Intervention de Thierry Braillard

Séance en hémicycle du 22 mai 2013 à 15h00
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Braillard :

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche répond à une véritable attente en affichant un objectif, la réussite des étudiants. Ce texte intervient à un moment où la situation de l'université est préoccupante et où, devant le défi de la compétitivité, le rôle et le poids de la recherche sont questionnés.

Nous constatons avec satisfaction qu'il s'agit du premier texte de loi qui rend indissociables l'enseignement supérieur et la recherche. Cette volonté est audacieuse ; elle devrait pourtant relever de l'évidence. Donner à la jeunesse un niveau de formation élevé, c'est fournir à la France le moteur dont elle a besoin pour devenir compétitive sur la scène internationale.

Cette impulsion est nécessaire pour notre pays. L'état actuel de nos universités et de notre recherche n'est pas satisfaisant et nous pouvons déplorer que les universités françaises soient si mal positionnées dans les classements européen et mondial.

Le fait que le Gouvernement propose, dès l'article 2, que nos universités offrent des enseignements en langue étrangère ne peut être qu'applaudi, tant il est nécessaire de rattraper notre retard. J'entends les critiques et les craintes, qui émanent parfois de personnalités éminentes, mais je reste intimement persuadé qu'elles demeureront infondées.

Cette volonté ne fait que rétablir et inscrire dans la loi des pratiques courantes et déjà bien installées. J'entendais ce matin un membre du collège de France reconnaître l'existence de telles pratiques, mais se demander comment les députés pourraient les régulariser. Mes chers collègues, n'est-ce pas notre rôle, face à une désobéissance civile, de régulariser la situation et de faire d'une réalité une évidence ?

Des études récentes ont montré qu'un quart des universitaires français donnent des cours en langues étrangères et que, dans les laboratoires de recherche, huit chercheurs sur dix jugent que l'anglais est devenu l'usage dans leurs travaux. Loin de rester cantonnée à l'apprentissage de l'anglais, cette démarche sera aussi utile pour favoriser une coopération transfrontalière avec l'Allemagne ou l'Italie, par exemple.

L'article 2 permet en outre de réduire les écarts entre les universités et les grandes écoles, où des enseignements sont largement dispensés en langue étrangère, alors même que des étudiants de même niveau à l'université ne disposent d'aucun enseignement comparable.

L'État a le devoir de ne pas laisser se creuser le fossé entre l'enseignement supérieur public et l'enseignement supérieur privé. Donner un nouveau souffle à l'université et permettre aux étudiants qui en sortent d'accéder à des emplois de qualité, ce n'est pas, que je sache, mettre à mal la culture française !

Par ailleurs, cette avancée permettra d'attirer des étudiants étrangers, qui suivront également des cours dispensés en français, et qui participeront au repositionnement et à l'attractivité de nos universités sur la scène internationale.

Enfin, il faut faire confiance à la force de notre culture et à notre langue, qui est toujours reconnue mondialement, voire jalousée.

Pour que l'université et la recherche retrouvent une place de premier rang, des efforts doivent être faits afin de lutter contre l'échec des étudiants. Les chiffres sont là : seulement 43 % des 25-34 ans atteignent le niveau Licence. En outre, trop d'échecs sont encore à déplorer à l'issue de la première année universitaire.

Ce texte de loi comporte trois avancées. Tout d'abord, il favorise la continuité des enseignements entre le lycée et l'enseignement supérieur. Cela va dans le bon sens. Par ailleurs, l'article 18 permet aux bacheliers des filières professionnelles et technologiques une meilleure insertion dans les instituts universitaires de technologie, en leur accordant notamment un pourcentage minimal d'accès prioritaire. Enfin, l'article 22 du projet de loi prévoit que les étudiants de première année en études de santé pourront se réorienter dès huit semaines après le début celle-ci, sans perdre pour autant leur année en cours.

Améliorer l'orientation et la réorientation des étudiants passe aussi par une meilleure lisibilité des diplômes. Les étudiants et les employeurs se perdent actuellement dans le dédale des intitulés de licence et de master : vous avez donné le chiffre en commission, madame la ministre, il n'en existe pas moins de 8 000 ! Il en va de la compétitivité de notre pays ainsi que d'une meilleure insertion professionnelle des étudiants et des chercheurs. Sur ce point, le groupe RRDP a déposé des amendements, dont certains ont déjà été adoptés en commission.

Nous avons également déposé un amendement à l'article 15, qui vise à favoriser la réussite des étudiants et leur insertion professionnelle, en faisant en sorte que l'organisation des stages fasse partie intégrante de la politique des organismes universitaires. Nous espérons que nos arguments seront entendus.

Le groupe RRDP souhaite par ailleurs que le Gouvernement réfléchisse au statut des enseignants chercheurs et doctorants. Nous proposons, par deux amendements à l'article 47, de favoriser l'insertion des titulaires d'un doctorat dans les postes de cadres de la fonction publique. De plus, la reconnaissance des doctorants ne passe-t-elle pas par la possibilité de porter et de montrer son titre ? C'est bien avec eux que naissent les découvertes, les nouveaux savoirs, et que vit la recherche. Je sais, depuis la réunion de notre commission de ce matin, que M. le rapporteur a émis un avis favorable à cette proposition. Je l'en remercie et j'espère que notre assemblée le suivra.

Malgré toutes les avancées positives de ce projet de loi, permettez-moi, madame la ministre, une petite impertinence. Il ne faut pas être plus jacobin que girondin ! L'État, par ce projet de loi, tente quand même de reprendre l'initiative de l'enseignement supérieur et de la recherche au détriment des régions, principalement, et des autres collectivités. Cela ne permet pas une réelle décentralisation, chère aux radicaux de gauche, alors même que le présent projet de loi réaffirme l'intention d'une autonomie des universités et que les nouvelles orientations en matière de gouvernance permettent une plus grande collégialité des décisions.

Néanmoins, réunir sous un même projet les préoccupations du milieu universitaire et celles de la recherche est un geste particulièrement fort, que le groupe RRDP soutiendra avec conviction et enthousiasme.

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