Intervention de François de Mazières

Séance en hémicycle du 5 juin 2013 à 15h00
Recrutement à la tête des grandes institutions culturelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Mazières :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, la proposition de résolution dont nous débattons aujourd'hui nous permet de parler de culture, ce qui n'est malheureusement pas souvent le cas ici. Le sujet que nous abordons est fondamental, car le pouvoir de nomination a toujours façonné l'histoire du ministère de la culture. Toutes ses grandes époques sont associées à un ministre capable d'imprimer une forte identité à sa politique, en particulier par le biais des nominations. Or le pouvoir de nomination compte encore davantage aujourd'hui, car nos grands établissements publics culturels ont pris une certaine forme d'indépendance. Le moment de la nomination est donc encore plus crucial.

Les questions qui ont été soulevées en la matière, celles de la parité et de la constitution de commissions spéciales, appellent de ma part deux remarques.

Tout d'abord, en matière de parité, nous ne doutons pas de votre entière sincérité, madame la ministre, mais un regret nous habite. Il existe sur ce point un décalage entre la parole et les actes, entre le discours et l'action du Gouvernement. Le bon fonctionnement de nos institutions veut en effet que les nominations soient faites par le ministre mais que les propositions soient élaborées par les directeurs généraux, bons connaisseurs de leurs directions et spécialistes de la question, sous l'égide du secrétaire général.

Ainsi, André Malraux est associé aux noms notamment de Landowski ou d'André Holleaux, directeur général du centre national de la cinématographie. Quant à Jack Lang, exemple que vous ne sauriez récuser, son nom est associé à celui de Robert Abirached, qui d'une certaine façon n'était pas voué à devenir directeur du théâtre. Il s'est agi d'un choix très intelligent, car sa bonne connaissance du secteur lui a permis d'identifier des personnes pour le compte du ministre qui furent par la suite de dignes représentants du théâtre français et surtout de la création. Il en fut de même de Maurice Fleuret à la direction de la musique et de Christian Dupavillon, qui après un cursus étonnant a conféré à la direction du patrimoine une identité propre devenue celle du ministre.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Vous avez fait de la parité une priorité, madame la ministre. Telle est, et c'est tout à fait respectable, votre marque ou plutôt l'une de vos marques. Mais lors du recrutement de vos directeurs généraux, vous aviez la possibilité de recruter des femmes. Or trois postes sur quatre sont aujourd'hui occupés par des hommes, dont deux nommés par vous-même. Ce sont des gens de qualité, respectés dans leurs administrations respectives, mais dépourvus de véritable cursus culturel et d'expérience de direction culturelle. Vous auriez pu alors imprimer votre marque, madame la ministre, puisqu'ils étaient appelés à vous conseiller !

Au fond, le vrai enjeu dont nous débattons, c'est la façon dont un ministre de la culture peut assumer une politique culturelle et imprimer fortement sa marque à la tête de ce grand ministère. Afficher la parité comme on le fait actuellement fait courir le risque d'aboutir à l'inverse de ce que nous souhaitons tous : entendre dire qu'une femme est nommée à la direction d'un établissement public culturel parce qu'elle est une femme. Vous savez bien, madame la ministre, que cela sera malheureusement le cas.

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