Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du 23 mai 2013 à 9h30
Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Madame la ministre, mes chers collègues, je dois vous faire une confidence : il m'arrive de donner quelques cours en langue étrangère. Je ne suis pas le seul. Selon l'Institut national des études démographiques, 25 % de nos universitaires donnent des cours en langue étrangère – surtout en anglais, mais pas seulement.

Je dispense encore quelques cours en français dans les amphithéâtres de la faculté de médecine de Grenoble, et c'est normal. Dans le secret des stages en revanche et lorsque j'accueille dans mon service hospitalier des étudiants suédois, allemands ou argentins, il m'arrive de communiquer avec eux en espagnol ou en anglais, et de leur faire rédiger en anglais des observations pédagogiques ou des études de cas, qu'ils présentent ensuite à l'oral. Suis-je en marge de la loi ? Mets-je en danger la francophonie ? Je n'en suis pas sûr.

Je m'inspire en cela de mon expérience comme étudiant. J'ai bénéficié en effet, à la fin des années quatre-vingt-dix, d'un programme d'échange avec la Catalogne, qui n'est pas le dernier pays à défendre sa langue. Lorsque je suis arrivé dans les amphithéâtres de Reus, au sud de Barcelone, ne parlant pas un mot de catalan mais avec quelques notions de castillan et d'anglais, j'ai demandé, avec les autres étudiants français, à ce que les cours se fassent en castillan ou en anglais, histoire de nous laisser le temps de nous habituer à la langue et de comprendre ce dont on parlait, ce qui n'a posé aucun problème aux enseignants. J'ai également suivi un master à Sciences-Po à la fin de mes études de médecine, dans lequel certains cours étaient dispensés en anglais, parce que des intervenants ou des étudiants étrangers y participaient.

Il ne s'agit pas ici de faire de la « real-linguistique », mais nous devons tenir compte des progrès de la mondialisation et de la multiplication des revues à fort impact qui ont fait considérablement évoluer l'enseignement. Je répète qu'un quart de nos universitaires admettent donner des cours en langue étrangère.

C'est une chance, car tout doit être fait pour attirer les étudiants étrangers… et les garder. Jean-Yves Le Déaut a parlé tout à l'heure de la suppression de la circulaire Guéant ; il fallait évidemment la supprimer ! L'ouverture aux langues étrangères participe de la même logique, et l'article 2 n'entend pas généraliser leur usage mais entériner dans l'université un usage déjà légal dans les grandes écoles.

En conclusion, la francophonie ne se résume évidemment pas à l'enseignement en français. Je citerai à cet égard le canadien Gilles Vigneault, grand défenseur de la langue française, pour qui la francophonie, « c'est le pays de l'intérieur. C'est le pays invisible, spirituel, mental, moral, qui est en chacun de vous. »

Ce pays, mes chers collègues, nous devons le faire découvrir au plus grand nombre. Nous devons le faire partager. Les étudiants étrangers sont et seront nos meilleurs ambassadeurs. Il faut nous donner les moyens de les accueillir dans les meilleures conditions.

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