Intervention de Sandrine Doucet

Séance en hémicycle du 22 mai 2013 à 15h00
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Doucet :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous donnons forme aujourd'hui, avec ce projet de loi, aux engagements que nous avons pris envers la jeunesse, l'enseignement supérieur et la recherche.

Ce que nous devons à la jeunesse étudiante, ce sont des études cohérentes, une spécialisation progressive et la garantie de réussir, dans un environnement qui sera forcément européen, si ce n'est mondial.

Ce que nous devons à l'enseignement supérieur et à la recherche, c'est une meilleure lisibilité du système à l'intérieur et une meilleure visibilité à l'extérieur, une organisation moins complexe, fondée sur le retour d'un État stratège et permettant d'accueillir mieux et plus les étudiants et les chercheurs étrangers.

L'article 2, véritable porte d'entrée de cette loi, porte le projet de ce rayonnement mais aussi notre retour dans le partage mondial de la connaissance. La France doit s'affirmer comme une puissance universitaire et scientifique, et adapter ses lois à nos besoins.

Mais l'ambition de cette loi est avant tout de démocratiser l'enseignement supérieur. Notre priorité, c'est la réussite des étudiants, notamment grâce à une meilleure articulation entre le secondaire et le supérieur. Pour les lycéens, cliquer sur le site APB ne doit plus être anxiogène, et ce moment doit devenir une étape charnière pour le lycéen voué à disparaître derrière l'étudiant : c'est le principe -3+3.

Pour que cette réussite soit effective, il faut que trop d'étudiants cessent de s'égarer à l'université. Chaque année soixante-quinze mille étudiants quittent le supérieur sans diplôme. Réussir sa professionnalisation, c'est d'abord afficher des connaissances, des compétences reconnues par des diplômes nationaux. Cela ne peut se faire sans un équilibre judicieux entre la connaissance des filières, le droit au choix, mais aussi le droit à l'erreur.

C'est ce que permettent, entre autres, les passerelles qui seront instaurées entre les classes supérieures des lycées et les universités, par des conventions établies et portées à la connaissance des étudiants dès leur inscription, afin d'assurer un pilotage des études au plus près de leurs intérêts.

Ce souci s'inscrit dans un horizon européen, qui a fixé, dans le cadre du projet « Horizon 2020 » le nombre de diplômés à bac + 3 à 50 % d'une classe d'âge. Notre pays a du retard en la matière, avec 37 % de jeunes accédant à un diplôme bac + 3. Pire, il a reculé ces dernières années malgré les 730 millions d'euros dépensés dans le plan pour la réussite en licence, consacrant l'échec de la politique menée sous l'ancienne majorité qui s'est contentée de gérer les flux alors que nous avons l'ambition de construire des parcours, des passerelles, de la pluridisciplinarité, afin que chacun puisse trouver ce qui le conduira au diplôme, à l'efficience de sa formation, à la professionnalisation.

Par cette loi, une fois de plus, nous parlerons au pays de justice sociale.

Parmi les plus modestes de nos étudiants se comptent ceux qui sont issus des filières professionnelles et technologiques. Nous devons les aider à réussir par un accueil prioritaire dans les STS et les IUT, par cohérence avec leur orientation. Ces formations en deux ans peuvent et doivent favoriser l'insertion professionnelle ou servir de tremplin pour une poursuite des études.

La confiance que nous avons dans la qualité des IUT et des STS qui allient performance et souci de la promotion sociale de nos jeunes est à la hauteur de ce défi.

Mais la portée de ce projet dépasse l'objectif des 50 % d'une classe d'âge diplômés car nous donnons une véritable reconnaissance au doctorat, notamment par l'accès aux concours de la fonction publique, que l'on espère le plus large possible.

C'est un projet opérant, qui répond au recul de notre ascenseur social. Pouvions-nous en effet rester encore longtemps sans mener une politique constructive, voire offensive, dans un pays où un quart de nos citoyens disposent de revenus modestes et dont les enfants ne représentent que 9 % des inscrits en master ? Dans un pays où jamais les parents n'ont dépensé autant d'argent pour les études de leurs enfants, mais où seulement 30 % des inscrits obtiennent une licence universitaire en trois ans et où le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans atteint les 23 % ?

