Intervention de Gilles Bourdouleix

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 9h30
Application de l'article 11 de la constitution — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Bourdouleix :

Sur la quinzaine de constitutions dont s'est dotée la France au cours de son histoire, une seule, celle de l'an I, a établi un mécanisme se rapprochant dans son principe de celui dont nous discutons aujourd'hui.

La Ve République a certes donné une place au peuple dans la procédure législative par le moyen du référendum – qui n'est pas apprécié de tous – mais il s'est toujours agi d'une prérogative de l'exécutif : prérogative propre du Président de la République selon les dispositions combinées des articles 11 et 19 de la Constitution ; prérogative partagée aux termes de l'article 89 s'agissant de la révision de la Constitution.

En outre, au-delà de sa finalité première d'offrir à nos concitoyens la possibilité de se saisir de toute question d'intérêt public, la réécriture de l'article 11 permet au Parlement de disposer de moyens d'imposer au Gouvernement son agenda, quitte à conduire le Président de la République à organiser un référendum.

Une telle opération, lancée sur l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, pourrait donc constituer un moyen à la disposition des groupes minoritaires ou des groupes d'opposition reconnus par l'article 51-1, de la Constitution, lui-même issu de la révision de 2008. Cette évolution s'inscrit en parfaite ligne avec la révision de 1974, laquelle a étendu le droit de saisine du Conseil constitutionnel à soixante députés ou soixante sénateurs. En ce sens, le référendum pourra désormais constituer un moyen supplémentaire pour l'opposition politique d'invoquer la volonté du peuple face à la résistance du pouvoir en place.

Nous avons constaté à l'occasion d'un texte très récent combien il est facile de se retrancher derrière l'argument selon lequel l'élection de tel candidat vaut acceptation pleine et entière de son programme, attitude au demeurant discutable à la lumière de l'article 27 qui interdit tout mandat impératif. Certaines réformes méritent pourtant un appel au peuple tant elles touchent des principes fondamentaux de la nation, qui nourrissent notre volonté de vivre ensemble.

La pleine application des dispositions de l'article 11 est subordonnée à l'entrée en vigueur des deux projets de loi que nous examinons aujourd'hui. Convenons-en : la déclinaison en loi et en loi organique de ce nouvel article n'est pas un exercice aisé sur le plan de la technique juridique.

Le constituant de 2008 avait déjà tranché certaines questions, notamment celles relatives au nombre respectif de parlementaires et de citoyens nécessaires pour initier la procédure, mais beaucoup restaient encore devant nous : comment et sous quels délais le recueil de signatures devra-t-il s'effectuer ? Dans quelles conditions le Conseil constitutionnel sera-t-il amené à juger de la validité de la procédure ? Faut-il accorder au Président de la République un délai pour soumettre une proposition de loi au référendum ? Faut-il prévoir une commission de contrôle chargée d'assurer la surveillance des opérations de recueil des soutiens à la proposition de loi ?

En réalité, une fois la révision constitutionnelle promulguée, la quasi-intégralité de ce modèle français de référendum d'initiative citoyenne restait à inventer. Et le Parlement a fait un travail important pour déterminer notamment les conditions de présentation de la proposition de loi et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel assure le contrôle du respect des règles fixées par la Constitution.

Le Sénat a apporté aux projets de loi quelques modifications : il a réduit la durée accordée au Parlement pour examiner le texte, il a modifié la durée de collecte des soutiens. Il a également supprimé la commission de contrôle ad hoc et créé, de façon discutable, un nouveau type de proposition de loi spécifique, dénommée « proposition de loi référendaire ».

Pour notre part, malgré ces quelques imperfections, nous partagions l'avis du rapporteur de faire adopter conformes ces textes dont on soulignera qu'ils ont recueilli l'approbation unanime des sénateurs.

La majorité, qui n'avait d'ailleurs pas soutenu ces textes en première lecture, en a décidé autrement. Elle a largement amendé le texte en commission et cela peut paraître regrettable car l'on peut y deviner comme une volonté de repousser le vote de ces lois. Néanmoins, je m'en tiendrai à l'explication du président de la commission des lois qui évoquait tout à l'heure la complexité du mécanisme.

En dépit de cette réserve, nous voterons bien évidemment ces textes, avec les modifications qui y seront apportées dans le cadre de nos débats de ce matin, textes qui ont le mérite d'offrir à nos concitoyens la possibilité de se saisir de toute question d'intérêt public, avec en point de mire, la possibilité de déboucher sur un référendum. Ils enrichiront l'exercice de la citoyenneté et la pratique démocratique française d'un nouvel instrument.

Nous les voterons également, dans un esprit de cohérence, comme nous avions soutenu la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, laquelle malgré l'étroitesse de la majorité alors constatée à Versailles, malgré les critiques avancées par l'opposition de l'époque, a réellement renforcé les pouvoirs du Parlement et fait avancer notre démocratie, à l'image de ce progrès exceptionnel qu'est la question prioritaire de constitutionnalité ou de celui que constitue la présidence des commissions des finances de nos assemblées, même si, avec le recul, certain choix de l'opposition d'alors n'apparaît pas des plus pertinents.

En votant ces lois, nous achevons une étape essentielle de l'évolution de nos institutions entamée en 2008. Le temps viendra d'en franchir de nouvelles qui devront aller vers un encore meilleur équilibre des pouvoirs.

C'est dans cet esprit et dans cette volonté que le groupe UDI votera ce texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

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