Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du 10 avril 2013 à 15h00
Prorogation du régime social du bonus exceptionnel outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, à la suite des mouvements sociaux intervenus à La Réunion et dans l'ensemble des départements d'outre-mer en 2009, notre majorité avait instauré, dans le cadre de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, un bonus exceptionnel qui a permis de soutenir le pouvoir d'achat des ultramarins les plus modestes.

Ce dispositif est, rappelons-le, subordonné à un mécanisme d'accord interprofessionnel régional qui autorise les employeurs implantés dans un département d'outre-mer – à l'exception de Mayotte –, à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, à verser à leurs salariés une prime mensuelle d'un montant maximal de 1 500 euros par an et par salarié dit « bonus exceptionnel ».

Afin d'inciter les entreprises à verser ce complément de revenus, cette prime est assujettie à une exonération de charges fiscales et sociales, à l'exception de la CSG, de la CRDS et du forfait social. Le dispositif devait initialement s'appliquer pendant une durée limitée à trois ans. Cependant, prenant en considération la constance des difficultés économiques et sociales dans les collectivités d'outre-mer, la loi de finances pour 2012 a porté de trois à quatre ans la durée de ces accords, soit à compter de la date de versement prévue par l'accord, soit, à défaut, à compter de la date de la conclusion de l'accord.

Au cours de l'année, nous arriverons au terme de cette prorogation. En application du droit en vigueur, le régime d'exonération dont bénéficient aujourd'hui des dizaines de milliers d'ultramarins est donc appelé à disparaître.

Il va sans dire qu'une sortie brutale du dispositif aurait des conséquences désastreuses sur le pouvoir d'achat de ces populations et ne ferait qu'attiser des tensions sociales déjà aiguës.

Les collectivités ultramarines connaissent régulièrement des mouvements sociaux qui visent à dénoncer un climat social et économique extrêmement difficile. Il faut savoir que dans ces régions, les prix des produits alimentaires sont de 30 % à 50 % plus élevés qu'en métropole alors que le revenu moyen des ménages domiens est inférieur de 38 % à celui des ménages hexagonaux.

Outre la cherté de la vie, marquée par les prix élevés de l'ensemble des biens de consommation, ces territoires sont durement touchés par la crise, par le chômage, avec les risques d'exclusion que cela représente. Pour ne citer qu'un exemple, le taux de chômage s'élevait à 28,5 % à La Réunion en 2012 contre 9,7 % en métropole. Qui plus est, la perspective d'une croissance proche de zéro en France métropolitaine et d'outre-mer ne fait qu'assombrir ce tableau.

La situation économique de Saint-Martin est préoccupante. Les commerces ferment. Le tourisme, fleuron de son économie pendant de longues années, voit ses résultats se dégrader. Ce déclin a de lourdes conséquences sur l'emploi local : le taux de chômage est de 25 % et les moins de vingt-cinq ans représentent 15 % des demandeurs d'emploi.

Si j'ai pris l'exemple de Saint-Martin, c'est que mon collègue Daniel Gibbes, député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, retenu dans sa circonscription par le vote en ce moment même du budget 2013 de la collectivité d'outre-mer, m'a demandé d'être son relais dans l'hémicycle pour exprimer son avis sur la proposition de loi et faire part de son inquiétude quant à la situation économique de Saint-Martin.

Cette proposition de loi a le mérite de soutenir l'économie ultramarine en grande difficulté. Elle conforte les secteurs en péril et encourage les entreprises à embaucher les demandeurs d'emploi, qui sont toujours plus nombreux à s'inscrire mais beaucoup trop peu nombreux à retrouver une activité.

Le souci de préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens ultramarins constitue aujourd'hui une préoccupation constante, unanime et majeure, au-delà même des appartenances politiques. Nous ne pouvons qu'approuver la prorogation du régime social du bonus exceptionnel car elle va permettre d'alléger le coût du travail pour quelques mois encore, d'encourager l'alternance et la formation, et donner aux entreprises les moyens d'embaucher.

Je note toutefois que le Gouvernement a agi avec une grande maladresse. À l'occasion des débats sur le projet de loi de finances pour 2013, il a en effet repoussé un amendement du sénateur Vergès, qui visait précisément à proroger ce dispositif, pour finalement revenir sur sa position et réintroduire la prorogation dans le projet de loi portant création du contrat d'avenir. Quelle perte de temps !

Sur la forme, le Conseil constitutionnel a jugé que ce dispositif avait été adopté selon une procédure contraire à la Constitution, compte tenu du fait qu'il ne présentait pas de lien avec les dispositions du projet de loi initial. Quel manque de cohérence dans la méthode !

Le Gouvernement donne trop souvent l'impression d'une action en escalier alors que sur des sujets importants et urgents comme le pouvoir d'achat, il serait utile que l'examen parlementaire puisse emprunter un escalier mécanique.

Quel est votre sentiment, monsieur le ministre, sur ces subtilités qui échappent à la compréhension de nos concitoyens ? Au lieu de tergiverser, ne faudrait-il pas plutôt envisager des mesures pérennes et structurelles pour pallier durablement les difficultés en outre-mer et soutenir l'activité économique ?

Notre assemblée examine cet après-midi une proposition de loi qui vise à proroger d'une année, soit jusqu'au 31 décembre 2013, le régime social du bonus exceptionnel outre-mer créé en 2009 par la majorité précédente. Au Sénat, la commission des affaires sociales a prévu de compenser l'exonération par le budget de l'État, plus précisément par les crédits du programme « Emploi outre-mer » de la mission « Outre-mer ». Notre commission a examiné, sans modification, cette proposition de loi.

Compte tenu du contexte économique et social difficile qui prévaut en outre-mer, il nous paraît indispensable de maintenir ce dispositif dont l'intérêt social est incontestable. Pour ces raisons, le groupe UMP est favorable à la prorogation de ce dispositif et votera donc ce texte.

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