Cette marche vers l'emploi, nous l'affichons avec l'objectif de doubler les formations en alternance dans un lien assumé avec le monde de l'entreprise.

Faire du premier cycle un temps de l'élaboration du projet personnel durant la première année de licence pluridisciplinaire, consacrer le doctorat, développer l'alternance, c'est ouvrir tous les champs des possibles pour l'avenir de nos futurs bacheliers et des étudiants.

Alors qu'au Sénat se discute la loi sur la refondation de l'école qui privilégie la place de l'élève au coeur du système, nous remettons, dans une totale cohérence politique, l'étudiant au coeur de la mission réaffirmée de service public de l'enseignement supérieur. Cette loi est donc une véritable inflexion par rapport à la loi LRU.

Toutes ces mesures ne peuvent cependant se déployer sans une université qui doit retrouver une véritable ambition, une cohérence territoriale et une gestion démocratisée.

Ce projet donne toute leur place aux acteurs locaux, dont au premier chef les régions, à travers notamment la création des communautés d'universités et l'institution de coopérations fédérant tous les acteurs de l'enseignement supérieur.

Avec ce texte, nous passons de la simple gouvernance à la gestion et à la construction d'un système démocratique pour la réussite de tous. En effet, la création d'un conseil académique doté de compétences propres en matière de recherche permettra de démocratiser la gouvernance de l'université et de recentrer le rôle du conseil d'administration sur le pilotage stratégique.

Ici même, la justice sociale est présente en prévoyant l'inscription de la parité dans les instances de gouvernance des universités.

Le dialogue de gestion est la pratique consacrée entre toutes les composantes des communautés d'universités. Elle peut prendre la forme d'un contrat d'objectifs et de moyens, ce qui permet notamment aux IUT, aux écoles supérieures du professorat et de l'éducation, de trouver une pleine place pour développer leurs missions.

Nous privilégions la convergence quand la loi LRU avait fait le choix de la concurrence.

Même changement dans l'approche de la recherche. Tout comme nous mettons fin à la concurrence entre les universités, nous déplaçons le domaine de la compétition.

Il ne s'agit plus en effet de menacer la recherche fondamentale disciplinaire par la course aux crédits qui a trop accaparé les chercheurs. La recherche sera préservée par des plans pluriannuels et coordonnée par le rétablissement d'un État stratège qui s'appuiera sur un conseil stratégique de la recherche. Tous les domaines visés par l'agenda stratégique sont des défis à relever pour notre environnement, nos emplois, mais aussi notre place dans le monde. C'est à ce niveau que doit se situer la vraie compétition.

Il s'agit aussi, par ce retour de l'État, combiné aux nouvelles modalités de création des communautés d'universités, de mettre fin aux difficultés des universités dites « de proximité » qui jouent un rôle irremplaçable dans le développement du territoire. Leur situation est délicate car elles n'ont pas pu bénéficier des moyens extrabudgétaires attribués dans le cadre des initiatives d'excellence. L'explosion et la complexité des financements sur projets a contribué à accentuer des inégalités au profit de puissantes structures de recherche. Cette confusion, cette course aux projets à l'intérieur de nos frontières, a eu aussi pour effet de faire reculer la place de la France dans les partenariats européens, se privant ainsi de visibilité.

Avec ce texte les socialistes montrent leur ambition d'inscrire notre université, notre recherche, dans un rayonnement international, tout en promouvant la réussite de chaque étudiant dans tous les territoires.

Favoriser l'accueil des étudiants et des personnels de recherche étrangers, c'est affirmer la conscience que notre avenir ne peut être que partagé avec nos voisins européens, mais c'est aussi montrer notre intérêt pour les coopérations avec les puissances émergentes. Notre souveraineté scientifique et linguistique ne pourra rayonner que si elle est partagée. C'est l'inverse du repli sur soi.

Madame la ministre, par ce projet de loi, vous mettez entre les mains des générations futures les clés de leur émancipation, de leur emploi. C'est l'un des engagements du Président de la République et comme pour les autres, nous nous y tenons. Tel est notre devoir de socialistes et de membres de la majorité, mais quand nous donnons aux autres étudiants du monde l'occasion de venir le partager, nous visons l'universalité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion