Intervention de Alain Vidalies

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 9h30
Application de l'article 11 de la constitution — Présentation commune

Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement :

Je répète qu'il ne s'agit pas d'un référendum d'initiative populaire : le peuple est invité à apporter son soutien à une initiative parlementaire. Le peuple ne sera interrogé directement par voie référendaire que si le Parlement ne se saisit pas du texte traduisant cette initiative.

Dans le texte voté par le Sénat, une proposition de loi dite référendaire devra avoir été signée par un cinquième des parlementaires, ce qui signifie que le recours à la procédure du référendum d'initiative partagée sera, en pratique, réservé aux grands groupes, les seuls à être en mesure de recueillir quelque 185 signatures. Il s'agit donc d'une initiative parlementaire validée par une forme de pétition.

Rappelons-nous également, mesdames et messieurs les députés, que l'article 11, dont la rédaction actuelle n'est certainement pas celle que les parlementaires des groupes de l'actuelle majorité pouvaient souhaiter, trouve sa source dans l'histoire des dernières décennies.

C'est ainsi que le Comité consultatif pour la révision de la Constitution, institué en décembre 1992 par M. François Mitterrand, alors Président de la République, et présidé par le doyen Georges Vedel, fut le premier à proposer l'instauration d'un « référendum d'initiative minoritaire ». Il s'agissait de combiner « le voeu d'une minorité parlementaire et celle d'une minorité de pétitionnaires, dont le cumul pouvait conduire à l'arbitrage de la nation elle-même ».

En 2007, M. Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, confia à un comité présidé par M. Édouard Balladur la mission d'« étudier les moyens d'instiller plus de démocratie directe dans le fonctionnement institutionnel, sous la forme, le cas échéant, d'un droit d'initiative populaire ».

Le comité Balladur reprit donc à son compte les principes posés par le comité Vedel, en particulier l'idée d'un partage de l'initiative entre parlementaires et citoyens, et celle de la priorité de l'examen parlementaire, avant toute convocation du référendum. Le comité estima en effet qu'« il y aurait quelque contradiction dans son propos s'il recommandait à la fois d'émanciper le Parlement et d'étendre de manière excessive le champ de la démocratie directe ». Voilà une analyse qui, à mon sens, peut être largement partagée.

Las, mesdames et messieurs les députés, la proposition du comité ne fut pas retenue par le Gouvernement lors de l'élaboration du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République déposé en avril 2008.

Le président Urvoas se souvient j'en suis sûr, que le texte, tel qu'il figure aujourd'hui à l'article 11, est issu d'un débat qui s'est déroulé à une heure tardive, dans la nuit du 22 au 23 mai 2008. Il résulte d'un compromis, à partir d'amendements déposés par plusieurs groupes politiques, qui visaient alors à créer un véritable référendum d'initiative populaire.

La procédure mise en place par l'article 11 est une forme de compromis qui n'est pas totalement satisfaisante et qui est particulièrement originale. Il me semble – mais je parle sous votre contrôle – qu'il n'en existe aucun équivalent, qui lui soit totalement comparable.

Il n'y a pas d'équivalent au niveau territorial, où un référendum local, dont la portée est décisoire, ne peut pas être déclenché par les citoyens. Ce n'est pas le cas non plus parmi les États disposant de mécanismes d'initiative populaire : ainsi, en Espagne, l'initiative populaire, qui doit réunir 500 000 citoyens, aboutit au dépôt d'une proposition de loi au Parlement, et non à un référendum. Au niveau de l'Union européenne, enfin, la nouvelle procédure d'initiative citoyenne européenne ne permet que d'inviter la Commission européenne à présenter des propositions d'actes juridiques dans des domaines relevant de sa compétence.

Il s'agit donc d'un étrange système, dont Robert Badinter a parlé de façon éclairante le 19 juin 2008, lors de son examen au Sénat, en raillant « un mélange bizarre », qui ne ressemble pas plus à la démocratie directe qu'un chameau ne ressemble à un cheval. Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les termes de ce débat.

Le constituant en ayant toutefois décidé ainsi, il appartient désormais au législateur, dans la marge étroite d'appréciation qui lui reste en ce domaine, d'adopter un dispositif qui présente les garanties nécessaires de clarté, de sécurité, de simplicité et de sérieux budgétaire.

Le Sénat a apporté des modifications assez importantes aux deux projets votés en première lecture par votre assemblée, si bien qu'un seul article, l'article 20 du projet de loi organique, a été adopté conforme. Au Sénat, les augures du président Urvoas se sont vérifiés et l'on a convenu que le délai prévu par le texte pour recueillir les soutiens n'était pas acceptable : pour obtenir, en trois mois, le nombre requis, il fallait parvenir à un rythme de 50 000 signatures par jour, soit 35 à la minute !

