Intervention de Patrick Lebreton

Séance en hémicycle du 10 avril 2013 à 15h00
Prorogation du régime social du bonus exceptionnel outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Lebreton :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis aujourd'hui pour procéder à l'examen de la proposition de loi initialement portée par notre collègue sénateur Michel Vergoz.

Je souhaite, en préambule, le remercier de son initiative et de sa ténacité sur ce sujet qui concerne, pour la seule île de La Réunion, 95 000 salariés parmi les plus modestes. Sur tous les outre-mer, trois salariés du secteur sur quatre sont concernés.

Il s'agit d'un sujet majeur. Aussi, je vous remercie, madame la rapporteure, chère collègue Gabrielle Louis-Carabin, de poursuivre ce travail en le portant au bénéfice de tous les ultramarins.

Je souhaite également vous remercier, monsieur le ministre, pour votre détermination à désamorcer une situation explosive.

Contrairement à ce qui a été dit et répété par certains lors de votre dernier déplacement à La Réunion, au mois de novembre 2012, vous n'avez jamais reculé sur cette question du bonus sur les bas salaires dans les outre-mer et des dispositifs qui sont appelés à lui succéder.

Je sais que vous avez même pesé de tout votre poids pour que cette mesure soit examinée en urgence dès lors qu'était connue la décision du Conseil constitutionnel d'annuler, à la demande de l'UMP, pour des raisons de procédure, la décision de prolongation précédente.

Pour que chacun comprenne l'importance de cette démarche, il convient de faire un peu d'histoire – je ne remonterai pas trop loin – et de revenir sur les origines de ce bonus.

Février 2009 : la Guadeloupe s'embrase, suivie de La Réunion, de la Martinique et de la Guyane.

Ce mouvement social est l'un des plus durs de ces trente dernières années. Les ultramarins ont crié leur exaspération face à la vie chère et au véritable racket dont ils estimaient, à juste titre, être les victimes.

Le système des monopoles, des oligopoles, des abus, des marges folles de certains importateurs, distributeurs, des banques, des assurances, des établissements parmi les moins vertueux, étouffait les ultramarins, par ailleurs durement frappés par la crise.

Vous étiez alors à nos côtés, monsieur le ministre, en votre qualité de député et de président de région dans le territoire où avait démarré la crise. Et je me souviens qu'il nous avait fallu faire preuve d'une énergie considérable, d'un véritable acharnement pour être reçus par l'exécutif d'alors, en catimini, et à peine écoutés par le précédent gouvernement.

Cet acharnement, l'intensité du mouvement social, mais aussi et surtout, malheureusement, un drame humain ont conduit à la mise en place de ce bonus temporaire, prévu pour une durée de trois ans.

Je souhaiterais que nous tous ici, comme l'ont fait un certain nombre de nos collègues, ayons une reconnaissance sincère et une pensée émue pour le regretté Jacques Bino, ce syndicaliste, ce militant qui a donné sa vie à son combat.

Cette solution n'était pas pérenne, le gouvernement Sarkozy n'ayant pas l'ambition d'apporter une réponse durable au problème de la vie chère. Mais elle avait pour principale vertu d'apaiser des souffrances trop aiguës, trop anciennes.

Malheureusement, de 2009 à 2012, ce bonus n'a fait qu'accompagner l'immobilisme du pouvoir précédent et que renforcer les positions de quelques grandes fortunes.

N'oublions pas, n'oublions jamais que les représentants de ces grandes fortunes voyageaient à cette époque dans l'avion présidentiel – j'ai eu à souffrir personnellement, dans mes fonctions d'élu de la République, de cette collusion. N'oublions jamais que ces grandes fortunes étaient davantage écoutées et entendues que le courageux ministre des outre-mer d'alors, notre collègue Yves Jégo, qui s'est exprimé tout à l'heure.

Mai 2012 : n'en déplaise à certains, le changement arrive. N'en déplaise à certains, celui-ci est une réalité pour les ultramarins, même si les choses sont dures.

Monsieur le ministre, vous avez, dès votre prise de fonction, fixé le cap, fidèle aux engagements présidentiels, en faisant adopter dans les tout premiers mois de la législature la loi sur la régulation économique dans les outre-mer.

La lutte contre la vie chère était une priorité sur laquelle s'était engagé le Président de la République. Vous avez tenu cette promesse.

Cette loi courageuse est une véritable loi de progrès pour les outre-mer et le pouvoir d'achat des ultramarins. Sans entraver brusquement l'initiative privée et le potentiel de développement de nos territoires, sans stigmatiser la grande majorité des petits entrepreneurs, des PME, des TPE, des producteurs, des agriculteurs ou des petits commerçants, qui se battent courageusement pour exister, vous avez offert les instruments qui doivent permettre, dans la concertation mais aussi dans la raison, de mettre fin aux grands désordres dans les économies et sur les marchés des outre-mer.

La lutte contre la vie chère, vous en avez courageusement posé les bases. C'est maintenant à tous les acteurs de la faire vivre pour que nos territoires puissent enfin entrer dans la normalité, en dépit de leur insularité et de leur éloignement.

La transformation d'un système hérité du colonialisme ne peut se faire en un jour, dit-on souvent. En tout cas, elle ne peut pas se faire sans volonté ni détermination. C'est la raison pour laquelle l'initiative du sénateur Vergoz était fondamentale. Et la quasi-unanimité qui a été obtenue au Sénat est un signe positif.

Chacun l'admet, prolonger le système de bonification était une obligation. Car la vie est encore trop chère dans les outre-mer. Les dispositifs complémentaires n'ont pas encore atteint leur rythme de croisière.

Malgré les critiques et les caricatures mais aussi les accidents, c'est l'ensemble du Gouvernement qui est mobilisé pour l'emploi et le pouvoir d'achat de tous les Français et de tous les ultramarins.

Je sais que vous travaillez actuellement à la montée en puissance et l'adaptation aux particularités des outre-mer du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Le CICE, dont la portée est plus large que le bonus puisqu'il concerne les salariés percevant jusqu'à 2,5 SMIC, est cet instrument qui peut donner de la souplesse aux entreprises et la possibilité de renforcer la rémunération des salariés.

Là encore, vous faites le pari de la responsabilité de tous les acteurs économiques et sociaux. Nous serons à vos côtés pour vous aider à les mobiliser positivement, pour le pouvoir d'achat des ultramarins.

Nous pourrons être à vos côtés car vous avez fait, monsieur le ministre, le choix de la concertation, de l'intelligence collective et de la responsabilité. Cette méthode est en rupture avec les pratiques clientélistes du passé, qui préservaient peut-être le pouvoir d'achat de quelques-uns, mais certainement pas celui de la majorité des Français des outre-mer, constamment appauvris, stigmatisés et insultés.

Monsieur le ministre, le progrès pour les ultramarins est pour nous tous, ici, sur ces bancs, un objectif, une quête, un idéal. Nous travaillerons avec vous pour mettre les outre-mer sur le chemin du progrès réel, celui que chacun, dans nos territoires, appelle de ses voeux. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Mme Sandrine Mazetier remplace M. Christophe Sirugue au fauteuil de la présidence.)

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