Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 9h30
Application de l'article 11 de la constitution — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la modification de l'article 11 de la Constitution, introduite par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, a créé une nouvelle voie d'initiative législative, qui suppose de réunir les signatures d'un cinquième des membres du Parlement et d'un dixième des électrices et électeurs français.

Cette disposition est loin de répondre à l'exigence de démocratie participative et citoyenne portée par les promoteurs d'un véritable droit de référendum d'initiative populaire dont nous sommes. Encadré afin d'éviter les dérives populistes, il permettrait une juste et active participation des citoyens au processus législatif. Or, l'objet de l'article 11 de la Constitution porte essentiellement sur l'inscription à l'ordre du jour du Parlement d'une proposition de loi et n'implique l'organisation d'un référendum que dans l'hypothèse où les assemblées n'auraient pas examiné la proposition considérée dans un délai fixé par la loi organique.

Elle ne constitue pas un droit réel d'initiative citoyenne de la production législative puisque, à la différence d'autres pays de l'Union européenne, l'appel citoyen se doit d'être accompagné du soutien d'un nombre sensiblement élevé de parlementaires – un cinquième des membres du Parlement, soit 185 députés et sénateurs –, ce qui en réduit considérablement le champ d'application. Le peuple est finalement appelé à soutenir une initiative parlementaire. Il n'a donc, à proprement parler, pas l'initiative de la loi.

Par ailleurs, les seuils fixés par l'article 11 pour la mise en oeuvre du droit d'initiative partagée – un dixième des électeurs inscrits, un cinquième des membres du Parlement – paraissent très élevés comparés au seuil d'un million de citoyens retenu dans le Traité de Lisbonne pour l'initiative citoyenne européenne. À l'étranger, les seuils fixés pour les référendums d'initiative populaire sont également beaucoup plus faibles pour un champ beaucoup plus large : 500 000 électeurs en Italie, 50 000 en Suisse, environ 400 000 en Californie.

Au regard de ces exemples et des aspirations de nombreux acteurs politiques, le dispositif prévu à l'article 11 de notre Constitution demeure en réalité partiel et fort timide.

Fruit d'un compromis, cet article n'est-il qu'un leurre ? On peut légitimement se poser la question puisque, ce n'est que près de quatre ans après la réforme constitutionnelle de 2008 que la loi organique qui est censée lui permettre d'être appliquée a été votée. Les tenants de la démocratie directe d'aujourd'hui étaient dans une position tout à fait contraire il y a encore quelques mois encore.

La loi était enlisée : elle était restée bloquée dans le dédale de la procédure législative. Le précédent gouvernement cherchait-il tout simplement à rendre impossible toute initiative citoyenne d'ici à la fin du dernier quinquennat ? Toujours est-il que subitement, la droite a jugé l'adoption du texte comme prioritaire et l'a inscrit en conséquence à l'ordre du jour de la niche qui lui est réservée au Sénat puis à l'Assemblée nationale. Toute coïncidence avec l'examen d'un projet de loi récemment débattu et adopté par notre assemblée est évidemment purement fortuite. En effet, les questions de société n'entrent pas dans le champ d'application de cette procédure.

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