La commission de votre assemblée, contre l'avis du rapporteur, a opéré un certain nombre de modifications qui paraissent opportunes au Gouvernement. La commission a ainsi supprimé le terme « référendaire », que le Sénat avait introduit pour qualifier la proposition de loi présentée en application de l'article 11 de la Constitution. Nous partageons le point de vue de M. Sébastien Denaja, qui a déclaré : « Il ne nous paraît pas opportun de consacrer une nouvelle catégorie de texte législatif, la proposition de loi référendaire ». Du reste, ce pouvoir est-il bien entre les mains du législateur, fût-il organique ? On peut naturellement s'interroger.

Les principaux délais ont en outre été modifiés. Ainsi, dans le texte de la commission, l'article 3 du projet de loi organique porte de six à neuf mois la durée de la période de recueil des soutiens des électeurs, et son article 9 réduit de neuf à six mois le délai d'examen de la proposition de loi par le Parlement. Par ailleurs, le temps donné au Gouvernement pour l'ouverture de la période de recueil des soutiens est réduit à un mois.

Le Gouvernement partage à cet égard les positions de M. Jacques Valax, qui était déjà très présent lors de la première lecture, et qui, par respect de nos concitoyens, a proposé de rallonger le délai de collecte des soutiens par les électeurs. Un certain nombre d'amendements déposés ou soutenus par le Gouvernement viendront encore améliorer ce dispositif, afin de le rendre plus sûr.

Vous avez également rétabli la commission de contrôle, qui devra être paritaire, chargée d'aider le Conseil constitutionnel dans la surveillance des opérations de recueil des soutiens des électeurs à une proposition de loi, ainsi que le dispositif fixant le rôle du ministère de l'intérieur dans l'organisation du recueil des soutiens. Il s'agit d'une position de sagesse, qui a, je crois, les faveurs du Conseil constitutionnel. Il nous paraît également intéressant, aux dernières étapes, d'avoir apporté des améliorations à la procédure, telle qu'envisagée par l'article 9 du projet de loi organique.

La commission des lois, enfin, a étendu aux actions visant à favoriser ou défavoriser le recueil des soutiens les règles qui limitent à 150 euros les dons pouvant être faits en espèces et qui plafonnent le total des dons en espèces à 20 % du total des fonds récoltés. De même, elle a imposé aux partis organisant ces actions de présenter une comptabilité séparée de leur financement.

Ce sont là, à mon sens, d'excellentes améliorations du dispositif.

Mesdames et messieurs les députés, après l'important travail conduit par le Sénat, il nous semble possible d'avancer ensemble dans l'élaboration d'un texte équilibré. Nous aurons l'occasion d'en discuter dans quelques instants, mais le Gouvernement est attaché à ce que, conformément à l'article 11 de la Constitution, une initiative référendaire soit soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit 4,5 millions de personnes à l'heure actuelle, pour être présentée aux deux assemblées. La procédure de recueil doit donc être adaptée à cette exigence.

Dès lors, l'introduction d'un soutien aux initiatives référendaires par une procédure papier, en complément du soutien par voie électronique, telle que l'a prévue le Sénat en première lecture, créerait d'importantes difficultés pratiques. Il conviendra également de garantir un égal accès des électeurs à la procédure de soutien des initiatives référendaires, dans l'hypothèse où des électeurs n'auraient pas d'équipement internet à leur domicile ou de possibilité d'accéder à internet chez un tiers.

Mesdames et messieurs les députés, rappelons-nous que l'institution référendaire qui fut instaurée pour la première fois en 1793 est intimement liée à l'histoire de notre République. Elle n'est pas le seul legs des régimes autoritaires.

En permettant une participation directe du peuple au gouvernement de la cité, le référendum est un instrument qui constitue un adjuvant utile, voire un correctif nécessaire, au régime représentatif. Toutefois, les risques de dérive et même de dévoiement de cet instrument doivent être prévenus par un encadrement et des conditions de mise en oeuvre adaptés.

Ce fut hier l'intention du constituant, ce doit être aujourd'hui celle du législateur.

À l'occasion de l'examen de ce texte, il vous appartient de concilier les exigences fortes et nécessaires de deux figures tutélaires, Rousseau et Montesquieu, dont les manuscrits reposent à quelques mètres de cet hémicycle, dans la bibliothèque de l'Assemblée nationale. L'article 3 de notre Constitution en consacre la pensée : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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