Intervention de Karine Berger

Séance en hémicycle du 5 juin 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Berger, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, cette deuxième lecture de la loi de régulation et de séparation des activités bancaires nous permet de construire bien plus qu'une loi de régulation. Grâce aux nombreuses mesures ayant permis d'enrichir le texte adoptées par l'Assemblée nationale et le Sénat et à celles qui seront encore proposées cette nuit, notamment par vous, monsieur le ministre, nous pouvons en fait dessiner une nouvelle stratégie de politique économique en matière financière.

Cette stratégie avait d'ailleurs été martelée à cette tribune par tous ceux qui ont compris le message de John Maynard Keynes, et notamment Pierre Mendès France ici même il y a plusieurs dizaines d'années. Le monétaire, c'est-à-dire la finance, doit être subordonné à l'économique, l'économique doit être subordonné au social, et le tout est, en définitive, politique. Comme le soulignait Pierre Mendès France, « croire que l'on peut amender l'économique, le monétaire, sans poser les problèmes qui sont en rapport avec la structure même de la société et les actions et les interactions des classes sociales les unes sur les autres, c'est se tromper lourdement ». Après un siècle de tâtonnements, nous savons que l'autorégulation ne marche presque jamais et que la régulation est la seule façon d'agir.

Le mot « régulation » est dans le titre de ce projet de loi, la régulation qui s'oppose au laisser-faire. C'est la politique qui organise les actions et les interactions sociales, ce sont ces rapports de forces que cette loi et tout l'arsenal de régulation financière désormais en place vont organiser dorénavant.

Cet arsenal va même au-delà de ce projet de loi. Il comprend la taxe sur les transactions financières, une révolution, qui se construit jour après jour à Bruxelles sous l'impulsion de la France, et j'espère, monsieur le ministre, que vous nous confirmerez à l'occasion de ce débat que votre ambition est immense en la matière et que l'assiette de cette taxe englobera tous les instruments financiers dont l'abus a mis en danger il y a seulement cinq ans l'économie mondiale.

Cet arsenal comprend aussi les règles de Bâle III, qui sont transcrites en ce moment même dans les directives européennes CRD 4.

La France a décidé d'aller encore plus loin. Dans l'arsenal, nous plaçons une loi qui réinvente la régulation financière. Cette loi traduit six grands tournants de politique économique pour soumettre la finance à l'économie réelle. Elle comprenait à l'origine vingt-six articles, il y en a désormais soixante-dix en discussion compte tenu des travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Le premier grand tournant, c'est la séparation des activités bancaires pour une lutte contre la spéculation financière.

C'est l'article 1er, qui a été, je crois, injustement méprisé après la première lecture. Il organise bel et bien une séparation stricte, étanche, des activités spéculatives et des activités de crédit. Contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, ce n'est clairement pas une partie minime des activités spéculatives qui seront concernées. C'est désormais au ministre de l'économie et des finances de décider lui-même quel sera le pourcentage des activités séparées. C'est vous, monsieur le ministre, qui trancherez, au sens propre et au sens figuré, si vous souhaitez que 50 % des activités de marché soient séparées de la « vraie banque ».

Le Sénat a confirmé l'équilibre du texte tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. Il a maintenu les amendements que nous avions votés, notamment sur la tenue de marché. Il a d'ailleurs ajouté des éléments sur la question des hedge funds.

Toujours dans la lutte contre la spéculation, des pas de géants ont été accomplis contre le scandale que constitue la spéculation sur les matières premières agricoles. Nous avons continué le travail en commission des finances en adoptant un amendement interdisant aux banques de détenir des stocks physiques de matières premières agricoles.

C'est un ensemble extrêmement complet pour lutter contre la spéculation qui est mis en place.

Deuxième grand tournant, la résolution bancaire et la stabilité macroprudentielle.

Je n'y reviens pas longuement car le Sénat a conservé l'économie du dispositif, ne procédant qu'à des ajustements marginaux, mais ces dispositions sont assez révolutionnaires et nous aideront rapidement dans les cas, j'espère improbables, de faillites bancaires.

Troisième grand tournant, la lutte contre les paradis fiscaux.

Un amendement historique a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture et complété par le Sénat, anticipant les prochaines règles communautaires. Seront rendus publics non seulement le chiffre d'affaires mais également le montant des bénéfices avant impôts, le montant total des impôts dus ainsi que les effectifs.

Mais, monsieur le ministre, nous allons débattre ce soir d'une avancée encore plus grande, en proposant que tous les groupes multinationaux, qui ont parfois la tentation de recourir à l'opacité pour leurs mécanismes d'optimisation fiscale, soient désormais soumis à cette transparence. La prise de conscience de l'importance de ces enjeux est notable et doit être soulignée une nouvelle fois.

Quatrième grand tournant, la limitation des frais financiers pour tous les Français.

C'est une mesure qui révolutionne la vie quotidienne de millions de Français. Le texte semble avoir atteint un équilibre, à l'exception d'un point, le plafonnement des commissions d'intervention.

L'Assemblée avait étendu le bénéfice de ce plafonnement à l'ensemble des clients des banques.

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