Intervention de Laurent Grandguillaume

Séance en hémicycle du 13 mai 2013 à 16h00
Déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Grandguillaume :

Après l'amnésie profonde dont vous avez été victimes, je vous invite à nous écouter un peu plus attentivement. Après la gesticulation, place à l'action !

Le pouvoir d'achat a reculé de 0,4 % en moyenne l'an dernier. Depuis le début de la crise de 2008, le pouvoir d'achat des Français a reculé à trois reprises. Selon l'INSEE, depuis l'éclatement de la crise, la consommation n'a progressé en moyenne que de 0,2 % par an, soit dix fois moins vite qu'entre 2000 et 2007. En conséquence directe de cette baisse, les Français sont prêts à modifier leurs habitudes de consommation pour tenter de faire plus d'économies. Mais, comme l'a dit M. le ministre, ils doivent faire face aux dépenses contraintes que sont le logement, le transport, l'alimentation ou l'énergie – c'est l'une des variables sur lesquelles nous agissons pour améliorer le pouvoir d'achat des Français, notamment avec la loi sur le logement, ou la loi à venir sur la consommation.

Face à la situation exceptionnelle que nous vivons, le Président de la République a annoncé, le 28 mars dernier, un déblocage immédiat de la participation salariale, sans pénalité fiscale. La proposition de loi du groupe SRC vise donc à mettre en place dans les plus brefs délais cette annonce, afin de soutenir la consommation et le pouvoir d'achat des salariés. En effet, l'épargne salariale, qui bénéficie à plus de dix millions de Français, constitue bien souvent la seule épargne des salariés à faibles revenus. Il faut aussi souligner que 40 % de ces épargnants ont moins de 40 ans. L'épargne salariale est donc une épargne qui concerne davantage les jeunes salariés, ainsi que les PME – plus de 260 000 entreprises offrent un dispositif d'épargne salariale.

En me penchant sur les différents rapports rédigés par nos collègues au sujet de l'épargne salariale – le rapport Moscovici-Pastré, le rapport Sapin ou encore le rapport Balligand-Foucauld –, j'ai pu constater que, quelle que soit la majorité en place, le développement de l'épargne salariale a toujours été poursuivi. Si la vision que nous avons de l'économie est clivante, le choix de débloquer pour un temps la participation et l'intéressement ne l'est pas. J'en veux pour preuve les lois d'août 2004, de juillet 2005 et de février 2008, qui ont permis des déblocages anticipés de l'épargne salariale.

La mesure proposée constitue un choix de relance du pouvoir d'achat et de la consommation au moment où les salariés en ont le plus besoin. Nos collègues de l'opposition devraient donc saluer cette proposition de loi. Toutefois, il faut noter que nous avons su tirer les leçons des erreurs du passé. En 2005, l'INSEE avait souligné que les sommes de la participation débloquées en 2004 avaient alimenté en priorité d'autres supports d'épargne, plus liquides, et que l'effet sur la consommation avait été quasi nul.

Aucun ciblage sur la consommation n'avait été fait par le précédent gouvernement, dont les mesures trop générales avaient produit un effet inverse : les sommes débloquées avaient été réépargnées dans le cadre d'autres supports, tels l'assurance vie.

La proposition de loi de notre groupe, ainsi que les amendements déposés par les députés, en particulier par le rapporteur, visent à allier la simplicité et l'efficacité du déblocage, afin de favoriser la consommation et non de modifier la structure de l'épargne.

Si cette proposition de loi répond à l'urgence de la relance du pouvoir d'achat des salariés, je ne peux conclure sans évoquer l'avenir, à commencer par l'épargne salariale, qu'il nous faut développer afin que les TPE puissent également bénéficier de ce dispositif.

Il nous faudra rendre l'épargne salariale plus lisible et peut-être réviser la formule de calcul de la participation, afin d'inciter les entreprises à mieux partager les fruits de leurs performances avec les salariés.

Il est de notre devoir, en notre qualité de députés de gauche, de penser à l'avenir, en développant les incitations en faveur des jeunes salariés et des plus modestes – qui ont encore un taux d'épargne très faible – et en accélérant la progression de l'investissement socialement responsable.

Il s'agit en effet d'un outil du dialogue social : c'est d'ailleurs tout le sens des négociations qui vont être lancées par Michel Sapin.

Enfin, pour élargir mon propos aux perspectives qui nous attendent, je ne crois pas que nous pourrons faire l'économie d'une réflexion plus large sur la propriété des moyens de production, au-delà du débat sur le partage de la valeur ajoutée et des salaires.

En effet, un nombre croissant d'entreprises font appel aux dispositifs de distribution d'actions gratuites afin de partager le capital avec leurs salariés. Ces mécanismes, qui constituent parfois un bouclier contre les OPA, sont toutefois limités et complexes.

Or, le vieux capitalisme financier avance à l'aide de la béquille de la dette des États. Il nous faut le dépasser par un système qui concilie libertés, compétitivité et coopérations, mais aussi partage et solidarité.

En effet, le capitalisme financier oppose aujourd'hui travail et capital et se traduit par le fait que beaucoup de Français s'appauvrissent en travaillant, pendant que d'autres, qui ne soutiennent pas le capital productif mais la rente pour la rente, s'enrichissent en dormant.

Tandis que, d'un côté, des entrepreneurs prennent des risques, cherchent des investisseurs, produisent, créent de l'emploi, d'un autre côté, des prédateurs – nous en avons des exemples très régulièrement – délocalisent, licencient et recherchent le moins-disant. La grande différence entre les deux tient au partage du capital. Il faut associer les salariés, non seulement à la création de la valeur ajoutée, mais aussi à son partage. Il s'agit là de réflexions que nous devrons mener dans les mois à venir, car il faut inciter et développer ce type de dispositifs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion