Intervention de Daniel Verwaerde

Réunion du 27 mars 2013 à 11h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Daniel Verwaerde, directeur des applications militaires au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, CEA :

La lutte contre la prolifération est un programme qui a été confié à la DAM à partir de 1996. Le TNP et le TICE ont fait prendre conscience de la nécessité d'assurer une veille permanente pour limiter au maximum la prolifération.

Vous avez raison à propos de l'Iran. Nous avons là des gens habiles, qui ont l'art de développer des technologies en particulier utiles pour une arme nucléaire en sachant, à chaque fois, leur donner un aspect dual : ces technologies peuvent être utiles pour des armes, mais aussi pour un besoin civil. Le principal reproche qui peut être fait à l'Iran est d'avoir développé ces technologies et ces composants de manière clandestine. Le pays n'a donc pas respecté ses engagements vis-à-vis du TNP. C'est d'autant plus inquiétant qu'il a atteint un deuxième niveau de capacité d'enrichissement d'uranium : celui-ci est désormais de l'ordre de 20 %, ce qui reste une limite admissible pour des applications civiles, à condition de l'avoir déclaré a priori et de le réaliser sous contrôle de l'AIEA.

J'en viens à la Corée du Nord. À ce sujet, je tiens à dire que les moyens que vous nous avez alloués jusqu'à présent nous permettent de faire notre travail. Nous avons ainsi pu détecter le dernier essai nucléaire quasiment en temps réel, puisque nous avons mis huit minutes – soit le temps que les ondes se propagent dans les croûtes terrestres jusqu'aux plus proches stations du réseau de détection. Nous avons ensuite pu diagnostiquer – dans les trois ou quatre heures – qu'il s'agissait bien d'une explosion et donner un ordre de grandeur de son intensité. Dans la mesure où celle-ci dépassait un nombre de kilotonnes non réalisable avec de l'explosif conventionnel, il était certain qu'il s'agissait d'une explosion nucléaire. La question pouvait encore être posée pour les essais précédents, où l'intensité de l'explosion était accessible, puisque au moins un pays a réalisé dans le passé des essais d'une intensité très significative avec de l'explosif chimique.

Comment collaborons-nous avec les autres grandes puissances (en matière de lutte contre la prolifération) ? Notre premier soin est de rendre compte de notre expertise technique – à savoir des différents éléments que je viens d'évoquer – aux organismes français qui en ont la charge – le gouvernement et, en particulier le Secrétariat général de la défense et la sécurité nationale (SGDSN). Il existe une analyse ou une synthèse française de l'état de sécurité, à laquelle le CEA contribue. Nous apportons en outre – chaque fois que le Gouvernement nous le demande – une contribution aux travaux de l'AIEA. À ce titre, je ne vous ai pas encore parlé du laboratoire d'ultra-traces de Bruyères-le-Châtel, qui nous permet d'analyser la plus petite trace d'une activité. Quelle que soit l'activité nucléaire à laquelle on se livre, le confinement parfait n'existe pas : il en reste toujours des traces dans l'environnement, sans aucun risque pour la santé bien sûr, par exemple dans les mousses. La DAM a donc les moyens d'analyser et de traquer une particule de matériau « militaire » parmi 1 000 milliards de particules. Là encore, je vous invite à venir visiter ce laboratoire !

Lorsqu'un événement se produit, nous pouvons échanger avec nos collègues britanniques ou américains et, plus généralement, d'autres pays. Je dirais néanmoins que ce n'est pas la majeure partie de notre activité. La première priorité en pareil cas est en effet d'informer le Gouvernement et non d'appeler l'étranger ; ce qui n'interdit pas des contacts au bout d'un certain temps. Il s'agit alors davantage d'échanges scientifiques, de comparaison de nos méthodes de diagnostic sur un plan scientifique que de confrontation de nos résultats – qui restent une affaire nationale. Nous entretenons des échanges scientifiques afin de perfectionner nos méthodes, esssentiellement dans le cadre de forums internationaux.

Nous avons également une capacité à mettre en oeuvre des moyens de prélèvement du même type que ceux employés par AirParif pour analyser l'air. Nous avons notamment pu utiliser une technologie analogue mais adaptée suite au dernier essai réalisé par la Corée du Nord.

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