Intervention de Marie-Anne Chapdelaine

Séance en hémicycle du 15 mai 2013 à 15h00
Adaptation dans le domaine de la justice au droit de l'union européenne et aux engagements internationaux de la france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Anne Chapdelaine :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, on parle trop souvent de l'impuissance supposée de l'Union européenne à construire un espace protecteur pour ses concitoyens pour ne pas se féliciter, aujourd'hui, de franchir un pas nouveau dans l'harmonisation de nos législations.

Le texte qu'il nous est proposé de voter est une illustration de ce que l'Europe peut et doit continuer à construire : un droit commun, une protection et une sécurité juridiques pour ses citoyens, une capacité collective de combattre ceux qui exploitent le faible, qu'ils soient « fournisseurs » ou « consommateurs ».

Certaines des adaptations présentées dans ce projet de loi retiennent particulièrement mon attention : en l'occurrence celle relative à la pédopornographie, elle-même intimement lié aux questions de la cybercriminalité. Nul ne peut oublier, en effet, que la traite et les réseaux des esclavagistes modernes ignorent les frontières des États. Nul ne peut oublier non plus que les frontières numériques n'existent pas. Ainsi, sans « communauté juridique » ni coopération renforcée, les États membres de l'Union européenne se condamnaient sur ces sujets à une relative impuissance. Jusqu'à ce jour, plusieurs entraves empêchaient, en effet, au niveau européen, d'enquêter sur la cybercriminalité pédopornographique et de poursuivre ses auteurs de manière efficace. Il s'agissait, notamment, des limites de juridiction et de l'absence de coopération régulière avec les parties prenantes chargées de la cybercriminalité. Rappelons que nous parlons, ici, d'un marché estimé à 2 milliards d'euros dans le monde sur les réseaux de prostitution enfantine. Notons également qu'en décembre 2005 plus de 400 000 sites pédocriminels avaient été recensés. Rien qu'en France, en 2003, on estimait à 8 000 enfants le nombre de mineurs qui se prostituaient. Enfin, selon l'Unicef, ce sont, chaque jour, 3 000 enfants dans le monde qui sont victimes de l'esclavagisme sexuel et du travail forcé. Ces exemples illustrent la nécessité de doter l'Union européenne d'un arsenal judiciaire et législatif cohérent pour lutter efficacement contre l'existence et le développement des réseaux de traite d'enfants et de la cybercriminalité pédopornographique.

Quels sont les outils actuellement à notre disposition ? Le premier d'entre eux est notre volonté politique et sa traduction en actes. C'est chose faite et pas uniquement avec ce projet de loi. Depuis 1998, la Gendarmerie nationale a développé des structures spécifiquement dédiées à la traque des utilisateurs de ces réseaux. La brigade de protection des mineurs a ainsi la possibilité de pratiquer la cyber-infiltration depuis 2009. Le prolongement de notre engagement contre ces réseaux, qu'ils soient virtuels ou réels, passe aussi par la construction d'une Europe de la justice, ici et maintenant. Nous renforçons donc nos capacités institutionnelles au niveau national et européen en nous dotant des moyens juridiques qui permettront à la justice d'être sans frontière. Nous devons soutenir les projets liés à ce combat comme le Centre européen de lutte contre la cybercriminalité, inauguré le 11 janvier 2013 ou encore la lutte contre le blanchiment financier des ressources de ces réseaux.

Les conventions auxquelles nous adhérons, celle des Droits de l'enfant comme celles de l'Organisation internationale du travail ou encore celle de Lanzarote d'octobre 2007, nous mènent vers la coopération judiciaire par l'intermédiaire d'Eurojust et par le soutien aux initiatives traduisant en actes une volonté commune de défense des intérêts supérieurs de l'enfant. Aucun enfant ne doit être une victime. Aucun de ses bourreaux, qu'il soit trafiquant, client ou « maître chiourme » ne doit penser qu'il peut agir en toute impunité. Quelques jours après avoir commémoré l'abolition de l'esclavage – et je salue la loi Taubira, donc je vous remercie, madame Taubira, de nous avoir permis à tous de pouvoir le faire – notre vote sur ces adaptations est symbolique. Il montre aux marchands de chair et à leurs clients, à celui qui tient le fouet et celui qui enferme, que nous construisons la Maison européenne. Nous la concevons et nous la bâtissons en l'élevant sur des fondations solides : justice, protection, humanisme et coopération. C'est donc avec enthousiasme que nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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