Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 14 mai 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Stéphane le Foll, ministre de l'Agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Les objectifs de notre politique ultramarine s'établissent au regard de deux enjeux majeurs : d'une part les contraintes budgétaires, à l'échelle européenne comme nationale, d'autre part les données et les perspectives économiques et géostratégiques de nos régions d'outre mer, essentielles au rayonnement de notre pays dans le monde.

Les questions agricoles, y compris forestières, propres aux outre-mer feront bien l'objet d'un volet spécifique du projet de loi que vous avez évoqué.

Nous devons d'abord prendre en compte leur diversité, selon quelques objectifs majeurs. Le premier porte sur la consolidation, voire l'accroissement, de la part des agricultures ultramarines sur les marchés locaux. Si la situation semble stabilisée et prometteuse à La Réunion, dans d'autres départements, notamment à la Martinique et à la Guadeloupe, les taux de couverture se dégradent. Il nous faut les redresser, au maximum des potentialités de la production locale, qu'il faut développer par une meilleure organisation, davantage de transformation des produits sur place et une commercialisation plus efficace.

Le deuxième objectif consiste à renforcer les productions qui sont à la fois pourvoyeuses d'emplois et sources d'exportations : la banane, la canne à sucre et le rhum.

Le troisième vise la double performance, économique et écologique, à travers « l'agroécologie ». Ce souci est d'autant plus important que les stigmates d'un passé récent font encore sentir leurs effets, comme dans l'affaire du chlordécone. Il nous faut maintenant veiller à la durabilité de la production agricole, d'autant plus nécessaire qu'elle se situe sur des territoires fragiles, exigus et isolés. On ne peut se permettre ni d'en gaspiller les ressources ni d'en détériorer les sols.

Ces trois orientations stratégiques doivent être suivies ensemble.

J'appelle de mes voeux un plan pour le développement des énergies renouvelables en vue d'une bien plus grande autonomie en la matière, et qui permette notamment de réduire les coûts d'importation, aujourd'hui beaucoup trop élevés. Le développement de la biomasse représente à cet égard un élément fondamental. Des investissements sont déjà prévus en Martinique pour la méthanisation. Il faut aller plus loin et adopter une stratégie résolument offensive, lancée en métropole au titre du plan « énergie-méthanisation-autonomie-azote » (EMAA) pour la production porcine. La France a beaucoup de retard dans ce domaine, particulièrement sur l'Allemagne : notre pays compte 90 méthaniseurs quand on en dénombre près de 7 000 outre-Rhin, qui apportent parfois jusqu'au tiers du revenu d'une exploitation.

Quelles sommes pouvons-nous mobiliser en faveur de l'agriculture des outre mer, à la fois dans le cadre du programme portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques et d'outre mer (POSEIDOM) et dans le cadre du budget national ? Après avoir consolidé les moyens propres à conforter les filières bananière, sucrière et du rhum, qui consomment aujourd'hui environ 75% des fonds de soutien, nous devons dégager des marges financières afin de favoriser la diversification agricole nécessaire à la reconquête des marchés locaux par la production locale, ce qui exige notamment de favoriser les projets de nouvelles exploitations. Il nous faudra donc procéder à certains arbitrages.

La gouvernance et le pilotage de la politique agricole ultramarine doivent également répondre à l'engagement pris par le Président de la République de confier aux régions, qui deviendront ainsi autorités de gestion, le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC). Il faudra pour cela renforcer les partenariats entre l'État et les collectivités territoriales aussi bien dans le cadre du POSEI que du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), en installant des comités régionaux d'orientation stratégique et de développement (CROSD) que pourraient coprésider les exécutifs des collectivités concernées et les représentants de l'État chargés du premier pilier de la PAC. Nous proposerons, le cas échéant, les adaptations législatives nécessaires. Il nous faudra aussi définir les contrats d'objectifs et de performances (COP), en partenariat élargi aux chambres d'agriculture. Nous devrons, enfin, revoir la composition du conseil d'administration de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM) afin qu'il joue pleinement son rôle de concertation en intégrant la représentation des collectivités locales.

Les groupements d'intérêts économiques et environnementaux (GIEE) seront au coeur du débat sur la double performance en faveur de l'agroécologie.

La question du foncier agricole devra être examinée avec un soin particulier, en raison de la problématique de l'urbanisation et des choix à opérer entre installation et agrandissement des exploitations.

Nous devrons donner à l'enseignement agricole de nouvelles perspectives et travailler à sa réorganisation, étant donné les difficultés matérielles rencontrées par certains établissements. Vos réflexions et vos propositions en la matière seront bienvenues.

La forêt ne sera pas oubliée, qu'il s'agisse de la grande forêt guyanaise ou des autres spécificités sylvestres des outre mer.

Tous les axes d'intervention que je viens d'évoquer intègrent naturellement une préoccupation sociale, spécialement en faveur de l'emploi des jeunes, qui souffrent aujourd'hui d'un chômage important.

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