Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 9h30
Application de l'article 11 de la constitution — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois :

constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si M. Guy Geoffroy est rapporteur pour la deuxième fois sur ce texte, c'est pour ma part la cinquième fois que je vais intervenir sur l'article 11 de la Constitution.

Comme le ministre et le rapporteur l'ont rappelé, nous avons abordé cette question pour la première fois le 22 mai 2008, lors de la révision constitutionnelle. Plusieurs groupes – quatre à l'époque – avaient déposé des amendements afin d'aboutir à un référendum que nous qualifiions alors de « référendum d'initiative populaire. » Ce ne fut pas possible, mais il n'en demeure pas moins que le compromis un peu bancal que nous avions bâti avait recueilli un large assentiment de l'Assemblée nationale, puisque 113 parlementaires avaient voté pour, et dix avaient voté contre.

Nous avons ensuite examiné ce texte en deuxième lecture le 8 juillet 2008. Beaucoup d'amendements de suppression avaient été déposés. Le ministre s'en rappelle certainement, car il était de ce combat. Il souhaitait revenir avec Arnaud Montebourg – qui est aujourd'hui son collègue au sein du Gouvernement – à la proposition du rapport Balladur qui avait imaginé un dispositif différent de celui construit en première lecture.

En cohérence avec la première lecture, ces amendements n'avaient pas été retenus, et nous en étions restés à la rédaction assez étonnante de cet article 11, puisqu'il ouvre un mécanisme difficile à définir.

Nous en avons discuté à nouveau le 2 décembre 2010 à l'initiative des écologistes qui avaient déposé une proposition de loi rejetée par la majorité d'alors et soutenue par la majorité actuelle. Je fais ce rappel afin que chacun puisse juger de la cohérence des positions dans le temps.

Nous avons discuté de cette question une quatrième fois, à l'instigation du rapporteur, le 20 décembre 2011. Le Gouvernement et la majorité avaient – enfin – inscrit à l'ordre du jour un texte que nous attendions depuis un moment. Nous vous en avions d'ailleurs fait le reproche à l'époque, d'autant plus que nous nous étions réjouis au moment de son dépôt.

Je tiens à souligner que vous aviez travaillé, monsieur le rapporteur, dans un esprit aussi constructif qu'aujourd'hui. La Constitution avait besoin d'être complétée et il manquait une loi organique : vous avez défendu de manière non partisane un point de vue extrêmement pragmatique, motivé par la volonté de servir l'intérêt général et l'esprit de concorde qui vous caractérisent. Je vous en remercie, car vous avez permis à la commission d'avoir, même cette année, des débats dans un état d'esprit positif. Vous n'avez pas repris l'idée exprimée il y a quelques instants, lors de la dernière réunion de la commission des lois, par un autre de nos collègues qui a rapproché ces projets de loi d'un autre texte dont nous avons débattu et qui aurait pu, selon lui, déboucher sur un référendum – ce qui nous paraissait totalement baroque. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de nous avoir permis de travailler dans un climat consensuel.

Cinq ans après la modification de l'article 11, il nous faut adopter une loi organique et une loi ordinaire pour compléter la Constitution. Notre lenteur à combler ce manque n'est pas due au hasard. Le mécanisme imaginé est compliqué : il s'agit d'un mécanisme d'initiative parlementaire qui ne concerne en réalité – disons les choses comme elles sont – que les deux principaux partis de la vie politique. En effet, seuls ces deux grands partis auront la capacité de rassembler les 185 élus nécessaires pour engager cette éventuelle opération. Les citoyens sont simplement convoqués pour soutenir une initiative parlementaire ; encore faut-il que le niveau de mobilisation soit très fort, puisque quatre millions et demi de signatures doivent être recueillies pour appuyer cette initiative parlementaire. De plus, même si les seuils de 185 parlementaires et de quatre millions et demi de citoyens étaient atteints, le référendum ne serait qu'hypothétique : il suffirait en effet que la proposition de loi soit examinée par les assemblées – même sans être votée – pour que le référendum ne soit pas organisé.

Ce mécanisme est donc extrêmement compliqué : le ministre a très justement dit qu'il pouvait être un trompe-l'oeil. Robert Badinter disait que cela ressemblait autant à la démocratie directe qu'un chameau ressemble à un cheval.

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