Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Séance en hémicycle du 28 mai 2013 à 15h00
Réforme du conseil supérieur de la magistrature — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

En effet.

Ce fut un chemin laborieux que celui de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature : sans nul doute un peu trop escarpé pour que son usage en soit aisé et rapide, mais chaque étape, au cours de ces vingt dernières années, a constitué un progrès, certes insuffisant, parfois un peu contradictoire, mais tout de même un progrès, une sorte de lente accession à ce que nous recherchons tous.

Qu'attendent nos concitoyens de la justice et de ceux qui en sont les premiers acteurs, les magistrats ? Nous connaissons la réponse : nos concitoyens veulent être jugés sur le seul fondement de l'application de la loi, du droit, et en l'absence de toute contrainte.

Ils considèrent que ce principe n'est pas respecté et que tous les progrès qui ont pu être faits n'entament pas les soupçons qu'ils ont à l'égard de la justice. La justice est trop dépendante du politique. Il y a quelques instants, Marc Dolez rappelait l'appréciation portée par nos concitoyens sur la justice.

L'article 6 de la Convention européenne rappelle l'exigence de garantir le droit fondamental pour chaque citoyen de voir son cas jugé équitablement sur le seul fondement de cette application du droit. Cette exigence fonde le principe selon lequel les magistrats doivent être indépendants, ce qui ne constitue pas « une prérogative ou un privilège accordé dans leur intérêt personnel, mais bien dans celui de l'État de droit, l'exigence de toute personne attendant et demandant une justice impartiale ». Je cite le Comité des ministres du 17 novembre 2010, que vous avez également évoqué, madame la garde des sceaux. La recommandation soulignait que cette indépendance devait être appréciée comme une garantie des libertés individuelles et de la liberté d'appliquer la loi.

Cette appréciation s'est traduite par la volonté de François Hollande, alors candidat à l'élection présidentielle, lorsqu'en février 2012, évoquant les grandes réformes qu'il entendait conduire, s'agissant de la justice, il invoquait cette exigence d'indépendance, non comme une concession aux magistrats, mais « comme une garantie pour le justiciable pour qu'il ait la certitude que le juge ne se détermine qu'en fonction de la loi ».

Le texte qui nous est proposé traduit cet éminent impératif démocratique, mais, je le crois très sincèrement, prolonge, comme l'a dit notre rapporteur, ce qui a été fait en 2008 en construisant une nouvelle étape.

La réforme du Conseil supérieur de la magistrature et les relations entre le ministère de la justice et le ministère public – que nous évoquerons demain, avec le projet de loi dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur et qui accompagne cette démarche constitutionnelle – sont les deux expressions majeures de la réalité de l'indépendance de la justice.

S'agissant du Conseil supérieur de la magistrature, il nomme les magistrats, assure la promotion de leur carrière et exerce le contrôle disciplinaire. On mesure, du fait de cette compétence, combien le CSM est au coeur non seulement de l'institution judiciaire, mais aussi des garanties que l'institution judiciaire doit donner à nos concitoyens.

La présence à sa tête, pendant plus d'un siècle et demi, du Président de la République et du garde des sceaux et l'unicité d'origine des propositions de nomination, qui constituaient le mode antérieur, ne laissent planer aucune hypothèque sur la réalité de cette indépendance, que ne manquera pas d'accentuer le principe de l'article 64 de la Constitution qui confie au Conseil supérieur de la magistrature le soin d'assister le Président de la République dans sa fonction de garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.

On mesure donc que, sous l'apparence d'un projet de loi constitutionnelle technique – « anodin » a-t-on pu entendre tout à l'heure –, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature s'inscrit au contraire au coeur même de notre pacte républicain et de l'équilibre de nos institutions.

La révision constitutionnelle de 2008, en écartant le chef de l'État de la présidence du CSM et en plaçant chacun des plus hauts magistrats du siège et du parquet à la présidence de chacune des deux formations, en conservant au garde des sceaux la possibilité de siéger lors des délibérations du CSM, sauf en matière disciplinaire, a modifié singulièrement la fonctionnalité de ce conseil. L'appel à des candidatures extérieures, la saisine des commissions parlementaires ont été des espaces nouveaux, et il faut nous en féliciter.

Lors du débat constitutionnel de 2008 – nous sommes quelques-uns à y avoir participé –, l'évocation de la parité, les modalités d'organisation du Conseil supérieur de la magistrature et l'imprégnation de la compétence plénière du CSM avaient été évoquées dans des débats et ont été écartées par la réforme. Cet écartement, contesté par ce qui était alors la majorité, n'a pas manqué de faire ressentir la nécessité aujourd'hui d'aller un peu plus loin. L'ensemble de cette assemblée pourrait marquer sa convergence en retenant, dans le cadre du projet de loi constitutionnelle, les propositions de notre rapporteur qui vont, madame la garde des sceaux, modifier le texte, avec le soutien de la majorité.

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