Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du 22 mai 2013 à 15h00
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

En refusant de poursuivre la dynamique que nous avions enclenchée, non seulement vous allez porter un coup d'arrêt à notre enseignement supérieur, mais vous allez revenir plusieurs décennies en arrière. Afin d'illustrer mon propos, je veux insister sur quatre points – même si les reproches que l'on peut faire à ce texte sont bien plus nombreux.

Premièrement, ce texte n'est évidemment pas à la hauteur des enjeux. Il est en décalage complet avec ce qui se passe dans l'enseignement supérieur partout en Europe et dans le monde. Votre orientation reste hexagonale, madame la ministre, alors qu'il faudrait s'ouvrir sur le monde, comme l'a indiqué Valérie Pécresse. Vous ne faites rien pour mettre en oeuvre les orientations permettant de créer des champions français de la formation et de la recherche, comme le préconise le rapport de la commission Juppé-Rocard. Avec ce texte, vous mettez en péril les initiatives d'excellence – ce qui inquiète beaucoup M. Gallois – développées par le gouvernement précédent.

Deuxièmement, en matière de formation des étudiants, vous prétendez apporter des améliorations en vue d'une meilleure réussite des étudiants. Qu'il nous soit permis d'en douter. Dans votre texte, il n'y a absolument rien qui aille dans ce sens. Où sont les mesures de fond qui le permettraient ? Il faudrait soutenir le développement de filières d'excellence dans les premiers cycles universitaires, ce qui contribuerait à valoriser l'université, à la rendre plus attractive aux yeux des lycéens – mais rien de tout cela n'est fait.

Troisièmement, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités défendue par Mme Pécresse et promulguée en 2007 avait fait de l'insertion professionnelle l'une des missions de l'université. Manifestement, vous êtes très en retrait sur ce sujet. En 1960, il y avait 300 000 jeunes dans l'enseignement supérieur ; comme l'a rappelé le rapporteur Vincent Feltesse, nous avoisinons aujourd'hui les 2,5 millions de jeunes. La question de l'insertion professionnelle est devenue une question essentielle, car elle concerne les jeunes et les familles, mais a également une incidence en termes de compétitivité de nos entreprises.

Quatrièmement, votre dispositif va se traduire par la création d'une gouvernance bicéphale et la dilution du pouvoir. Le conseil d'administration de l'université voit le nombre de ses membres augmenter, mais se trouve désormais démuni d'une partie de ses prérogatives au profit d'un conseil académique pléthorique, à la tête duquel est placé un président qui ne sera pas le président de l'université. Vous désorganisez, et organisez délibérément le face-à-face de deux instances et de deux présidents qui seront très rapidement en conflit, ce qui provoquera des situations de blocage. C'est, là encore, un vaste retour en arrière.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire hier, même la loi Savary de 1984 avait su éviter de telles dérives. Avec votre projet, vous allez tuer la véritable autonomie, comme l'a démontré Mme Pécresse lors de la présentation de la motion de rejet préalable. Vous refusez de reconnaître que vos prédécesseurs ont mené une action positive et engagé un processus de modernisation sans précédent, ce qu'aucun autre gouvernement n'avait su faire au cours des décennies précédentes. En quelques années, nos universités françaises étaient redevenues plus attractives pour nos étudiants, nos entreprises et les universités étrangères avec lesquelles elles développent des coopérations.

En vous inscrivant en rupture avec ces avancées, au lieu de fonder l'acte II de la LRU, vous prenez une lourde responsabilité, celle de faire prendre du retard à nos universités. C'est dommage pour nos étudiants, pour la communauté universitaire et pour le pays tout entier. C'est pourquoi le groupe UMP soutient, de toutes ses forces, cette motion de rejet préalable qui relève du salut public.

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