Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 5 juin 2013 à 21h30
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Monsieur le ministre, votre texte sur la séparation et la régulation des activités bancaires, largement complété par le Parlement, était présenté comme un texte phare de la moralisation de l'économie et de la protection des épargnants.

Il faut certes saluer de bonnes intentions, qui entendent remédier aux récents scandales. On ne peut, par exemple, qu'être favorable à une sanction des manipulations d'indices, à l'encadrement du recours des collectivités aux produits structurés ou à un meilleur contrôle des bonus.

Il est regrettable que le Liborgate, les emprunts toxiques des communes et les années de bonus indécents aient déjà enrichi les banquiers peu scrupuleux ; mais la finance a toujours eu un coup d'avance sur la loi…

Alors, sans entrer dans le détail des dispositions du texte, il convient de regarder si celui-ci s'est donné les moyens d'atteindre ses principaux objectifs, à savoir mettre en place des garde-fous pour éviter que des activités spéculatives ne viennent menacer l'épargne des ménages et prévenir le risque systémique en cas de faillite d'une banque.

L'aveu de départ des grands patrons reste inchangé : moins de 1 % des activités des grandes banques sera touché par l'obligation de filialiser. La montagne accouche donc toujours d'une souris.

Mais ce qui est bien plus inquiétant, c'est que loin de protéger les épargnants, le projet de loi semble rendre possible un scénario à la chypriote. Il prévoit en effet, dans son titre II, un nouveau mécanisme de résolution des crises bancaires, articulé autour d'une autorité de contrôle et d'un fonds de garantie.

L'autorité de contrôle se voit imposer des objectifs clairement hiérarchisés dans l'article 5 : préserver la stabilité financière et la continuité des établissements dont la défaillance aurait de graves conséquences et, ensuite seulement, protéger les déposants et éviter le recours aux soutiens financiers publics. Tout est dit : d'abord la finance, ensuite les autres, comme en 2008.

Mieux encore, dans l'article 6, on découvre que c'est le fonds de garantie des épargnants qui pourra désormais être utilisé pour renflouer un établissement financier jugé défaillant. Cela aboutit de fait à supprimer la garantie de l'épargne pour les dépôts inférieurs à 100 000 euros afin de renflouer les pertes financières des banques qui iraient spéculer. C'est la privatisation des profits et la collectivisation des pertes.

Un tel mécanisme s'avérerait en outre parfaitement insuffisant pour prévenir un risque systémique, compte tenu de sa dotation et des sommes en jeu.

Comment ne pas faire le rapprochement avec le sauvetage de Chypre cette année ?

Pour que les États paient les intérêts de leur dette et qu'ils remboursent ce qu'ils doivent, l'Union européenne pense sans doute que la solution réside dans une ponction généralisée sur les avoirs bancaires. C'est peut-être la surprise qui nous attend dans la directive européenne à venir...

Par le passé, on a déjà pratiqué l'emprunt forcé. Ici, on prendrait sans avoir l'intention ni de rendre ni de verser un intérêt, à la manière de Don Salluste spoliant le bon peuple qui, étonné de ne pas se voir lynché, s'exclame : « J'aurais dû leur prendre le triple ! »

Même si elle est nécessaire, la filialisation des activités à risque doit s'inscrire dans une réflexion plus large sur la finalité des banques. Le véritable problème vient de la nature du système financier, qui s'apparente toujours plus à un casino : plus les banques prennent de risques, plus elles peuvent faire de profits.

Dès lors, leur inventivité est sans limites : junk bonds, subprimes, hedge funds, produits structurés, effets de leviers, swaps, produits dérivés en tous genres, tout ce que la déréglementation mondiale encouragée par l'Amérique des années Greenspan a rendu possible est exploité.

Inventivité et impunité : après la crise de 2008, combien de grands patrons de banques ou de traders ont fini en prison ou ont dû rembourser leurs millions ? Presque aucun ! Du plan Bush-Paulson de 2008, d'un montant de 700 milliards de dollars, à ceux de l'Union européenne pour sauver la Grèce ou Chypre, c'est toujours le contribuable qui paie.

La France n'est pas en reste. Il y a vingt ans, les délires de la banque industrie du Crédit Lyonnais ont laissé une ardoise de plus de 20 milliards d'euros aux Français. M. Haberer avait écopé en appel d'un euro de dommages et intérêts ! Il est vrai qu'il avait été inspecteur des finances et directeur du Trésor.

Il n'est pas étonnant de voir que votre texte ne marque, contre ces pratiques, aucune remise en cause majeure. Comment le pourrait-il alors que de nombreux pontes de Bercy attendent leur tour pour pantoufler dans le privé, notamment dans le secteur financier ?

Votre texte a toutes les chances de n'être qu'un leurre, car vous voulez nous faire croire que les banques marcheront au pas, alors qu'en réalité elles mènent la danse.

Les moyens de contrôle dont dispose l'Autorité des marchés financiers sont à l'évidence insuffisants face à la multitude des transactions et aux montages sophistiqués des banques pour leurs activités.

Je ne suis pas fataliste, mais comment un État dont le financement nécessite d'emprunter 170 milliards d'euros cette année encore sur les marchés et qui doit rembourser une dette de plus de 2 000 milliards d'euros pourrait-il se permettre d'être autoritaire face à la puissance des grands établissements financiers ? Ce même État a organisé son emprunt sur les marchés avec la loi de 1973, entre autres instruments juridiques.

Le ministre de l'économie se félicite de créer ici la réglementation la plus contraignante des pays développés. Peut-être, mais par rapport à qui ? Chypre ? La City ? L'Amérique de Goldman Sachs et des subprimes ?

Vous nous avez menés dans une impasse où, malgré les belles phrases et les lois qui sonnent dur, le politique n'a plus la main face aux folles pratiques de la finance.

C'est une lourde responsabilité de trente ans que vous portez avec l'UMP et un fardeau dont les citoyens libres ne veulent plus.

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