Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Séance en hémicycle du 16 mai 2013 à 15h00
Suppression du mot "race" de la législation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

C'est bien ce que je vous reproche ! Tout changement apporté à la loi a une portée symbolique, par la force des choses. Il concerne des réalités qui dépassent de beaucoup le contenu même du texte. Aussi, supprimer le mot « race » dans notre législation est-il une intention louable, compte tenu de la pertinence d'une telle suppression sur le plan de la science et de l'histoire et de sa portée symbolique.

Mais, ainsi que je l'ai dit en commission, l'intention de nos collègues du groupe GDR entraîne deux problèmes. Supprimer ce mot des différents codes ordinaires sans l'évacuer du bloc constitutionnel pose évidemment un problème de droit. On imagine mal que la portée de la suppression du mot dans les lois ordinaires ne soit pas supplantée par le maintien de celui-ci dans le bloc constitutionnel, particulièrement dans le préambule de la constitution de 1946, qu'il sera difficile de modifier.

Par ailleurs, cela pose le problème du remplacement du mot. Notre collègue Alfred Marie-Jeanne se souviendra des échanges que nous avons eus en commission à ce sujet : quel mot faut-il lui substituer pour éviter de laisser des trous dans la toile, si je puis m'exprimer ainsi ? Vous avez mentionné le mot « origine », madame Capdevielle, notre rapporteur avait proposé les mots « ethnie » et « ethnique ». Je ne suis pas certain que ces substitutions soient tout à fait satisfaisantes. En plus d'un problème de droit en principe, nous nous heurtons à une question de sémantique qu'il faudra régler, et ce d'autant plus que ce mot subsistera dans le bloc constitutionnel.

Pour le coup, nous ne sommes pas dans une procédure législative qui permette d'évacuer rapidement ce mot du bloc de constitutionnalité. J'ai bien entendu que nous étions sur le chemin, au tout début sans doute, de la réalisation d'une promesse du chef de l'État – ne perdons pas espoir, il est trop tard pour cela ! –, mais il faudra d'autres procédures, d'autres modifications, et à l'évidence une modification de la Constitution, pour que le présent texte puisse trouver un point d'appui solide.

Pour ces raisons, il me paraît difficile de soutenir pleinement la pertinence de ce texte.

Enfin, combattre ce phénomène qu'est le racisme en supprimant simplement le mot des codes relève de simples bonnes intentions. Je ne veux pas faire à quiconque l'injure de considérer qu'il s'agirait d'une forme de « pensée magique », revenant à estimer que changer le nom de la réalité suffit à changer la réalité.

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