Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 5 juin 2013 à 21h30
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires a été fortement enrichi en première lecture par notre assemblée.

Tout comme nombre de députés, les sénateurs ont, pour leur part, plaidé pour un renforcement de la régulation des banques. Plusieurs modifications ont ainsi été adoptées par le Sénat, qu'il convient de souligner.

La répression des abus de marché a été renforcée : pourront ainsi être condamnées, non seulement des personnes convaincues de délits d'initié ou de diffusion de fausses informations, mais également les personnes qui auraient tenté de commettre de tels délits.

Toutefois, les moyens doivent être à la hauteur des intentions, ce qui implique qu'ils soient accrus. On peut raisonnablement penser qu'une augmentation des moyens de contrôle et de répression sera nettement moins coûteuse pour l'économie mondiale que les conséquences de l'affaire Madoff ou la manipulation du LIBOR.

De réelles avancées ont également été introduites par les sénateurs s'agissant de la régulation du marché des matières premières agricoles. Notre assemblée doit maintenir la disposition prévoyant de limiter les positions sur les instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole. Nous devons nous assurer qu'au-delà d'un certain seuil, toute personne détenant de tels instruments financiers devra communiquer ses positions à l'AMF. Ce contrôle doit permettre de distinguer, d'une part, les agriculteurs qui se protègent des risques de retournement de marché – ce qui est tout à fait légitime –, et d'autre part, des opérateurs qui spéculent, mettent en danger des populations et déstabilisent certaines régions du monde.

Au-delà du maintien des avancées obtenues à l'Assemblée et au Sénat, les députés du groupe RRDP souhaitent que plusieurs améliorations soient apportées au projet de loi. Certaines annonces du Président de la République relatives à la lutte contre la grande délinquance économique et financière peuvent et doivent être mises en place dès à présent.

Un dispositif significatif de lutte contre les paradis fiscaux a été introduit par notre assemblée : les banques devront indiquer la liste de leurs implantations dans chaque État et fournir plusieurs types d'informations.

Nous avions demandé que le montant des impôts soit également dévoilé. Refusée à l'Assemblée, cette disposition a été adoptée au Sénat. À l'Assemblée nationale, on nous a soutenu qu'elle risquait de déstabiliser les banques ; au Sénat, le Gouvernement y a trouvé une vertu en donnant un avis favorable. Le livre de la révélation fiscale avait sans doute dû être consulté pour nous éviter de plonger dans l'apocalypse bancaire… Il est en tout cas absolument indispensable que ces informations soient disponibles le plus rapidement possible ; non pas en 2015, mais en 2014.

Par ailleurs, il nous semble trop restrictif de limiter cette obligation d'information aux seules banques ayant leur siège social en France. Pourquoi toutes les banques réalisant des activités bancaires en France ne seraient-elles pas soumises à une telle obligation ? Si l'on dispense les banques qui interviennent marginalement en France, au moins faudrait-il que celles qui y réalisent des chiffres d'affaires conséquents soient soumises aux mêmes obligations que les banques françaises. Certains expliqueront qu'on ne peut pas prendre de telles décisions de façon unilatérale, sans consulter nos partenaires. Les États-Unis le font pourtant ! Ils n'hésitent pas à requérir des banques étrangères les mêmes ratios de liquidité qu'ils imposent à leurs propres banques.

L'autre point qui nous paraît crucial est l'encadrement par la loi des rémunérations des dirigeants de banques. Il est regrettable de s'en remettre, une fois de plus, à l'autorégulation. Cette méthode a été utilisée à plusieurs reprises ; elle a échoué. Il faut légiférer, tout particulièrement dans le domaine bancaire.

La crise financière de 2008 l'a montré : le système de rémunération actuel fait préférer le court terme au long terme, la prise de risque inconsidérée à l'audace raisonnée. L'encadrement des rémunérations dans le secteur bancaire répond non seulement à l'exigence de décence, mais aussi à un impératif de maîtrise des risques. Réguler les rémunérations dans un secteur aussi stratégique que la banque, c'est aussi envoyer un signal clair aux autres grandes entreprises : « Si vous ne faites rien, alors nous passerons par la loi ». Imposer que la part variable des rémunérations ne dépasse pas la part fixe, ce serait, monsieur le ministre, rendre crédible votre demande d'autorégulation.

Enfin, le trading à haute fréquence doit être tout simplement interdit. Il contribue en effet à la délinquance économique en raison du danger qu'il fait peser sur les économies et il échappe à tout contrôle. Les députés du groupe RRDP avaient voté en faveur du texte en première lecture, tout en émettant le souhait que les lectures ultérieures au Sénat et à l'Assemblée permettent d'aller plus loin. Nous réitérons ce souhait.

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