin départemental, qui porte atteinte au pluralisme démocratique et qui est au coeur de ce projet de loi, le groupe écologiste continuera à s'abstenir.

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